Ceux qui osent et ceux qui n'osent pas

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- Ne bouge pas! Je vais tout rater sinon.

Fryderyk soupira, et abandonna l'école qu'il regardait par la fenêtre - près de laquelle il était assis - pour poser ses yeux devant lui.

- Pourquoi ne veux-tu pas te maquiller toute seule? Maugréa-t-il.

- Parce que c'est trop dur! C'est plus facile sur toi. Et tu as de longs cils, c'est plus joli.

Il roula des yeux tandis que sa jeune sœur tartinait sa joue gauche de fard rouge. Il n'imaginait même pas la réaction de son père s'il le trouvait ainsi. Heureusement, il était allé faire une course avec sa mère en ville. C'était bien pour ça qu'il guettait la rue.

- Arrête de bouger, j'ai dit! Le reprit Izabela, car il y avait à nouveau posé les yeux. Ah, mais j'ai oublié de te mettre de la poudre!

- Parce que tu ne trouves pas mon visage déjà assez clair?

- Toute bonne femme de la haute société se doit de se poudrer le visage, dit-elle en posant le petit bol en cuivre de poudre rougeâtre pour en prendre un autre, plus grand et en bois, rempli de poudre blanche. Malheureusement nous n'en avons pas de perles broyées, seulement de farine de riz. Mais ça fera l'affaire.

- Puisque je n'ai pas le choix...

Tout sourire, elle lui appliqua de la poudre sur les deux joues, sur le nez, le menton puis le front, ce qui ne manqua pas de le faire tousser plusieurs fois.

- Il faut en mettre beaucoup, pour que ça tienne et que ça se voie.

Il se laissa faire, pas moins ennuyé. Il priait juste pour que ça ne dure pas longtemps.

- Voilà! Je vais te remettre du rouge aux joues. C'est signe de bonne santé.

- En voilà une belle farce.

- Maintenant, choisis une couleur pour les lèvres, lui dit-elle dès qu'elle eut fini en lui présentant plusieurs petits pots d'une mixture grasse rosée et rouge.

- Une qui ne se voit pas.

- Alors je vais te mettre du rose. Ça fera trop de rouge sinon.

- D'ailleurs, où as-tu trouvé tout ça? Dans la coiffeuse de maman?

- Non, dans celle de Ludwika. Ce maquillage doit être utile, avec, elle arrive à charmer plein de garçons.

- Ne prends pas son exemple, lâcha-t-il. Je l'avais dit à Jan, elle a composé une superbe mazurka il y a quelques semaines. Pourquoi elle ne se concentre pas là-dessus? Elle pourrait en faire d'autres. Ça fait même longtemps qu'on a pas joué ensemble.

Izabela posa son doigt dans la mixture, et l'y frotta jusqu'à ce qu'il soit couvert de rose, et réitéra le geste sur les lèvres de son frère.

- Ludwika est une femme maintenant. Elle aime encore le piano et la composition mais elle veut aussi passer du temps avec des garçons. Tu comprendras toi aussi, lorsque tu auras son âge! Tu voudras avoir plein d'amoureuses.

- Je ne pense pas, non. J'aime déjà quelqu'un, et je sais que je l'aimerai pour toujours.

- Tu ne me l'as jamais dit! Qui est-ce? Je la connais?

- Je ne vais pas te le dire. Tu vas le répéter à papa et maman, et ce serait très ennuyeux.

- Non, promis! Dis-moi.

Il hésita. D'un côté, il lui faisait confiance, mais de l'autre, il savait qu'un secret pouvait lui échapper par mégarde.

- Sais-tu quoi? Je te le dirai lorsque je serai adulte, et que tu le seras aussi. Et si je suis toujours avec cette personne, ça prouvera que notre amour est vrai.

La mélodie des sentimentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant