PHANTASIA : 1- Le monde caché

Chapitre 18

La nuit est à présent tombée et c'est le moment que choisit Olivia pour quitter la tente. Elle fait preuve d'une grande discrétion pour ne pas réveiller son frère et s'éclipse. Ses yeux lui brûlent de fatigue, elle qui se retenait de dormir jusqu'à ce que minuit passe, mais elle avait besoin de sortir un peu, seule. Liam la fait surveiller sans cesse, de peur qu'il ne lui arrive quelque chose. Il est complètement parano de voir le mal partout. Mais après dix ans à vivre ici, son frère a dû changer psychologiquement.

Comme ça a dû être dur pour lui de rester seul, jusqu'à ce qu'il trouve enfin des personnes digne de confiance, et qui pourtant, ne le comprendront jamais. Dès que les Donovan se réveilleront, tout aura disparu. C'est ainsi que fonctionnent les rêves. Olivia a aussi besoin de réfléchir. Elle n'est pas prête à rester ici pendant dix ans. La jeune femme se rassure en se disant qu'un jour, son père viendra dans sa chambre et la trouvera endormie. Il la réveillera et ce cauchemar sera enfin terminé.

Mais elle s'inquiète pour Liam. Qui le réveillera lui ? S'il a réussi à passer deux années à dormir profondément, c'est qu'il est bien caché, dans un endroit où personne ne le trouvera jamais. Olivia ne veut pas l'abandonner. Elle rentrera avec son frère, ou pas du tout.

La jeune Donovan quitte le campement et traverse la forêt, qui est encore plus sombre que le jour. Pourtant, Olivia arrive à distinguer les ombres des arbres. Au moins, si jamais quelqu'un venait à essayer de s'en prendre à elle comme le craint Liam, elle saura se défendre.

Soudain, un craquement de branches se fait entendre, non loin de là. Olivia s'arrête net et tend l'oreille. Est-ce un animal ? Ou bien une présence humaine ? Dangereuse, ou pacifique ? C'est alors qu'une silhouette se dresse devant Olivia, un couteau à la main. La jeune femme prend peur et se retourne pour s'enfuir, mais une poigne ferme la retient. Elle se met à crier, mais son agresseur plaque sa main devant sa bouche et la tire contre son torse.

– Mais tais-toi petite peste ! s'énerva ce dernier. Tu vas réveiller tout le pays !

L'homme relâche Olivia et cette dernière se retourne vers lui en fronçant les sourcils pour arriver à mieux le reconnaître. Conrad range son couteau et pousse un soupir.

– J'ai cru que tu étais un intrus, dit-il plus calmement.

– Et moi j'ai pensé que tu étais un assassin.

– Mais c'est ce que je suis. Bon, tu m'expliques ce que tu fous ici ?

– Je n'ai pas de comptes à te rendre.

Olivia donne un coup d'épaule à Conrad et continue son chemin. Mais elle entend ce dernier marcher plus vite qu'elle et lui tirer de nouveau le poignet.

– Lâche-moi !

– Pour la dernière fois, où est-ce que tu vas ?

– Non mais tu te prends pour qui ?!

– Et toi alors ? Tu penses avoir le droit de sortir du campement à ta guise sans autorisation juste parce que tu es la sœur de Liam ?

– Je fais ce que je veux, articula Olivia.

– Pas avec moi.

Olivia tire sur son poignet pour que Conrad la lâche, mais il n'en fait rien. Sa main est toujours aussi serrée, tel un serpent voulant étouffer sa proie. De sa main libre, Olivia gifle Conrad et ce dernier, énervé par le geste de la jeune femme resserre davantage sa prise.

– Tes parents ne t'ont pas enseigné les bonnes manières à ce que je vois.

– Et couper la circulation de mon sang, est-ce un signe de courtoisie ?!

– Crie encore une fois et je te ramène sur mon épaule, un sac sur la tête.

La voix menaçante de Conrad ferait frémir quiconque, mais pas Olivia. Elle n'a pas peur de cet effronté qui au fond, n'est pas plus courageux qu'un lâche.

– Tu crois me faire peur avec tes manières de barbare ?

Conrad lâche Olivia, surpris qu'elle ne lui obéisse pas. Lui qui est habitué à faire frémir tout le monde rien qu'avec le son de sa voix, cette situation l'embarrasse, parce que maintenant il ne sait plus quoi faire d'Olivia.

– Je vais juste faire un tour et je rentre après, alors fous-moi la paix.

Olivia allait repartir, mais Conrad met de nouveau sa main sur la bouche de la jeune femme et la plaque contre le tronc d'un arbre. Son regard, éclairé par les faibles rayons de Lune semble inquiet, distrait. La jeune Donovan allait protester, mais Conrad prend la parole avant elle.

– Ferme-la si tu ne veux pas mourir tout de suite.

L'intensité de sa voix est plus faible que d'habitude. Olivia comprend alors qu'il se passe quelque chose. Elle dégage doucement la main de Conrad et se retourne, en restant cachée derrière l'arbre. Des branches au sol se cassent sous les pas d'une dizaine d'hommes. Ils portent chacun un arc à la main et Olivia voit leurs têtes tourner dans tous les sens, arpentant chaque recoin.

– Qui est-ce ? demanda-t-elle.

– Des chasseurs.

– Mais alors, on n'a rien à craindre.

Olivia fait un pas en avant pour sortir de sa cachette, mais Conrad la ramène aussitôt. Cette petite peste est encore plus inconsciente et idiote qu'il ait pu l'imaginer.

– Ces hommes sont loin de chasser des animaux, expliqua-t-il à voix basse. Il s'agit de l'équipe d'élite de ton cher mari. Ces gens-là sont nés pour tuer et rien d'autre.

– Alors, qu'est-ce qu'on fait ?

– Je vais me débrouiller. Mais toi, tu retournes au campement prévenir Liam.

– D'accord.

Olivia s'apprête à faire demi-tour pour rentrer, mais Conrad lui lance un dernier regard noir, comme il a l'habitude de le faire, avant de déclarer d'une voix glaciale :

– Si je meurs seul, alors je saurais que tu es une espionne.

Olivia se dégage de la poigne de Conrad et court vers le campement. Il ne lui faudrait que quelques minutes pour regagner la tente de Liam, mais Conrad ne tiendra pas longtemps seul, elle le sait. Il a beau avoir un mauvais caractère et paraître hostile, il a la confiance de Liam. Ce dernier n'a pas l'habitude de se lier facilement d'amitié avec quelqu'un, exactement comme Olivia. Alors elle fera tout pour sauver Conrad.