Chapitre 3

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Le soir venu, Olivia rentre chez elle. Elle a beau être fatiguée, il y a encore énormément de choses dont elle doit s'occuper. Elle prépare le dîner, met la table, fait un peu le ménage et trie le courrier, avant de s'attaquer à ses devoirs. Ce n'est que lorsqu'elle entend la porte d'entrée s'ouvrir, qu'elle se décide à descendre pour retrouver son père.

– Salut papa, dit-elle d'une voix neutre.

– Bonsoir. Comment était ta journée ?

– Bien, et la tienne ?

– Comme d'habitude, épuisante.

Voilà la seule conversation qu'ils auront tous les deux ce soir. Mais il s'agit plus de politesse et d'obligation, plutôt que d'une réelle envie de discuter. Entre le père et la fille Donovan, le malaise est toujours présent. Cody prend son plateau et monte dans son bureau, non sans adresser un sourire forcé et gêné à son enfant. Olivia s'installe à table et dîne seule, comme chaque soir. Elle ne se sent pas attristée par l'absence de son père. Qu'il soit là ou non, cela n'aurait rien changé. Dans tous les cas elle se serait sentie seule. Alors autant éviter de nouveaux malaises inutiles.

Soudain, le téléphone se met à sonner. Olivia se lève de table, puis regarde le numéro affiché. Son cœur se met à battre à tout rompre lorsqu'elle comprend de qui il s'agit. C'est la clinique où est internée sa mère... Elle avait complètement oublié que c'était son jour d'appel. Olivia empoigne le téléphone d'une main forte, comme si elle avait peur qu'il lui glisse entre les doigts.

– Allô ?

– Livy chérie, c'est toi ?!

La voix enjouée de sa mère fait trembler les jambes d'Olivia, qui est obligée de s'asseoir sur une chaise pour ne pas tomber. Elle hait ses moments-là, même si elle sait qu'elle doit être présente pour sa mère.

– Salut, maman.

– Oh Livy, comme je suis contente de t'entendre. Tu vas bien ?

– Ça va.

– Super ! Écoute, j'ai une grande nouvelle à t'annoncer. Je sors bientôt !

En entendant ces mots, Olivia a du mal à déglutir. Les paroles de sa mère sonnent comme de fausses notes qui abiment les tympans de tous ceux qui osent y prêter oreille. La dernière fois qu'Alison a quitté l'établissement dans lequel elle était internée, ça s'est très mal terminé. Les sorties qu'elle faisait autrefois ont repris, comme sa consommation de stupéfiants. Olivia ne veut plus revivre cela.

– Ce n'est peut-être pas une bonne idée maman, souffla la jeune lycéenne.

– Livy, tu es si mignonne de t'inquiéter pour moi, mais c'est derrière moi tout ça, je te l'assure. La drogue, les sorties, c'est terminé je te le promets.

Une promesse... Olivia et sa mère n'ont pas la même définition de ce terme. Pour la jeune fille, ce serment ne doit être rompu, mais pour Alison c'est une façon d'être plus persuasive dans ses propos, une manière de mener son entourage en bateau.

– On verra cela, se contenta de répondre Olivia.

– Et ton père ? Il est rentré ?

– Oui, il est dans son bureau.

– Passe-le-moi, je veux lui parler.

Le ton joyeux de Alison exaspère sa fille. Elle fait semblant d'aller bien, alors qu'en réalité elle est en manque de drogue. Mais Olivia s'exécute et monte à l'étage pour entrer dans le bureau de son père.

– C'est maman, dit-elle simplement. Elle veut te parler.

Cody s'affale davantage sur son fauteuil, comme s'il souhaitait y être aspiré et ainsi éviter ses responsabilités. Mais cela n'étonne pas Olivia. Au contraire, elle connait déjà la réponse que se prépare à dire son père.

– Heu... j'ai beaucoup... de travail, bégaya-t-il. Je suis désolé.

– Bien sûr.

Olivia dévale les marches en claquant la porte, plus furieuse que jamais. Pourquoi est-elle la seule personne responsable dans cette famille ?! Elle savait qu'elle était seule, mais pas à ce point, et cela la désole.

– Papa a beaucoup de travail, il ne peut pas te parler.

– Oh, je vois... Ce n'est pas grave, continuons à discuter toi et moi. Un petit copain ?

– Non et aucune envie d'en avoir.

– Tu changeras d'avis lorsque tu auras rencontré le bon Livy, crois-moi.

– Peut-être.

– Et ton frère ? Toujours aucune nouvelle ?

– Ça fait deux ans maman, la police a arrêté les recherches et tu le sais. De toute façon il est majeur.

Olivia déteste parler de son frère, Liam. Quelques mois avant sa disparition, elle voyait bien qu'il était bizarre, distant, comme s'il était préoccupé par quelque chose. Il s'enfermait dans sa chambre et on ne l'apercevait que très rarement. Et puis un jour, il a disparu. Malgré les recherches, la famille Donovan n'a trouvé aucune trace de lui. La police a alors abandonné l'idée de le retrouver, comme ses proches... Une fugue ? Un enlèvement ? Olivia ne le saura sans doute jamais.

– Tu me manques tellement mon ange, dit Alison.

– Je dois te laisser, j'ai encore des devoirs à faire.

– Oui, bien sûr. Tu as une vie toi aussi après tout.

– Au revoir, maman.

– On se voit très vite ma Livy, je t'aime.

Olivia raccroche en se demandant comment elle fait pour être aussi patiente. Même sans avoir vu le visage de sa mère, elle a réussi à comprendre qu'Alison a joué la comédie. Elle s'est forcée à sourire en parlant, afin de paraître la plus seine possible. Mais ce n'est qu'un mensonge, un masque que Madame Donovan s'est mise sur le visage afin de cacher ses véritables intentions, qui sont de consommer, encore et davantage.

Olivia n'en veut pas à sa mère, car elle connait les dommages de la drogue. Lorsqu'on y a touché, on ne peut plus s'en passer. Elle ne connait pas ce sentiment de manque, mais il suffit d'entendre la voix de sa mère pour comprendre que la drogue est extrêmement dangereuse et dévastatrice.

Olivia monte les escaliers et s'arrête devant le bureau de son père. Elle pensait avoir fermé la porte, mais visiblement la force qu'elle a utilisé pour créer une barrière entre elle et son père n'a pas été suffisante, ou bien justement trop. Cody admire sa fille avec un regard qu'Olivia qualifierait de coupable. Et c'est vrai, il s'en veut de ne pas avoir assez de volonté pour parler à sa femme, qui a besoin de sa famille plus que jamais.

La jeune Donovan toise son père avec un mépris profond. Elle fait un pas dans la pièce, entrant dans le domaine de son père et entrouvre la bouche pour sortir le fond de sa pensée.

– Je ne devrais pas être la seule à affronter cela, lâcha-t-elle avant de s'enfuir dans sa chambre.

Elle se réfugie sous sa couette, dans l'obscurité la plus totale et se concentre sur ses pensées. Elle ne pleure pas et ne ressent plus la moindre colère. Olivia reste calme, paisible et se laisse progressivement entraîner par le sommeil.

PHANTASIA : 1- Le monde cachéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant