PHANTASIA : 1- Le monde caché

Chapitre 32

Rowan ouvre une trappe, laissant entrer les fins rayons de lumière. L'obscurité est à présent derrière les deux rebelles, mais pas le danger de cette mission. La menace de se faire prendre par les chiens enragés d'Askel poursuit sa traque, attendant le bon moment pour les trahir.

Olivia se redresse et observe les lieux. Elle reconnait le jardin du château, l'endroit où elle a eu son premier baiser avec un meurtrier. Cette pensée dégoûte la jeune Donovan. Rowan se tourne vers Olivia, et sort quelque chose de son sac à dos. Est-ce que ce genre d'objet existait déjà au Moyen-Age ? Olivia ne sait plus à quelle époque elle se trouve. D'ailleurs, le château ne ressemble pas non plus à ceux d'antan. Il ressemble plus à ceux du XVIème ou XVIIème siècle. Certes les époques semblent assez proches, mais pas les cultures, ni les progrès scientifiques et encore moins les architectures.

– Tu veux bien mettre ça, Olivia ?

La jeune femme observe la perruque blonde, ainsi que la longue cape hibernus marron que vient de sortir Rowan. Il est vrai que la reine doit cacher son identité. Après tout, elle est activement recherchée. C'est donc avec rapidité qu'Olivia enfile la cape, place la perruque blonde et met sa capuche.

– Tu essaieras de garder la tête baissée, tu peux faire cela ? demanda gentiment Rowan.

– Oui, ne t'en fais pas.

– Parfait, alors on y va.

Olivia prend une grande inspiration et relève la trappe. Avant de sortir, la jeune Donovan jette un œil de tous côtés. Puisqu'aucun danger ne semble se présenter, les deux rebelles quittent leur cachette et traversent le jardin royal. Rowan maintient le bras d'Olivia au cas où elle tomberait, mais surtout pour qu'elle le suive. Ils doivent passer sous les arbres le plus vite possible, car le château se trouve juste en face, et les fenêtres aussi. Quelques regards curieux pourraient s'y trouver et alerter Askel.

Les deux rebelles finissent par courir jusqu'au premier mur surmonté de lierre grimpant. Dos à leur nouvel abri, Rowan et Olivia se regardent, puis hochent la tête simultanément. Ils se dirigent vers l'escalier en pierre qu'ils gravissent, avant d'arriver enfin à leur but : les voutes abandonnées. C'est le terme qu'a utilisé Mya pour appeler l'entrée d'un nouveau passage conduisant directement à la prison. Des poutres en bois forment comme une toile d'araignée autour de la porte, sans doute pour montrer que cet endroit est condamné.

Olivia serre les poings et entre cette fois-ci en première, sous le regard avisé de Rowan qui ne la quitte pas des yeux. Il sait que Liam le tuerait s'il la lui ramenait avec la moindre égratignure. En marchant dans les flaques d'eau croupie, Olivia retient sa respiration pour lutter au mieux contre l'odeur nauséabonde des égouts. Génial le passage, elle ne pouvait pas rêver mieux.

Au bout de deux minutes de marche, le chemin devient plus pentu, mais également plus lumineux. Cela indique que la prison n'est plus très loin. Olivia s'arrête net en apercevant des ombres. Il doit s'agir de gardes.

– Ne t'en fais pas, la rassura Rowan. Les soldats passent à cet endroit tous les quarts d'heure, on n'est pas prêt de le revoir.

– Tu en es sûr ?

– Oui, de toute façon Roxane et Mya assurent tes arrière. Tu n'as pas à t'inquiéter.

Olivia prend une grande inspiration, et décide de faire confiance à son ami. Il sait ce qu'il fait.

La jeune Donovan avance silencieusement et passe sa tête à travers la grille séparant les égouts et la prison. Voyant qu'il n'y a personne, elle l'ouvre discrètement et pénètre dans le nouveau lieu. Rowan prend la main d'Olivia et longe un couloir menant vers une grande pièce où est postée Roxane, appuyée contre une table munie d'un arc.

– Ne me dis pas que tu as encore volé dans l'armurerie ? râla Rowan.

– Il se pourrait bien...

– Tu le fais exprès ou quoi ?!

– Roh ! Ça va, ne fais pas ton rabat-joie. Personne ne m'a vue de toute façon. Et puis, cet arc sera sûrement plus efficace que l'épée, non ?

Roxane se moque de Rowan en jouant avec l'arc, qu'elle fait tourner en adoptant un sourire narquois.

– Trêve de plaisanterie. Rappelle-toi pourquoi on est là.

– Très bien, je reste ici monter la garde. Accompagne Olivia jusqu'à la cellule de la sorcière.

Rowan hoche la tête et reprend sa marche, suivi de près par Olivia. La jeune femme a l'impression que chaque porte et chaque couloir se ressemble. C'est comme si Dédale lui-même était le constructeur de cette prison.

– C'est la porte au fond, indiqua Rowan en désignant un nouveau couloir qui est extrêmement étroit par rapport aux autres. Tu dois y entrer seule.

Olivia prend une grande inspiration, lance un dernier regard à son ami, puis avance en direction de la porte. Elle se sent prise au piège par ce couloir, dont elle a l'impression que les murs se rejoignent au fur et à mesure qu'elle s'approche de son but.

En une fraction de seconde, voilà la main d'Olivia positionnée sur la poignée. Maintenant qu'elle y est, la jeune Donovan a peur de ce qu'elle pourrait découvrir. Elle sait que Phantasia et son entourage cachent un lourd secret. Et il se pourrait bien que ce monde détruise la vie d'Olivia, comme il a anéanti celle de Liam. La jeune femme se souvient des paroles de son frère. « Mais ici, ce n'est pas un rêve comme les autres ! », « Le monde dans lequel nous sommes à cet instant n'a rien d'ordinaire. ».

Olivia a confiance en son frère. Elle voit bien qu'il souffre. Si Phantasia était seulement un rêve comme les autres, alors Liam se serait réveillé depuis bien longtemps. Pourtant, il est toujours là, à combattre pour sa survie. Il existe un lien commun entre Phantasia et le monde réel : la mort est toujours là.

Peu importe ce que lui apprendra la sorcière, elle doit le savoir. Elle n'est plus une simple lycéenne se considérant comme orpheline depuis plusieurs années. Phantasia ne laisse pas la place à la routine et à une vie paisible. Tout peut s'arrêter en un instant. Mais ce monde permet également de voir la vie autrement, de comprendre quelle est notre véritable destinée.

À présent, la jeune Donovan peut montrer sa vraie nature, découvrir qui elle est réellement. Alors en fermant les yeux, Olivia abaisse la poignée. La porte s'ouvre dans un long grincement, puis un silence glacial s'installe, jusqu'à ce qu'une voix dise :

– Je t'attendais, Olivia Donovan.