PHANTASIA : 1- Le monde caché

Chapitre 33

– Je t'attendais, Olivia Donovan.

Alors c'est donc vrai, la sorcière existe vraiment. Mais elle est loin d'être comme Olivia l'a imaginée. Elle n'a rien d'une vieille femme au nez crochu où trône une vilaine verrue. Au contraire, il s'agit d'une jeune femme d'à peine vingt-cinq ans, aux cheveux blancs et raides, à la peau pâle comme le lait et aux yeux gris. Elle porte une longue robe blanche. On dirait plus une mage qu'une sorcière.

– Approche mon enfant, n'aie pas peur.

La sorcière arbore un sourire amical, rassurant, ce qui finit de déstabiliser Olivia. Elle se décide tout de même à s'avancer et à prendre place sur la chaise juste en face de la femme aux cheveux blancs. Seule une vieille table en bois les sépare.

– Je savais que tu viendrais me voir un jour.

– J'espère vraiment que vous pourrez répondre à mes questions. C'est pour ça que je suis ici.

– Comme tous ceux qui sont venus à moi, jeune reine. D'ailleurs, qu'est-ce que ça te fait d'être devenue reine du jour au lendemain ?

Olivia reste bouche bée face aux paroles de la sorcière. Saurait-elle d'où elle vient réellement ?

– Vous... vous savez....

– Oui, mon enfant. Tu es une voyageuse venant de loin, sauf que très peu de tes semblables peuvent te suivre jusqu'à ta terre natale. Seul ton frère en a le droit.

– Vous savez que je suis en train de rêver, alors ?

– Je ne dis que ce dont je suis certaine.

– Cela ne répond pas à ma question.

– Tu n'as pas non plus répondu à la mienne, jeune Olivia. Mais si tu veux tout savoir oui, je sais précisément d'où tu viens. Vos armes à feu sont si violentes et votre air tellement pollué que je refuse d'y retourner.

Alors c'est vrai, la sorcière sait qu'Olivia ne vient pas de Phantasia. Elle connait même son monde, celui où elle vit depuis toujours.

– J'ai tellement de questions à vous poser. Sur la création de ce monde, sur le sombre secret qui s'y cache, sur mon frère et sur la façon dont je pourrais le ramener chez moi.

– Hélas, je n'autorise qu'une seule question. Il n'est jamais bon d'en savoir trop sur son avenir, ou même sur le passé.

– Seulement une ?

– Choisis bien, car tu ne pourras pas revenir en arrière.

Olivia s'affale sur sa chaise et se met à réfléchir. Sa priorité est son frère, mais la sorcière aura-t-elle vraiment les réponses à toutes ses questions ? Car la plus difficile à déchiffrer est celle qui la préoccupe le plus. Comment peuvent-ils rentrer chez eux ? Pour Olivia, ce n'est pas compliqué, puisqu'il lui suffirait d'attendre que son père la réveille, même s'il est impossible de savoir quand exactement. Mais pour Liam, personne ne peut le réveiller, puisque personne à part Olivia ne pourrait savoir où il est endormi. Et ce crétin refuse de lui dire l'endroit où il se trouve. Et ça, la jeune femme ne comprend toujours pas pourquoi.

Alors devrait-elle prendre le risque de demander une chose qui pourrait bien être impossible ? Olivia n'a pas vraiment le choix. Sa priorité reste son frère. Elle doit tenter le coup.

– Je veux savoir ce que mon frère et moi devons faire pour rentrer chez nous, dans notre monde.

– Voilà une question des plus intéressantes. Je suis heureuse que tu ais fait ton choix de priorités. Ton frère est l'être le plus important à tes yeux, comme tu l'es aux siens. Et puisque tu es une bonne personne, je vais te dire ceci : .

– Accomplir ce qui doit l'être ? Qu'est-ce que ça signifie ?

– Une seule question, Olivia. Je suis désolée.

– Mais...

Soudain la porte s'ouvre à la volée et Rowan apparait, le souffle court et son épée peinte de sang. Il s'est passé quelque chose dehors.

– On doit se grouiller de sortir, dit-il rapidement. Askel nous a repéré.

Olivia se lève, mais avant de partir se retourne une dernière fois vers la sorcière.

– J'aurais aimé que vous m'éclairiez davantage.

– La lumière est accessible à tout le monde, alors tu trouveras celle qui t'éclaireras par toi-même.

La jeune Donovan se pince les lèvres. Elle n'a qu'une envie c'est de se rasseoir et de questionner la sorcière jusqu'à ce qu'elle craque, mais elle n'en a pas le temps. Cette femme est vicieuse avec ses énigmes. Olivia a toujours détesté les réponses ambigüe. Seulement aujourd'hui, elle devra s'en contenter.

Elle quitte la pièce avec Rowan et se retrouve très vite dans la première salle, là où Roxane devait monter la garde. C'est d'ailleurs là que cette dernière se trouve, appuyée contre la porte à bloquer le passage des gardes. Mais ils finiront bien rentrer un jour ou l'autre, puisque c'est la seule issue.

Rowan donne une épée à Olivia, qui la maintient fermement.

– Dès qu'on ouvrira la porte, on t'ouvrira un passage pour que tu puisses remonter et lever la herse. Tu sais où elle se trouve ?

– Oui Rowan, je m'en souviens. Je vais faire de mon mieux.

– Si tu échoues, on seras tous condamnés, alors je compte sur toi.

Olivia n'a même pas le temps de répondre, que la porte s'ouvre à la volée et vient se fracasser contre le mur de pierre. Une horde de soldats débarquent, armés jusqu'aux dents et se jettent sur les trois rebelles.

Comme convenu, Rowan et Roxane tentent de libérer un passage pour qu'Olivia puisse aller remplir sa mission. C'est la première fois de sa vie qu'on lui confie une tâche aussi difficile, mais elle se promet de faire de son mieux pour ne pas décevoir ses amis.

Finalement, Olivia réussit à passer, non sans donner quelques coups de lames à ses ennemis. Dans le feu de l'action, elle ne repense plus au visage du chasseur. À ce moment-là, elle pense plutôt à ses entraînements avec Conrad. Ces soldats sont des assassins qui ont dû tuer de nombreux innocents pour satisfaire la soif de sang de leur roi fou.

Une fois débarrassée des soldats qui lui bloquaient le passage, Olivia court vers les escaliers en colimaçons de pierre pour atteindre la cour, l'endroit où elle pourra relever la herse. La voilà traverser à présent les couloirs somptueux, aux plafonds hauts et habillés de lustres magnifiques. Elle finit enfin par arriver dans la cour, mais plusieurs personnes l'attendent. Une jeune femme, accompagnée des chasseurs.

– Chère belle-sœur, quel plaisir.