PHANTASIA : 1- Le monde caché

Chapitre 68

Malgré sa blessure, Olivia conserve toutes ses forces et se bat férocement. Comme son frère, elle veut en finir avec cette guerre. Mais pour cela, il faut qu'elle trouve Askel. La plupart des rois et des généraux ne sont présents que dans le but de donner des ordres à leurs soldats pour finalement rester terrés dans leurs tentes, attendant patiemment le dénouement de la bataille. Cependant, cette logique utilisée durant des siècles n'est pas valable à Phantasia. En effet, les généraux se battent avec leurs soldats, et il en va de même pour leur roi.

Le regard d'Olivia finit par trouver sa cible, qu'elle se met à fixer comme si une flèche pouvait sortir de ses yeux et allait se planter droit dans le cœur d'Askel. Malheureusement, cette option n'est pas envisageable. La composition de nos yeux fait que l'on ne peut pas les considérer comme l'arme la plus redoutable. Elle permet seulement de tisser un lien avec son ennemi. Grâce à cela, Askel a remarqué Olivia. Droit sur son cheval, son épée en main et la tête relevée, le roi fou sourit méchamment. Sa posture de souverain conquérant et fier insupporte la jeune Donovan, qui serre davantage le pommeau de son épée.

Askel descend de son cheval et s'élance vers Olivia qui quant à elle, ne bouge pas d'un membre. Seule sa concentration et son esprit sont en mouvement constant. Après avoir pris une grande inspiration, la jeune Donovan décide de s'avancer. Pas parce qu'elle a hâte de se battre contre Askel, mais car elle entend les appels désespérés de son frère qui la supplie de faire demi-tour. Il sait que c'est son destin, la tâche qu'elle doit accomplir, mais Liam a bien du mal à laisser sa petite sœur s'en aller et risquer sa vie pour ce qui pourrait être une cause perdue.

– Cette fois, il n'y aura plus personne pour te sauver, dit Askel une fois suffisamment près d'Olivia.

La jeune Donovan reste silencieuse, le regard toujours braqué sur ce qui autrefois était son prétendu mari. Olivia garde tout son calme, car elle a trouvé quelque chose qui il y a quelques mois à peine, continuait de l'échapper, telle une plume emportée par le vent dans un endroit lointain : la sérénité. Lorsqu'on entend ce genre de discours, on se dit souvent que l'heure est venu pour la personne de prendre son envol et d'achever son ouvrage, mais pas pour Olivia. Au contraire, cette sérénité marque le commencement d'une nouvelle vie.

– Sais-tu pourquoi je suis ici ? demanda-t-elle à Askel.

– Pour me tuer.

– Ce n'était pas ma question. Pourquoi suis-je ici, dans ce monde, à me battre pour une cause qui normalement ne me concernerait même pas ? Hier encore, je n'étais qu'une lycéenne, plongée dans la mélancolie et la solitude, se sentant délaissée par sa propre famille. Mais aujourd'hui je suis une guerrière. En venant ici j'ai trouvé le courage, mon frère, et j'ai compris énormément de choses sur moi-même.

– Et qu'as-tu appris ?

– Que j'ai ma part de responsabilité dans ma famille, et que c'est à moi de tout remettre en ordre. Parce que si je ne le fais pas, personne ne s'en souciera. Mon père, ma mère, Liam, ils sont tous perdus. Je suis la seule à être restée sur le droit chemin.

– Eh bien ! En voilà une jolie histoire.

– Mais elle n'est pas encore finie. C'est moi qui en écrierai la fin.

– Et comment se terminera-t-elle ?

– Par ta mort, le couronnement de Mya et mon retour chez moi.

– Tu as peut-être le livre, mais j'ai la plume et l'encre.

– Ton sang suffira pour écrire.

– Dans ce cas, j'ai hâte de voir comment l'histoire se termine.

Askel fait tourner son épée, comme s'il s'agissait d'une démonstration de force. Mais cela n'impressionne guère Olivia qui se tient prête. C'est le roi qui lance l'assaut. Il se jette sur la jeune Donovan, qui se protège en levant son arme comme bouclier. Olivia et Askel ont à présent leur visage proche l'un de l'autre. Sur celui du roi on ne lui que de la colère, mais sur celui de la guerrière, on y voit un sourire.

Askel modifie immédiatement cette expression un peu trop joyeuse en se libérant une main pour appuyer avec son pouce sur la blessure d'Olivia, qui finit par hurler de douleur. D'un coup de pieds, Askel fait tomber son adversaire qui se trouve piégée par la lame du roi proche de sa gorge. Après avoir levé sa jambe, Askel écrase violemment le bras d'Olivia, enfonçant la pointe de la flèche plus profondément dans sa chair. Olivia crie de douleur, pendant que le souverain s'approche de son oreille, pour murmurer :

– Ressens-tu cette douleur ? Ce n'est rien comparé à ce que tu m'as fait subir lorsque tu m'as trahi.

Olivia crache au visage d'Askel et repousse sa lame à l'aide de ses bras d'armure. Une fois dégagée, la jeune Donovan réunit toutes ses forces pour donner un violent coup de pieds à Askel, qui le souffle coupé, recule. Cela laisse le temps à la guerrière de se relever d'un bon et de reprendre le combat. Les épées se rencontrent rapidement et férocement. Un spectateur ne pourrait déterminer le meneur, pas même un expert.

Malgré la rapidité des mouvements, Olivia ne perd pas le fil. Peut-être est-ce à cause de sa nouvelle détermination, ou de l'adrénaline qui s'est déjà emparée de tout son être. Askel s'apprête à donner un grand coup, mais dans une pirouette Olivia esquive l'attaque. La roi parait fatigué, et sa colère n'arrange rien. Il a l'air de ne plus contrôler le moindre de ses gestes, comme si ses émotions avaient pris le dessus sur la raison et son bon sens. Finalement, Olivia lance une nouvelle attaque et sa lame vient toucher l'œil d'Askel qui hurle de douleur en se tenant l'œil. Dommage pour lui, il ne verra pas sa blessure cicatriser, les morts ne voient plus.

– Êtes-vous fatigué, mon roi ? Peut-être souhaiteriez-vous une pause pour recouvrer vos esprits ?

– Va au diable, catin !!

– Cette expression est atrocement vieillie et démodée, mon seigneur.

– Crève, salope !!

– Là, c'est plus intéressant.

Olivia s'élance sur Askel et frappe de nouveau à plusieurs reprises. La fin est proche, elle le sent. Mais rien ne dit que le cours de l'histoire est en sa faveur. Peut-être se joue-t-il d'elle. Mais lorsqu'elle sent le contact de son épée avec la peau d'Askel, elle a à présent la certitude que le destin l'a choisie pour survivre. La jeune Donovan enfonce sa lame jusqu'à ce qu'elle traverse entièrement le corps du roi et en ressorte par son dos.

Askel tremble, pendant que du sang sort de sa bouche, mais ne lâche pas Olivia du regard. Lorsque le corps du roi tombe au sol, la jeune Donovan lâche son épée et ferme les yeux. Un poids vient de se retirer de ses épaules, ce qui lui procure un sentiment de libération immense. La guerre peut s'arrêter, Askel est vaincu. Le roi est mort, vive la reine.