Ave Maria

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Appuyé contre le mur de l'église, Chopin posa sa tête sur la pierre de l'édifice chauffée par le Soleil. Il avait chaud, terriblement chaud, il était en train de mourir. Cela faisait vingt minutes que Liszt était entré dans le monument juste pour y faire un tour et il n'en était toujours pas sorti. Et lui, pendant ce temps, il cuisait sous cette affreuse chaleur. Mais où était le vent qui rafraîchissait les plages et faisait monter les vagues?

Heureusement, ils étaient dans un petit village, et il pouvait se laisser aller. Pas de veste épaisse, il pouvait se promener en chemise. Il défit un autre bouton à son col, et sentit combien ses clavicules, comme le reste de son corps, étaient trempées de sueur.

Ses yeux vaporeux traversèrent la place. Outre la petite église qui trônait au milieu, l'on y trouvait une petite fontaine, entourée d'une boulangerie, de maisons et de divers petits commerces. C'était d'ailleurs étonnant, un village si simple, comparé à l'hôtel immense sur la falaise que Berlioz avait choisi. Un hôtel bien trop luxueux pour lui... il allait encore avoir des dettes. Quant à lui, heureusement qu'Amantine lui avait donné de l'argent.

Il leva les yeux au ciel. Pas un seul nuage à l'horizon. Il était donc condamné à subir les affreux rayons du Soleil encore longtemps.

Et Liszt qui ne revenait pas... c'était à croire qu'il aimait à le torturer.

Il lâcha le mur de pierre, et d'un pas lent, s'avança vers la petite étendue d'herbe qui entourait la fontaine. Puis il s'y laissa tomber. Peu importe si on le croyait mort. Il l'était déjà un peu, de toutes façons.

Il resta ainsi cinq longues minutes, et était si plongé dans sa transe qu'il n'entendit pas les pas s'approcher de lui.

- Monsieur, vous allez bien?

Il tourna paresseusement la tête, ses cheveux décoiffés par l'herbe et retombant sur ses yeux. Un jeune garçon, d'une dizaine d'années, le fixait et lui cachait le soleil.

- Je vais bien, petit. À présent laisse-moi.

Il reposa sa tête sur la pelouse, et réalisa pourquoi il s'entendait si bien avec Liszt. Il était capable d'être aussi désagréable que lui.

- Vous êtes sûr que vous allez bien? Je peux faire appeler un médecin...

- Pas la peine, ni moi ni mes amis n'avons de quoi le payer.

- Vos amis? Où sont-ils?

- Cela ne te regarde pas. Va donc jouer avec les tiens et laisse-moi observer l'affreuse beauté de la Mort de plus près. J'entends déjà ma marche funèbre...

Le garçon observa cet étrange homme en haussant un sourcil. Il ne l'avait jamais vu par ici, et il ne parlait pas non plus comme les gens d'ici. D'ailleurs, il n'avait jamais vu quelqu'un d'aussi svelte et d'aussi blanc.

- ...Êtes-vous un revenant?

- Non, mais je me sens tout comme, grogna-t-il.

Il avait si chaud que cela avait dû atteindre son cerveau. Il le sentait fondre, tout comme son corps. Il n'avait mal nulle part, mais une nausée commençait à lui nouer l'estomac, sa gorge était asséchée et il n'avait même plus la force de bouger un doigt.

De ses yeux à-demi clos, il aperçu un morceau de pain être posé à côté de lui.

- Je le réservais à ma sœur, mais vous semblez en avoir plus besoin qu'elle. Je lui en achèterai un autre. Remettez-vous bien, Monsieur.

Il entendit ses pas s'éloigner, et après un instant d'hésitation, finit par attraper le pain et à croquer dedans. Il n'était pas très bon, mais c'était toujours mieux que rien. Ça aurait été bien meilleur avec du fromage... il ferma les yeux, attiré par le monde des rêves.

La mélodie des sentimentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant