Chapitre 19, Partie 2

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C'est ainsi que je passe toutes les fins d'après-midi suivants à expérimenter diverses activités avec Aaron. Cela devient rapidement une nouvelle habitude très plaisante, et le moment que j'attends le plus de toute ma journée. Nous lisons, jouons aux cartes, nous nous promenons, et il m'apprend même à cuisiner.

Mon attachement envers lui grandit au fil des jours. Notre lien est assez spécial, et j'ai toujours l'impression que nous partageons tous les deux quelque chose de secret et de mystérieux. Il est si facile et si agréable de passer du temps avec lui que c'en est déconcertant. Il est totalement différent lorsqu'il est avec moi, beaucoup plus simple et plus chaleureux. Alors que nous pourrions rester une éternité l'un à côté de l'autre sans avoir besoin de nous adresser le moindre mot, nous passons des heures à discuter d'absolument tout. Il en sait très vite plus sur moi que beaucoup d'autres, et je suis moi-même surprise de l'aisance avec laquelle je me livre. Nous développons une connexion intense et si puissante que j'ai sans cesse l'impression de me retrouver face à mon double, face à quelqu'un qui comprend enfin mes blessures.

Aaron n'est pas un grand hédoniste. Il ne rit presque jamais, n'accepte toujours pas de me parler de son passé et change parfois d'émotion en une fraction de seconde. Malgré tout, je trouve qu'il fait des efforts. Il a retenu la leçon du musée. Pourtant, ce voile d'ombre persiste, et il m'est difficile d'entretenir une relation avec quelqu'un que je connais si peu.

Je peine à admettre ce qu'il se passe vraiment, au fond de mon cœur. Il me regarde souvent avec attention, et je sombre alors encore plus dans l'envoûtement. Aaron est magnétique. Je me laisse charmer, oubliant totalement que je ne suis sûre de rien et que le mystère qui l'entoure pourrait bien m'être fatal.

Samedi après-midi, il toque à ma porte.

—   J'aimerais te proposer d'aller dîner avec moi, après-demain.

Un sourire éclaire mon visage.

—   Où ça ?

—   Je comptais te laisser décider, répond-il avec un clin d'œil, nonchalamment appuyé contre le chambranle de la porte.

Je réfléchis quelques instants.

—   Ma mère a des origines françaises, et j'ai toujours adoré lorsqu'elle cuisinait les recettes de sa grand-mère. Cela me rappellerait de bons souvenirs de manger à nouveau l'un de ces plats.

—   Alors va pour un restaurant français, acquiesce-t-il. Excellente idée.

Je m'attends à ce qu'il me dise au revoir et prenne congé, mais il reste sur le pas de la porte.

—   Je peux entrer ?

Il n'a jamais vu l'intérieur de ma chambre. Je suis un peu mal à l'aise.

—   Hum, d'accord.

Je m'écarte pour le laisser rentrer. Il pénètre, respectueusement dans la grande pièce qui me sert de studio. Avec curiosité, il l'observe longuement, tournant sur lui-même. Depuis mon arrivée, j'ai eu l'occasion de changer la décoration.

—   C'est très joli, approuve-t-il. Quoiqu'un peu mystérieux.

—   Qu'est-ce que tu veux dire ?

—   Ne prends pas mal ce que je vais te dire. Tout est si dissonant. J'ai l'impression que tu as placé tout ça au hasard, sans réelle envie de t'approprier la chambre.

Il fait l'analyse de la pièce tandis que j'accuse le coup.

—   Même la peinture violine en recouvre une autre, continue-t-il en passant la main sur le mur, près d'un coin ou une minuscule tache de bleu est encore visible. Tout est dissimulé, camouflé. Pardonne-moi, mais on dirait que rien n'est vrai, comme une scène de crime trop bien maquillée.

Les Chasseurs de l'Ombre - Tome 1 : NuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant