Chapitre 32, Partie 1

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Je suis réveillée par un cauchemar dans lequel je tombe d'une falaise puis m'écrase au sol. Le choc fictif me coupe la respiration, et j'ouvre les yeux soudainement, me redressant pour inspirer une grande bouffée d'air. Je reprends mon souffle, les terribles images de mon rêve s'effaçant déjà de ma mémoire, tandis que la réalité se dessine autour de moi.

Je me trouve dans une pièce sombre, sans fenêtres, plongée dans la pénombre. Les murs de crépis gris et le sol carrelé de la même couleur me font penser aux petits studios industriels de New York ou Chicago. L'atmosphère me rappelle celle du Centre, mais il est clair que je ne m'y trouve pas. La seule source de lumière provient d'une lampe de chevet au pied en bois, posée à côté de mon lit. Ce dernier grince lorsque je me retourne. Les minces draps qui me recouvrent, aux motifs rouge et beige, sont un peu usés, mais une vieille couverture en mohair est étendue par-dessus pour me tenir chaud.

Perdue, je me remémore mentalement de mes derniers instants de lucidité. Je me rappelle l'attaque du Centre, de la mort de Gab, de mon baiser à Aaron, et de mes combats contre tous ces Vampires. Mais impossible de me souvenir comment je suis arrivée ici. Je ne suis clairement pas à l'infirmerie du Centre.

Je me décide à me lever, traverse la pièce, ouvre la porte, et me retrouve dans un couloir aussi sombre que la chambre. Interdite, je fais le tour du logement, un salon, une drôle de cuisine sommairement meublée, une petite salle de bain. Aucune fenêtre. Je suis probablement en sous-sol. Surtout, personne. Je suis seule, dans ce qui me semble être un modeste appartement pour retraité.

J'examine de plus près le mobilier. Tout est assez vieux, les meubles en bois brun, le canapé au cuir abîmé, la faïence et l'évier usés par le temps. Impossible de trouver une seule photo, ni même un seul indice sur l'identité de mon hôte. C'est à n'y rien comprendre.

Je m'apprête à actionner la poignée de la porte d'entrée, à l'allure plus robuste que la majorité du mobilier de l'appartement, lorsqu'un bruit de clé se fait entendre de l'autre côté de la paroi. Anxieuse, je me recule de quelques pas le temps que la porte s'ouvre. Bouche bée, je découvre finalement mon frère, qui s'arrête, et me dévisage avec un mystérieux sourire.

— Qu'est-ce que tu fais là ?

Mais ma question est inutile. À sa vue, tous mes derniers souvenirs avant mon évanouissement me reviennent en tête.

— Enfin réveillée. Salut, sœurette, me salue-t-il de son petit air satisfait, qui m'exaspère déjà.

— Que fais-tu ici ? Où sommes-nous ? je demande, de plus en plus fébrile.

— Nous sommes dans l'une de mes planques, qui se trouve être le logement d'un vieillard décédé il y a plusieurs mois et dont je me suis, par d'heureuses circonstances, retrouvé propriétaire. J'imagine que tu as déjà eu l'occasion de faire la visite des lieux ?

— C'est là que tu m'as emmenée après l'attaque du Centre ?

Il hoche la tête, puis ferme la porte à clé, ôte son manteau et sa casquette, et se dirige vers la salle de bain. Furieuse, je le suis.

— Que s'est-il passé, pourquoi m'as-tu amenée ici ?

Il se penche sur le miroir et retire ses lentilles de couleur, dévoilant ses prunelles rouges. Il ne daigne évidemment pas répondre à ma question. Je tente avec une autre :

— Tu m'as soignée ? Pourquoi ?

— L'achat de médicaments était une expérience assez inédite. Comme je n'y connaissais rien, je me suis fait conseiller par la pharmacienne. Une femme superbe, d'ailleurs...

Les Chasseurs de l'Ombre - Tome 1 : NuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant