Peines d'amour perdues/gagnées

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- Frédéric, il te reste du vin? Je voulais en boire mais je n'en ai plus chez moi...

Liszt referma la porte derrière lui après être rentré. Personne ne lui répondit.
Il avança dans le couloir de l'entrée, en l'appelant de nouveau. Toujours rien.

Il n'était tout de de même pas encore malade et alité!

Il jeta un œil à la cuisine. Elle était vide. Il s'avança dans le salon, lui aussi inoccupé. Peut-être était-il sorti, et avait-il oublié de fermer la porte à clé? Étrange, mais possible, vu comme il pouvait parfois être tête en l'air.

Il regarda tout autour, et se rendit compte qu'il n'était jamais resté dans cet endroit, seul. Il n'aura qu'à attendre son retour. Il s'affala sur un fauteuil, en s'y asseyant grossièrement, et continua de scruter la pièce.

Elle était peu remplie. Chopin n'y avait installé que le strict nécéssaire. Une bibliothèque, un canapé, deux fauteuils, une petite table, une commode et un vaisselier. C'était bien plus rangé que chez lui. Là où on trouvait dans son salon des vêtements au sol, des partitions sur les étagères, des assiettes vides sur le piano, ici l'on ne trouvait que des assiettes empilées proprement dans le vaisselier et des livres rangés par ordre alphabétique.

Liszt n'était pas désordonné ; seulement paresseux. Tout comme à présent. Il s'enfonça dans le fauteuil, en laissant tomber sa tête en arrière. Le petit lustre taillé dans le bois qui décorait le centre du plafond était bien joli.

Il releva la tête, et se redressa. C'était si silencieux ici. Aucun bruit ne survolait l'appartement à part les tic-tac incessants de l'horloge. Chez lui, des bébés pleuraient, les voisins se disputaient, et tapaient dans le mur lorsqu'il se mettait à jouer du piano en pleine nuit. Ce qu'il faisait pour couvrir les pleurs de ces nourrissons, qui ne parvenaient pas à dormir à cause des sons de l'instrument, ce qui énervait tout l'étage qui finissait par se crier dessus. Sans compter son voisin de gauche qui ramenait une prostituée différente chaque soir et qui ne retenait pas sa voix en plein acte. Enfin, c'était toujours plus plaisant à entendre que les chagrins enfantins.

Peut-être devrait-il déménager... ou venir dormir chez lui plus souvent.

Il logeait à l'Hôtel de France, et Chopin logeait dans un appartement des plus modestes, et pourtant c'était lui qui disposait du meilleur voisinage. C'était à n'en rien comprendre. Ou bien Dieu était en colère contre lui?

Il se leva - et il lui fallu du courage pour ça - et s'avança vers la fenêtre. Mine de rien, son homologue avait une belle vue. Il habitait à l'un des plus hauts étages, de ce fait il avait une vue superbe sur la capitale parisienne.

Il tourna la tête vers la commode près de la fenêtre, sur lequel était posé un vase d'hortensias. Elle avait de grands tiroirs. Sa curiosité l'emportant, il ne put s'empêcher d'aller y fouiller.

Le premier tiroir ne comportait rien d'intéressant. Des partitions ébauchées, des livres, des torchons... il passa rapidement au deuxième.

Et dans celui-ci, quelque chose retint son attention. Une boîte. Sans plus attendre, il la prit, la posa sur le mur et l'ouvrit. À l'intérieur se trouvait des papiers pliés. Des lettres secrètes? Peut-être lui étaient-elles adressées! Il se frotta les mains et, tout sourire, prit celle du dessus. Mais à peine avait-il lu les premières lignes qu'il en resta coit.

"C’est en vain, je le sais, que je t’aime. Pourtant je voudrais que tu m’aimes toujours davantage."

Comme cela commençait bien! C'était en écrit en polonais, et il lui fallut se concentrer pour bien comprendre, mais cela ne l'empêcha pas de continuer et à lire une à une les lettres qu'il avait sous la main.

La mélodie des sentimentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant