Chapitre 2, Partie 1

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Je soupire. Cela fait exactement deux heures que je me trouve à ma fête, et je suis au comble de l'exaspération.

Bien sûr, tous mes camarades agissent en parfaits convives. Alyssa exerce avec une aisance évidente son rôle d'hôtesse de maison, elle qui a exigé que toute l'organisation des festivités repose sur ses épaules. Son anxiété de donner pour la première fois une réception chez nous s'est envolée. Ma meilleure amie connaît personnellement chacun des invités. Elle évolue de groupe en groupe, perchée sur ses talons aiguilles sans que ceux-ci ne la déséquilibrent à un aucun moment. Elle paraît effleurer le sol, ne la faisant que davantage ressembler à un être céleste. L'aisance avec laquelle le monde semble graviter autour d'elle est étonnante. Alyssa a le don de plaire même aux plus réticents, démontrant en n'importe quelle circonstance charme, grâce, et bonté. Sa crinière flamboyante est adoucie par son air sage. Son sourire si facilement décroché, sa prestance et son port de tête altier font qu'elle attire tout le monde à elle. Connaissant avec exactitude de quel dosage de battement de cils il lui faut jouer pour obtenir ce qu'elle veut, elle détient l'indifférence de celle qui se sait belle et qui est consciente qu'elle n'a besoin d'aucun artifice. Alyssa souhaite plaire et sait plaire.

Tyler, lui, divertit le petit groupe par sa voix forte et chaleureuse. Il adore faire la fête et s'amuser. Il possède également de l'élégance à sa manière, et son aura paraît tout aussi puissante que celle d'Alyssa, mais il est tout le contraire de cette dernière. Il aime être entouré, mais préfère de loin notre compagnie à celle de ses camarades. N'étant ni indifférent ni inconscient, Ty est d'une innocence déconcertante, notamment lorsque nous devons lui faire remarquer l'évidente attirance de certaines étudiantes à son égard. Passant la main dans ses mèches rebelles machinalement, dévoilant ses dents blanches avec un charme fou quand il rit, plissant ses yeux bruns, il est sans le savoir irrésistible. La seule chose dans laquelle il souhaite réellement exceller est le sport, et il est de loin le meilleur dans toutes les disciplines qu'il pratique.

En résumé, rien, chez lui, n'est calculé au préalable, rien, chez elle, n'est de trop, et tous deux m'éclipsent.

Je n'avais jamais aimé les fêtes, et j'avais été sotte d'imaginer que mon sourire pouvait leurrer mes convives. La raison pour laquelle je ne raffolais pas d'anniversaires était simple : je ne savais absolument pas comment me comporter lorsque j'étais au centre de l'attention. Ma confiance en moi, perdue depuis bien longtemps, m'endiguait et me freinait.

— Allez viens Amber, c'est l'heure des cadeaux ! s'exclame Alyssa en claquant joyeusement des mains.

Je pose mon verre et suis mon amie jusqu'à la pile de présents autour de laquelle tous les invités sont rassemblés.

Lily prend son cadeau, un paquet rose bonbon attaché par un nœud rouge, et me le tend en souriant.

— Voilà pour toi ! Bon anniversaire Am.

Je le déballe et découvre une énorme bouteille de parfum. Elle insiste pour que je m'en applique sur le champ et m'assure, avec un clin d'œil complice, qu'il s'agit d'un excellent piège à mec.

Tous les autres cadeaux sont eux aussi d'une banalité affligeante, mais je m'efforce d'avoir l'air ravie. Alyssa, fine observatrice, s'en est rendu compte et rit sous cape.

Il ne reste bientôt plus qu'un paquet, accompagné d'une enveloppe coincée sous le ruban. Celui-ci est étonnamment simple. J'interroge l'attroupement du regard pour savoir qui est le mystérieux expéditeur du colis. Personne ne se désigne.

Je hausse les épaules et déplie la lettre, dont le papier est épais et doux sous mes doigts. Je commence ma lecture dans l'espoir d'avoir un quelconque indice sur l'origine du cadeau.

Ma chère Amberly,

Il y a longtemps que je n'ai pas eu de tes nouvelles et notre dernière rencontre a été mouvementée.

J'ai en ma possession quelques babioles qui t'appartiennent et j'ai donc décidé de te les rendre en guise de présent. Ce sont deux objets que je te restitue avec plaisir, et j'espère que tu en feras bon usage.

Je te souhaite un très joyeux anniversaire pour tes vingt-deux ans.

En espérant te revoir bientôt,

Affectueusement.

Perplexe, je relis la lettre. Mentalement, je fais la liste de mon entourage. Personne ne m'appelle Amberly. Je suis même indubitablement sûre que certains de mes camarades ignorent mon nom complet et me surnomment seulement Am.

Je dévisage les personnes autour de moi. Mes amis attendent encore ma réaction. Je leur désigne la lettre, et explique :

— Elle n'est pas signée.

Puis, en voyant que personne ne peut m'aider, je déballe le présent.

D'abord, je ne comprends pas. Puis, lorsqu'un poignard en argent taché de sang séché et une photo de mes dix-neuf ans se retrouvent dans mes mains, le choc me fait instantanément trembler et mon visage se fige dans une expression de désespoir. Les dernières choses que j'aperçois avant de m'évanouir sont les visages de Tyler et d'Alyssa, livides, mes autres cadeaux ouverts derrière eux et les ballons colorés de mes vingt-deux ans, qui me rappellent, comme pour me narguer, que ma vie ne sera plus jamais calme.


Je bats péniblement des paupières. Une chevelure rousse se penche immédiatement sur moi, masquant l'endroit où je me trouve. Et finalement qu'importe, car ma migraine m'empêche de réfléchir à quoi que ce soit.

— Amber ! Tu m'as fait si peur !

Elle est toujours très pâle.

— Je suis désolée, personne n'a pu te rattraper quand tu es tombée. Tu dois avoir une grosse bosse.

Effectivement, un mal de tête atroce me vrille le crâne. Je n'ai pas les idées très claires.

— Combien de temps suis-je restée inconsciente ?

— Quatre heures, me répond Alyssa, anxieuse. Les invités sont rentrés chez eux.

Les invités ! La fête ! Tout me revient en mémoire d'un bloc. Malheureusement, la cause de mon évanouissement aussi. Des larmes me montent aux yeux. Alyssa les aperçoit et me prend dans ses bras.

— Je suis tellement désolée Am. On dirait que le cauchemar ne prendra jamais fin. Comment peut-il être vivant ? Tu l'as tué, nous n'avions aucun doute là-dessus.

Alyssa évite de prononcer sonnom et je ne peux que lui en être reconnaissante. Pourtant, dans ma tête, il retentit inlassablement. Eden, Eden... Eden, mon frère. Le Vamp... Celui qui a ôté la vie à Jake. Comment peut-il être vivant ? Et comment est-il entré en possession de la photo de mon dix-neuvième anniversaire, celle où l'on nous voit, Tyler, Alyssa, Jake et moi, attablés devant un appétissant gâteau dans un restaurant new-yorkais ? Cette photo se trouvait dans le portefeuille de Jake, au fond de son sac. Il l'avait déposé à un hôtel de Cleveland, avant de partir à la chasse au Vampire. Mais cela remonte à si longtemps... Deux ans. Deux ans depuis lesquels Alyssa, Tyler et moi avons quitté notre job. Celui de Chasseurs de Vampires.

Les Chasseurs de l'Ombre - Tome 1 : NuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant