Les Chasseurs de l'Ombre - Tome 1 : Nuit

Chapitre 12, Partie 1

Le rapport était un nœud indémêlable d'informations que je ne parvenais pas à mettre en lien avec notre enquête. Les questionnements planant autour d'Eden, de Kristina, et d'Aaron me réveillèrent au beau milieu de la nuit, et je fus incapable de me rendormir. Depuis ce moment, je fouille. Les données s'entassent, je note scrupuleusement ce qui me paraît important sur une feuille, mais je ne suis pas certaine d'être si efficace que ça.

Vers sept heures du matin, mon esprit est enfin plus clair. Le rapport mentionne mon frère à plusieurs reprises. J'ai la nausée lorsque le dossier évoque Abbie, la Chasseuse qu'Eden a gravement blessée, et les dégâts qu'il a causés. Je comprends maintenant le sens de son regard quand je l'avais croisée dans le couloir, accompagnée de Maya. Elle me déteste certainement. Je me promets d'aller lui parler dès que je serai assez courageuse pour le faire. Ses yeux rouges me hantent depuis des années, et je pensais ne jamais avoir affaire à lui à nouveau. Mon frère est un véritable fantôme. Prétendu mort à deux reprises, il réapparaît, réintégrant ma vie.

Le rapport est formel. Eden se trouvait à Philadelphie il y a encore un mois de cela, mais depuis, plus aucune nouvelle de lui. Il semble avoir quitté la ville, et son groupe. Personne au Centre n'a eu affaire à lui depuis des semaines, ce qui me rassure et me terrifie à la fois. Il est à nouveau hors de contrôle, et Dieu seul sait ce qu'il peut bien préparer. Il me veut. D'une façon ou d'une autre, cela reste évident.

Mis à part quelques informations sur le déroulement des évènements à Philadelphie, je n'ai rien pu tirer d'intéressant. Mon stress est réapparu à l'idée que d'ici quelques jours, je serai sur place, engagée dans une traque au Vampire dont la seule issue est la mort, que ce soit la mienne ou la leur. Je n'ai en tête que le sang et la douleur, et je suis terrifiée. Que va-t-il se passer ? Sur qui vais-je tomber ? Eden sera-t-il présent ? Cette question est la pire de toutes et j'en viens à me demander pourquoi Kristina, qui m'a fait revenir au Centre dans le but de me protéger, veut me positionner en première ligne d'un combat dans lequel je suis visée comme une cible de choix. L'inéluctable échéance est horrible à supporter.

Pour mettre fin à mes angoisses, je décide d'aller me réfugier au gymnase, en attendant l'entraînement spécial d'Aaron. Me tranquilliser en travaillant mes capacités physiques pourra sans doute m'éviter une crise de panique.

Je cours d'abord une demi-heure. Puis, accompagnée de Maya qui me rejoint peu après, je cogne de toutes mes forces sur le sac de boxe. Au bout de trois semaines intensives, mes muscles redeviennent peu à peu aussi forts qu'ils l'étaient à mes dix-sept ans, et la sensation est galvanisante. Finalement, Maya me propose de combattre au corps à corps, pour me mesurer à quelqu'un. Elle me tend un poignard en argent, que nous utilisons pour nous entraîner en situation réelle, et court sur le tatami se mettre en garde, le regard alerte.

J'observe la lame dans ma main quelques instants. Il m'est impossible de ne pas imaginer le sang d'Eden dessus, et je concentre toutes mes forces à passer outre l'horrible sensation qui m'étreint. Tendue, je me répète qu'il ne doit pas me faire peur, qu'il est mon unique arme face à un Vampire. Je fais quelques mouvements, tentant de me rappeler son poids, sa puissance, son équilibre.

— Ne me ménage pas, je lui demande. Je dois voir ce que je vaux vraiment.

— Ce n'était pas mon intention. Très bien, c'est parti.

Je m'engage dans le combat en lui tournant autour, cherchant une faille dans sa défense. Après quelques instants d'essais inefficaces, je lui décoche un coup derrière le mollet qui la fait vaciller. Profitant de l'occasion, j'enchaîne les mouvements dont je me souviens et tente de la déséquilibrer. Mais Maya est solide. Elle me lance un violent crochet du coude dans la mâchoire, manquant de me faire tomber en arrière. En un bond, elle m'attrape le bras et me le plaque dans le dos. J'intercepte son poignard à dix centimètres de mon buste. Ma mâchoire me brûle, et je sens le sang couler sur mon menton. Je tente de me retourner pour lui faire face, mais sa poigne est ferme, et elle me fait basculer. Je m'écroule sur elle, et le choc lui coupe momentanément le souffle. À califourchon sur elle, je l'attaque à plusieurs reprises, mais elle continue de parer mes coups. Alors que je pense avoir trouvé une ouverture pour la toucher de mon poignard, elle m'agrippe de ses jambes et d'un coup de hanches, renverse la situation. Surprise, je n'ai pas le temps de me protéger et son arme s'arrête sur ma poitrine. Elle stoppe son geste instantanément. Le combat est terminé. Je reste allongée tandis qu'elle me chevauche toujours, la respiration haletante. J'essuie du revers de la main le sang sur ma mâchoire.

— Bien joué, Amber ! Tu m'as donné du fil à retordre.

Je souris et grimace. J'ai perdu, mais je me suis mieux défendue que ce que j'aurais imaginé.

— Tu devrais aller nettoyer ça, me conseille-t-elle en se redressant. Ton menton à l'air ouvert.

En effet, la douleur me lance. Elle me tend la main et me relève. Je la remercie d'un signe de tête et cours à la petite armoire à pharmacie.