PHANTASIA : 1- Le monde caché

Chapitre 58

Le jour du bal est arrivé, et les rebelles sont prêts. Chaque carte a été distribuée, définissant le rôle de chacun. La partie contre le roi commence ce soir. Mais la règle du jeu est stricte : seuls quatre joueurs peuvent intégrer la partie. La rébellion a joué ses meilleures cartes pour cette occasion. Autrement dit, ce sont Olivia, Liam, Conrad et Roxane qui auront les rôles principaux.

La nuit est tombée. Les hiboux hululent à tue-tête, amusés par le spectacle qui se prépare. Les rebelles restent silencieux, tapis dans l'ombre derrière des buissons. Devant eux se trouve la route principale menant vers le château. Une voie qui sera forcément fréquentée par quelques carrosses, conduisant les nobles vers leur lieu de fête. Ces hommes et femmes bien-nés pourraient bien être des proies de choix ce soir.

– Tu es sûr que quelqu'un passera, Liam ? demanda Olivia à voix basse.

– Oui, sois patiente.

– Je me sens toute serrée dans cette robe, maudit corset.

– Roxane, arrête de rouspéter.

Olivia rit devant les caprices de son amie. Il est vrai que cet outil destiné à modeler le buste est très contraignant, mais cela reste néanmoins supportable. De toute manière, les deux jeunes femmes n'ont pas le choix, elles doivent s'adapter aux conventions des nobles.

– Là, regardez, chuchota Conrad. Un carrosse approche.

Et en effet, une voiture tirée par des chevaux fait son apparition. Olivia est prête à bondir sur le véhicule, mais Liam la retient.

– Attendons de voir qui est à l'intérieur.

Lorsque le carrosse passe, il est possible de voir par la fenêtre deux hommes et deux femmes à l'intérieur.

– Ces visages me sont inconnus, c'est bon on passe à l'action.

À ces mots, les rebelles se jettent sur le véhicule. Olivia et Roxane s'occupent d'immobiliser les chevaux, pendant que Conrad s'occupe du cochet et Liam des passagers.

– Descendez, et aucun mal ne vous sera fait.

Les hommes et femmes, interloqués, quittent le carrosse et se placent en ligne devant les rebelles, très vite rejoints par le cochet.

– Bien, je veux vos noms et liens sociaux.

– Je... suis le Vicomte de Lastournelle, répondit l'un des hommes en bégayant. Je suis accompagné de mon épouse.

– Vos prénoms.

– Éric et Victoria.

– Très bien. Et vous ?

– Le Baron Carl de Guent. Et voici ma femme, Marianne.

– Parfait. Nous ne vous ferons aucun mal. Tout ce que nous voulons c'est votre moyen de transport, rien de plus. En revanche, je me vois dans l'obligation de vous attacher le temps que mes compagnons arrivent. Ils s'occuperont de vous jusqu'à ce que notre mission soit achevée. Ensuite, nous vous raccompagnerons chez vous.

– C'est... c'est vrai ?

– Je vous en donne ma parole, Vicomte.

Sur ce, les rebelles ligotent les nobles, ainsi que leur cochet et montent dans le carrosse. Un autre rebelle vient prendre la place du conducteur, ce qui marque la reprise du trajet.

– Bon, la première étape est passée. À présent nous allons nous attribuer nos fausses identités. Moi, je serai le Vicomte Éric de Lastournelle, et Roxane sera Victoria, autrement dit ma femme.

– Super, quel corvée.

– Quant à Conrad et Olivia, vous avez deviné.

– Je suis le Baron Carl de Guent et Olivia, Marianne, ma...

– ... ne dis rien Conrad si tu ne veux pas que je t'explose le nez.

– Allons, ma chérie, ne nous disputons pas. Nous formons un si joli couple, ironisa Conrad.

– Ferme-la.

– Stop tous les deux, ce n'est pas le moment. Souvenez-vous, nous n'avons pas droit à l'erreur.

Le reste du trajet se passe dans le silence, les visages plongés dans la pénombre. Ce n'est que lorsque la musique se fait entendre, que les lampadaires en fer se dressent au bord de la route. Quelques instants plus tard, des voix et des rires résonnent, signe que le groupe de rebelles est arrivé au château.

Liam et Roxane descendent en premier, suivis de Conrad, qui en vrai gentleman tend la main à sa cavalière. Lorsqu'il voit enfin Olivia poser son pied sur la marche, son souffle se coupe devant sa splendeur. Dans sa robe aux épaules dénudées d'un bleu fumé, la taille marquée par une ceinture de perles et aux manches bouffantes en tulles, elle est la plus belle à ses yeux. Ses cheveux bruns relevés en un élégant chignon et son masque argenté ne font que l'éblouir davantage.

– Tu es... splendide, la complimenta-t-il.

– Merci.

Malgré sa rancœur contre le parasite, Olivia ne peut s'empêcher de sourire et de rougir devant les mots de Conrad. Ce dernier plie son bras, afin d'escorter la jeune Donovan jusqu'à l'entrée de la salle de bal.

Une fois arrivés au niveau du valet annonçant les nobles arrivants, leur nom est directement demandé par ce dernier.

– Veuillez annoncer le Baron Carl de Guent, ainsi que sa femme Marianne de Guent.

Le sang-froid de Conrad fait frémir Olivia. Son ton est glacé et son regard supérieur. Son attitude ressemble tellement à celle de la plupart des nobles, que le valet ne se doute pas une seconde de la supercherie et finit par annoncer les deux rebelles. Lorsqu'Olivia entre dans la salle de bal, elle soupire de soulagement. Ça y est, le plus dur est passé.

Curieuse, mais désirant également repérer les lieux, la jeune Donovan observe la salle. Elle est encore plus immense qu'elle ne l'aurait imaginée. Les plafonds sont d'une telle hauteur, qu'elle se demande s'il existe une échelle suffisamment haute pour atteindre le lustre de cristal. La pièce est bondée de nobles, de rires gras et dominée la musique de valse. Un domestique portant un plateau de coupes de champagnes approche de Conrad et d'Olivia. Ces derniers acceptent pour passer le plus inaperçu possible.

Plus loin, Olivia croise Liam et Roxane en train de danser. Ils ont l'air d'un véritable couple tellement leurs regards sont encrés l'un en l'autre.

– Nous devrions danser, nous aussi.

Olivia soupire et lève les yeux au ciel.

– Quoi ? On est censé être des nobles lors d'un bal. Il est normal de danser.

– Bien sûr, ricana la jeune Donovan.

– Alors, me ferez-vous l'honneur ?

– Ai-je le choix ?

Il est vrai qu'il ne faut pas se faire remarquer. Il n'y a qu'en restant discret pour le moment, que les rebelles auront une chance de sauver Rowan. La rébellion a joué sa première carte, c'est à présent au roi de contrer.