Samedi 22 décembre 2012

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La représentation fut époustouflante, tout du moins de mon point de vue. Je peinais à croire que c’était déjà fini. La journée avait filé à une vitesse folle, entre la répétition générale, les retouches des costumes, les derniers détails de la mise en scène. Puis la coiffure, le maquillage et enfin l’enfilage de ma première tenue. Ensuite, le rideau s’était levé.

La salle de Bercy n’était pas aussi impressionnante et chargée d’histoire que celle de l’Opéra, mais des artistes hors du commun étaient passés par là. La première fois que je m’élançai sur la scène, je fis complètement abstraction du public, entièrement concentrée sur mes mouvements. Puis au fur et à mesure des passages, je me détendis et commençai à percevoir la présence et les réactions du public. C’était indescriptible.

A la fin du salut final, après deux rappels, les projecteurs s’allumèrent et je pus prendre l’ampleur de la salle et du public qui la remplissait. J’en restée baba. L’Opéra n’avait pas une si grande capacité.

L’ambiance dans les vestiaires était vivifiante. Tout le monde se donnait l’accolade et se félicitait du travail accompli. Tout les visages étaient fatigués, mais souriants et soulagés.
Je m’installai devant ma coiffeuse et commençai à défaire ma coiffure. Alors que je venais d’enlever la seizième pince, je reçus un message de Margot.

« On t’attend à l’entrée. TU ETAIS GENIALISSIIIIIME !!! A toute! »

Je souris devant tant d’enthousiasme.

« MERCI !!! Donnez-moi une demi-heure, je vous rejoins. »
 
Je terminai de délivrer mes cheveux, tentai de démaquiller les trois couches de maquillage qui me recouvraient le visage et sautai dans la douche. J’étais éreintée mais je sentais encore l’adrénaline de la soirée agiter mes veines. Dès que je fus prête, je pris quelques instants pour dire au revoir à Mélissa et souhaiter bonne continuation au reste des danseurs. Ils me saluèrent tous chaleureusement et je quittai les vestiaires. Je cherchais un instant Patrick et le repérai en compagnie de son adjointe, prêt des guichets.

-         Je voulais encore vous remercier pour votre accueil et vous dire au revoir, déclarai-je.

-         C’était tout naturel, dit Elena. Reviens quand tu veux.

-         Oui, tu as un talent fou, souffla Patrick. Continue comme ça et je te prédis un bel avenir.

Je les remerciai une dernière fois, lançai mon sac sur mon épaule et me dirigeai vers la sortie. A peine eus-je mis un pied dehors, que la voix de Margot me vrilla les tympans.

-         Tu as été géniale ! S’exclama t-elle en me sautant dans les bras.

-         Merci, souris-je. Je suis contente que vous soyez venues, ajoutai-je en enlaçant ma tante.

-         C’était magnifique, ma petite chérie, souffla t-elle, les yeux encore brillants d’émotions.

-         C’est gentil, Tata.

-         Allez, on te ramène, tu dois être claquée.

Margot s’empara d’un de mes sacs sans me laisser discuter et nous nous dirigeâmes vers sa voiture, garée au parking souterrain. Je m’installai à l’arrière et j’indiquai la route à Margot jusqu’à ce qu’elle soit sur le périphérique. Nous refîmes les deux heures de spectacle, comparant nos moments préférés.

-         Au fait, Danick sera là pour Noël ? Me demanda ma tante.

-         Oui, il te remercie de l’invitation.

-         Je suis contente. J’ai hâte de le rencontrer.

Je lui répondis par un sourire tandis que Margot me lançait un coup d’œil complice dans le rétro.

-         Tu me ramènes chez Dan ? lui demandai-je.

-         On dépose Catherine et on va chez moi. Dan est là bas.

-         D’accord, acquiesçai-je en m’écrasant dans le fond de mon siège. Et le match ?

-         Ils ont perdus. 5-1.

Mes paupières étaient lourdes et le bruit de la voiture me berçait. Je fermai les yeux et m’endormis.
 

***

-         Alie, on va arriver.

La voix de Margot me tira du sommeil. J’émergeai difficilement pour m’apercevoir que nous tournions le coin de sa rue.

-         Je n’ai même pas entendu tata descendre, dis-je, la voix pâteuse.

-         Elle ne voulait pas te réveiller.

Margot se gara au bas de l’immeuble et je descendis de voiture, les jambes ankylosées. Je me dirigeai vers le coffre en traînant des pieds.

-         Alors, Bercy ? Cria alors une voix venue d’au dessus de ma tête.

Je levai le nez et aperçus Dan et Romain à la fenêtre.

-         Elle a été top ! S’exclama Margot avant que j’ai le temps d’ouvrir la bouche.

-         Voila, approuvai-je en riant.

J’ouvris le coffre et passai la sangle de mon sac sur mon épaule. Je tanguai sous son poids.

-         Margot, tu peux prendre les deux sacs à l’arrière ?

Nous montâmes les deux étages. Une fois n’est pas coutume, j’avais insisté pour prendre l’ascenseur. Romain ouvrit la porte en nous entendant arriver.

-         Tu as l’air en pleine forme, rigola t-il en remarquant mes yeux gonflés de sommeil.

-         C’est pour ça qu’elle s’est endormie en voiture, enchaina Margot.

-         Et alors ? Répliquai-je.

Je passai dans le salon, où je retrouvai Dan, David, Jamie et Joël.

-         Salut tout le monde.

Dan me rejoignit et m’embrassa discrètement, me gardant dans ses bras quelques secondes. Puis je fis la bise aux trois autres. Ils voulurent tous savoir comment le spectacle s’était déroulé. Je leur racontai rapidement, Margot complétant mon récit très souvent.

Elle insista pour regarder les vidéos qu’elle avait pris du spectacle. Je n’avais pas forcément envie de les visionner tout de suite – j’avais toujours du mal à me regarder – mais ils ne me laissèrent pas le choix. Tandis que Margot branchait son téléphone sur la télé, je me tournai vers les garçons.

-         5-1 ? Lâchai-je en haussant un sourcil, perplexe et un peu moqueuse. C’est quoi ce délire ?

Ils y allèrent tous de leur commentaire ou de leur excuse. Pour Romain, c’était l’arbitrage, pour David, l’échauffement, Jamie estimait que les lignes n’étaient pas équilibrées, Joël mettait en cause un état d’esprit trop nonchalant. Dan pensait qu’il s’agissait d’une mauvaise préparation. Je les écoutai, amusée.

-         Si vous marquiez autant de but que vous vous trouvez d’excuses…, les provoquai-je.

Il y eut un flot d’exclamations outragées et je levai les mains en signe de reddition.

-         Bon, tu t’en sors ou quoi ? Demanda Romain à sa femme, toujours en train d’essayer de régler la télé.

Il lui prit la télécommande en soupirant.

-         Ah, les femmes et la technologie...

Dix secondes plus tard, la première vidéo s’afficha à l’écran. Romain appuya sur « Play » et monta le son. Je serrai la main de Dan, un peu gênée. Il m’adressa un sourire rassurant et je reportai mon attention sur l’écran.

Canada BluesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant