Chapitre 29, Partie 1

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— Aaron ! Attends !

Je me lance à sa poursuite, laissant son bureau en plan derrière moi. Sans daigner s'arrêter, il gronde :

— Tu m'as menti. Tu m'as regardé droit dans les yeux, et je t'ai crue.

Courant après lui, je réussis à lui attraper le bras. Mais il se retourne et explose :

— Alors c'était là que tu étais ? Pendant que nous nous battions les uns pour les autres, pendant que je me faisais un sang d'encre pour toi, tu étais avec lui ? Tu as risqué ta vie et celle de tes amis pour parler à ton frère ?

— Il m'a sauvé, Aaron ! J'étais en train de me vider de mon sang, ce Vampire s'acharnait sur moi, et lui, il a détourné son attention. Je serais morte sans Eden !

— Et tu aurais pu mourir à cause de lui ! hurle-t-il, hors de lui. Il aurait pu te tuer ! Ça ne t'a donc pas traversé l'esprit un seul instant qu'il veuille t'attirer à lui pour te supprimer une bonne fois pour toutes ?

Ses yeux sont d'un noir d'encre, mais il pourrait tout aussi bien y danser des flammes.

— Bien sûr que si ! Mais c'est mon frère, Aaron !

— Ce n'est plus ton frère, rugit-il en détachant chaque mot. Il n'est plus lui-même, et tu ne le retrouveras jamais !

Il crie tellement fort que j'ai l'impression que l'intégralité du Centre pourrait nous entendre. Pourtant, nous sommes toujours seuls.

— Eh bien peut-être que si, je clame, plus fort. Si tu as pu récupérer ta vie humaine, d'autres le peuvent peut-être.

Nous nous rendons tous les deux compte à ce moment de la dangerosité de nos propos, et de la puissance de nos voix. Baissant le volume, Aaron continue, les dents serrées.

— Sauf que nous n'en savons strictement rien. Ni comment, ni pourquoi, ni par qui. Nous ne savons même pas si je suis réellement à nouveau humain. Alors ne t'accroche pas à des espoirs ridicules Amber, et passe à autre chose.

— Mais moi je sais ! je réplique sur le même ton. C'est ça qu'Eden m'a dit ce soir-là ! Tu as été sauvé par quelqu'un comme moi. Quelqu'un qui peut rendre leur humanité aux Vampires.

— Qu'est-ce que...

— J'en ai le pouvoir, je le coupe en haussant à nouveau la voix. C'est ce que Jake avait découvert.

Cette fois, l'incompréhension prend le dessus sur la colère. Déstabilisé, il cligne des yeux, les sourcils froncés.

— Jake ? Qu'est-ce que Jake vient faire dans cette histoire ? Putain Amber, ne commet pas l'erreur de croire aux mensonges que peuvent échafauder les Vampires pour t'attirer à eux. Tu ne les connais pas comme je les connais. Ils pourraient inventer n'importe quoi pour gagner ta confiance.

— Alors pourquoi, Aaron ? Pourquoi est-ce que je ne suis pas morte, ce jour-là, sous les canines d'Ishaï ? Pourquoi ne m'a-t-on jamais expliqué pourquoi j'étais toujours en vie à l'arrivée de Jake ? Pourquoi est-ce que mes morsures guérissent si vite ? Et pourquoi est-ce que j'ai toujours eu ce sentiment d'être à la fois si proche et si éloignée de tout ce que peut représenter un Vampire ?

Aaron reste muet, à court de mots. Comprenant qu'il ne sert plus à rien de crier, je recouvre une voix plus calme.

— J'y crois, Aaron. Je crois mon frère, et je croyais Jake, même si je n'aurais probablement jamais dû. J'ai le pouvoir de ramener Eden. Et c'est ce que je vais faire.

Je mets toute ma conviction dans mes paroles. Nous nous toisons du regard, et alors que je m'apprête à lui présenter mes excuses pour m'être montrée si irresponsable, il fait demi-tour et disparaît.


Je reste plantée là pendant quelques instants, me repassant en boucles ces dernières minutes. Sa colère est légitime. Fulminante, je m'assieds sur le sol, ferme les yeux, et hurle un bon coup.

Quand le gros de la tempête est passé, je repars en direction de ma chambre. J'y erre sans vraiment savoir ce que je veux, puis décide de retrouver Aaron. Je fais le tour du Centre, du gymnase au réfectoire, avant de me résoudre à aller jeter un œil à son logement.


Aaron est bien là, dans son studio, et le voir tout à coup ainsi me glace le sang. Le sentiment qui m'envahit alors, bien au-delà de la rancune ou la colère, c'est la pitié. J'ai la sensation que je ne peux me détourner du spectacle de ses poings qui cognent, coup après coup, contre le solide mur en face de la porte. Il ne crie pas, ne sanglote pas. Je distingue seulement son torse qui se soulève au rythme de sa respiration heurtée. Les chocs retentissent à une allure ahurissante. La cloison cède progressivement. Son regard est glacial. C'est terrifiant.

Je reprends soudainement vie et me précipite vers lui, affolée. Je tente de lui attraper les épaules, de lui tirer les bras vers l'arrière, mais en vain. Il est bien trop puissant. Je peux même sentir ses muscles sous mes mains. Il semble concentré. Il est impénétrable, même lorsque je crie son prénom d'un ton craintif. J'ai peur pour lui, je le vois se blesser un peu plus à chaque impact. Alors, j'agis sans réfléchir, et sachant scrupuleusement ce qui m'attend, je me faufile précipitamment entre le mur et ses poings, et ferme les yeux.

Il se passe une fraction de seconde pendant laquelle je prie pour que le coup ne se produise pas. Il survient. Je sens une intense brûlure envahir toute la partie gauche de mon visage, qui s'enflamme. Ma tête heurte le mur violemment et je tombe par terre, sur les genoux, luttant contre l'évanouissement. Les coups s'arrêtent instantanément. 

Les Chasseurs de l'Ombre - Tome 1 : NuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant