PHANTASIA : 1- Le monde caché

Chapitre 60

Liam attrape sa sœur par le bras et la tire vers la sortie la plus proche. En vérité la supercherie ne vient pas de la rébellion, mais de la monarchie. L'ombre malveillante s'est réveillée, et menace à présent la vie de ses anciens amis. Pourquoi cette trahison ? Cette question hante les esprits des rebelles qui restent choqués par cet évènement, mais pas pour autant inactifs. Il faut sortir du château à tout prix, et vite.

Le leader entraîne ses amis et sa sœur vers la grande porte fenêtre donnant sur une terrasse. Au fond, il y a un portail, la clef de leur liberté, mais également de leur survie à tous. Au moment où Liam allait enjamber le cadrant de la porte, une lame tranchante se dresse brusquement devant lui, coupant sa trajectoire.

Olivia comprend tout de suite qu'ils ont été repérés. En se retournant, elle voit une vingtaine de gardes venir vers eux, leurs épées dégainées. La jeune Donovan relève alors la cape de Roxane et en sort son arc. Après avoir allumé l'une des flèches en vitesse, elle la décoche en un coup d'œil vers l'extérieur. Elle aurait pu tirer sur les gardes, mais elle ne l'a pas fait.

Les soldats finissent par désarmer Olivia en lui tordant le bras, ce qui lui fait arracher un cri de douleur. Conrad serre la mâchoire et tente de se débattre en entendant la plainte de la jeune Donovan. Les fugitifs sont immédiatement conduits devant l'estrade et agenouillés devant leur roi, avant d'être privés de leurs masques. La tête haute, le regard satisfait trôné par un demi-sourire, Askel a déjà l'impression d'avoir gagné la partie. Lydia adopte la même expression que son frère, mais ne fixe que Liam. En ce qui la concerne, c'est lui sa victoire, son trophée. Quant à Rhiannon, elle laisse toujours paraître une expression passive et indifférente aux évènements. Le seul signe montrant un brin d'émotions est la façon dont elle serre les poings, ses ongles abimant sa peau.

– Je vous préviens, plus d'incidents, dit-elle sèchement à ses enfants. Si vous n'êtes pas capable de les tuer immédiatement, alors c'est moi qui le ferai.

La manière lente et forte dont elle a prononcé le mot « immédiatement » ferait glacer le sang de n'importe quelle personne. Cette fois-ci, la reine mère est décidée à rester, à veiller à ce que la tâche soit bien accomplie. Askel approuve, non sans garder ses yeux d'assassins plongés dans ceux d'Olivia.

– Êtes-vous prêts à mourir ? demanda-t-il. Je l'espère, car votre heure est enfin venue.

Olivia soupire d'agacement. Parler, toujours parler, il ne sait faire que cela. Askel se croit plus impressionnant et plus confiant avec ses discours, alors qu'en réalité il ne fait que se ridiculiser davantage.

– Liam est à moi, déclara Lydia dans un petit sourire mauvais.

Lorsqu'Olivia se tourne vers son frère, elle se rend compte qu'il ne cesse de regarder la princesse. On dirait même qu'il n'a d'yeux que pour elle, comme si le monde autour de lui n'existait plus. Pourquoi lui donne-t-il tant d'intérêt ? Si jamais les rebelles survivent à cette épreuve, Olivia comptera bien demander des explications à son frère. Et cette fois-ci, il ne pourra plus l'éviter.

Rowan est toujours près du roi, les yeux baissés, n'osant même pas regarder les condamnés. Ce comportement de lâche excède Olivia.

– Tu n'es même pas capable de nous regarder, sale traître.

– Rowan, si tu me dis qu'ils te menaçaient, je le comprendrai, pleura Roxane.

– Je suis désolé, mais c'était ma décision.

– Regarde-moi !! s'écria Olivia.

Rowan serre la mâchoire, avant de lever les yeux vers celle qu'il prétendait aimer. En croisant son regard, de nouvelles larmes viennent inonder les yeux, mais aussi le cœur de la jeune Donovan, car elle voit bien qu'il ne regrette pas une seule seconde son geste.

– Pourquoi ? demanda-t-elle.

– Je...

– Ma pauvre, tu croyais le connaître, ria Askel. Mais tu dois et d'ailleurs vous devez tous savoir que Rowan est une personne qui sait... comment dire ? Saisir une opportunité.

– Qu'est-ce que tu craches encore ?

– Que si nous avons enlevé Rowan, c'est uniquement parce que nous connaissions sa véritable nature. Il nous a suffi de lui proposer un haut poste, pour qu'il nous dise où est située la base de votre petite rébellion pitoyable.

– Rowan, dis-moi que tu n'as pas fait cela, je t'en supplie...

– Je suis désolé, Olivia.

– Je ne peux le croire, pleura Roxane.

– Et pourtant, c'est la vérité. Dommage, lorsque nous attaquerons votre base, vous serez déjà morts.

– C'est ce qu'on verra, dit Olivia avec une confiance et un calme absolus.

– Tu me mets au défi ? Très bien, alors jouons encore toi et moi. Mais avant, j'ai quelque chose à faire.

– Trêve de plaisanteries, tue-la, s'énerva soudain Rhiannon.

– Non !!

Le ton autoritaire d'Askel fait sursauter sa mère, qui finit par baisser les yeux.

– Je veux d'abord la voir souffrir !! Lydia, mon arme !

Olivia n'écoute même pas l'excès de colère du roi fou. Elle ne fait que fixer Rowan, qui a de nouveau baissé les yeux. Est-il honteux de ce qu'il a fait ?

– Bien, nous pouvons commencer, annonça Askel en brandissant son épée. Mon cher Rowan, nous sommes amis à présent. Nous pouvons tout nous dire. Que penses-tu d'Olivia ?

L'interrogé lève les yeux vers la jeune femme, et se met à trembler. Il sait bien qu'Askel connait la réponse, autrement jamais il n'aurait posé cette question. Il a également conscience de la possessivité du roi.

– Allons, tu peux tout me dire, tu le sais. Si tu as osé la trahir, c'est qu'elle t'a rejetée, n'est-ce pas ? Toi tu aurais été capable de lui donner ta vie, mais elle en retour, rien. Je connais ce sentiment, nous sommes dans le même bateau. Laisse-moi te dire une chose, mon frère.

Askel se tourne vers Olivia, et la fixe avec un demi-sourire, ce qui montre davantage sa folie meurtrière.

– L'amour, n'existe pas. Souviens-toi de ça pour le prochain monde que tu verras.

Sur ce, Askel plante sa lame dans la chair de Rowan, avant de dire dans une voix à peine perceptible :

– Qu'elle accepte de rester avec moi ou non, morte ou vivante, elle m'appartient.

À ces mots, Rowan s'écroule au sol et meurt, dans le silence le plus total. La mort vient de passer, et à présent, le vent se lève.