Les Chasseurs de l'Ombre - Tome 1 : Nuit

Chapitre 10, Partie 2

D'ailleurs, celui-ci est déjà au travail lorsque je pénètre dans le gymnase, vingt minutes plus tard. Comme hier, avant-hier, et les jours précédents, Aaron s'applique à ranger des tapis et des bandes pour les poignets pendant que je m'installe, sans paraître me remarquer. Il ordonne au reste des Chasseurs présents de nous laisser une partie de la salle pour notre entraînement, avant de s'avancer vers moi. Il a le pas assuré, et son regard... OK, Amber, il est encore temps de prétendre un mal de ventre et de partir d'ici tout de suite. Mais alors que je me demande si l'excuse serait recevable, sa voix grave et absolument détestable retentit au-dessus de moi. Je lève les yeux. Assise sur mon petit banc, j'ai vraiment l'air minuscule à côté de lui.

— Dis-moi, ton regard sinistre, il n'est pas normalement réservé à tes ennemis ? Tu sais, aux Vampires, pas à la fille à qui tu enseignes comment se battre.

Je regrette ma remarque cinglante au moment où je la prononce. Je m'attends à recevoir un coup dans le ventre ou quelque chose dans le genre pour m'être montrée aussi irrespectueuse, mais il sourit. Il sourit vraiment !

— Tu apprendras qu'il n'est pas recommandé de me chercher des ennuis avant un entraînement en tête à tête.

— Un tête à tête, rien que ça ?

J'ai l'espoir que ce soit du dédain et pas de la satisfaction qui prédomine dans ma voix. Mais attends une seconde. En quoi un tête à tête avec Aaron a-t-il quoi que ce soit de satisfaisant ? Je ne tourne vraiment pas rond...

— Bien, commençons notre quatrième entraînement individuel. On va d'abord courir un peu pour s'échauffer avant que je ne t'apprenne quelques coups de pied de base, utiles pour le combat au corps à corps. Si tu as des questions, oublie-les. On a assez parlé comme ça.

Ça y est, il a retrouvé sa voix dédaigneuse, et ses yeux s'assombrissent de nouveau. Il tourne déjà les talons pour rejoindre le côté extérieur de la piste.

— Hum, combien de tours ?

Je dois vraiment être suicidaire.

— Treize.

— Tu m'as toujours dit dix.

— Tu ne m'avais jamais cherché de problèmes.

Comme il l'avait prédit, je regrette bien vite mon impétuosité. Et lorsque je m'étale par terre, en sueur, après avoir achevé la première partie de mon échauffement, je me promets intérieurement de ne jamais plus prendre Aaron à la légère. Je n'ai réussi qu'à faire dix tours. Je récupère petit à petit de mon endurance, mais il est encore trop tôt pour ses grandes exigences. Au fond de moi, j'ai le regret de l'avoir déçu. Et cela me frustre au plus haut point.

Aaron arrive en trottinant près de moi et reste posté là, à attendre. J'ouvre un œil. Je le laisse mariner quelques minutes, le temps pour moi de reprendre mon souffle tout en admirant sa carrure d'athlète. Et de le faire s'impatienter. Il trépigne et son air se fait plus dur encore. Ai-je vraiment raison de le pousser à bout comme ça ? Il semble être la personne la plus dangereuse et la moins honnête ici.

Je me rappelle soudain les paroles de Maya il y a quelques jours, quand elle affirmait qu'Aaron se mettait en rogne subitement, et sans aucune raison. Si je veux découvrir pourquoi, je dois forcément rentrer dans son jeu.

— Tu attends quoi, on s'y remet ?

Il ouvre grand les yeux et je ricane. Je ne peux vraiment pas m'empêcher de le provoquer. C'est pour la bonne cause, pour l'enquête. Mais il me foudroie du regard alors je me tais, et me relève.

Aaron entame la séance en me montrant les coups qu'il veut m'apprendre contre le sac de boxe. Pour quelqu'un qui n'y connaît rien, cela doit sembler atrocement difficile, mais il est extrêmement doué et réussi à faire paraître ses enchaînements faciles. Ses pieds frappent quand je ne m'y attends pas, avec une rapidité et une précision hallucinante. Et pourtant, j'étais de loin la meilleure au corps à corps, avant. Je reconnais tous ces coups rien qu'aux sons que fait sa jambe contre le sac.