Chopin referma la porte derrière lui. Il retira son couvre-chef, et s'essuya le front de la manche. Il faisait encore plus chaud à Paris que près de l'océan. Ou bien étaient-ce de monter ces escaliers qui lui avait donné cette bouffée de chaleur.
Il posa sa valise sur le parquet brillant, et détendit sa main irritée par sa lanière. En plus de tout ça, il avait mal au bras et aux jambes. Marcher de chez Berlioz jusqu'ici n'avait pas été une partie de plaisir.
Parce que bien sûr, Liszt n'avait payé la diligence que jusqu'à chez ce dernier, en omettant de demander à déposer les deux voyageurs restants. Alors il avait dû revenir seul, et ses pauvres muscles bien fins avait souffert. Au lieu de rentrer chez lui, Liszt aurait tout de même pu le raccompagner pour porter sa valise... Il avait tant de force, lui. Enfin, Chopin relativisa ; lui au moins pouvait jouer du piano sans abîmer le clavier en y tapant trop fort.
Il posa son chapeau sur le porte-manteau, ainsi que sa veste, le laissant en chemise. Puis il s'avança dans le corridor.
- Amantine? Je suis rentré!
Il ouvrit plusieurs portes, mais ne la trouva nulle part. Lorsqu'il ouvrit celle de la chambre, il trouva quelqu'un, mais ce ne fut pas la personne à laquelle il s'attendait.
Il trouva Delacroix, les cheveux peu coiffés et en robe de chambre, à l'ouvrage près de la fenêtre, le soleil illuminant de ses rayons la toile en cours. Plus que surpris de le trouver là - très bien installé qui plus est, il s'approcha, mais resta d'abord silencieux. Il observa la chambre. Le lit, qui était couverts de multiples couvertures et oreillers aux couleurs chaudes, était défait, et même en désordre, et la pièce l'était tout autant. Si les livres étaient parfaitement alignés sur les étagères, le sol, lui, était jonché de feuilles et de vêtements. Il fut presque obligé de poser les pieds dessus lorsqu'il s'approcha davantage.
En l'entendant, Delacroix jeta un œil vers lui, sans pour autant cesser son ouvrage, et en prenant un peu de beige sur sa palette.
- Bonjour, Frédéric. Que faites-vous ici? Je suppose que vous cherchez Aurore. Mais elle n'est pas ici, elle est retournée à Nohant avec son amie, Marie... Marie d'Agoult, voilà. Et elle m'a permis de rester ici. Vous savez, ces appartements sont grands, et si calmes par rapport au mien.
Chopin croisa les bras. Amantine n'avait pas menti lorsqu'elle avait dit qu'elle logeait le peintre. S'il avait su que c'était si longtemps. Il était vraiment comme chez lui.
- Je vois... soupira-t-il.
Encore une fois, elle ne l'avais pas prévenue. Mais Marie, avait-elle prévenu son compagnon?
- Et Marie aussi? Décidément...! Dit-il malgré lui a haute voix.
Sans le regarder, Delacroix reprit un peu de beige, qu'il mélangea avec du brun pour le rendre plus foncé.
- C'est vrai, n'est-elle pas la compagne de votre ami Franz Liszt? Les femmes vous abandonnent. Mais peut-être vous seraient-elle plus fidèles si vous ne les abandonniez pas tout autant...
- Pardon?
- Où étiez-vous? Avant de repartir pour Nohant, Aurore a cherché à vous voir. Elle ne vous a trouvé nulle part à Paris.
- J'étais en séjour en Normandie, avec de proches amis. Je lui ai envoyé des lettres.
- Je vois. Je crois savoir que vous êtes de santé fragile ; j'espère que l'air maritime a quelque peu guérit vos rhumatismes.
Chopin s'approcha lentement, la curiosité l'emportant. Il n'avait encore jamais vraiment vu de peintre à l'ouvrage. Et cela le fascinait plus qu'il ne voulait l'admettre. Chaque coup de pinceau de Delacroix était léger et fluide. Jamais les poils souples ne faisaient une tâche de côté, et ses gestes répétitifs étaient presque harmonieux. Il ignorait que l'action de peindre pouvait l'être autant que celle de jouer. La seule fois où Liszt avait tenté la peinture à l'huile, il en avait résulté des pinceaux cassés et de l'art abstrait avant l'heure. Il avait aussi vu quelques aquarelles de Mendelssohn, qui elles étaient vraiment belles. Il se demanda si celui-ci peignait de la même façon que Delacroix.
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La mélodie des sentiments
Historical FictionUn concert, une déclaration, un baiser, et la perspective de passer une bonne soirée. Sur les quais de Seine, dans un coin tranquille de campagne, sous la bise maritime d'une plage, au recoin d'une chambre sombre, les sentiments tournoient comme une...