Chapitre 22, Partie 3

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Le réveillon de Noël, l'année de mes seize ans.

Le rire de Kristina à quelques mètres de moi, dans le réfectoire rempli d'agents, est un des sons les plus agréables que je connaisse. Elle lève sa coupe de champagne à Karl Thomas et son visage se fend d'un sourire rayonnant avant de boire une gorgée.

Je sens la présence de Jake dans mon dos et ses bras m'enlacent tendrement. Je soupire de ravissement, il dépose un baiser juste sous mon oreille. Son regard suit le mien et il détaille à son tour notre directrice en grande conversation avec Alyssa et Simon, notre ami de la section informative.

— Elle a l'air réjouie, presque sereine. Cela ne lui arrive pas souvent.

— Elle ne l'est jamais, je corrige en souriant.

J'observe le réfectoire aménagé en salle de réception.

— C'est incroyable de les voir tous si détendus. Et si élégants.

— Personne n'est aussi ravissant que vous, mademoiselle Johnson.

Je me retourne lorsque Jake souffle ces mots à mon oreille. Il est splendide, comme toujours. Ses mains descendent au creux de mon dos et il m'attire contre lui avec un long baiser. Des papillons s'envolent dans mon ventre. Ses lèvres ont le goût de champagne. Je passe mes bras autour de son cou et prolonge notre étreinte jusqu'à ce que le rire incomparable d'Aly à l'autre bout de la pièce m'amuse à mon tour.

Au cours de la soirée, Jake m'invite à danser. J'accepte avec un sourire plus grand que mon visage, et il me conduit au milieu des autres couples.

Il cale une main sur ma hanche, qui épouse sa forme comme si nos deux corps étaient ainsi faits, parfaitement complémentaires. Il m'adresse un regard malicieux et, tandis que la musique démarre, m'entraîne dans une chorégraphie que nous connaissons tous les deux par cœur.

— As-tu des plans pour le Nouvel An ?

— Comment ça ? Jake, tu sais bien que tu serais tenu au courant si je décidais de fêter la nouvelle année.

— Non, non, je veux dire... Tu n'as rien de prévu avec Alyssa et Tyler ?

Je soupire. Ma surprise tombe à l'eau.

— Rien du tout pour le moment, j'avoue. Mais je comptais nous organiser quelque chose d'un peu original. J'aurais voulu préparer une sortie quelque part, et vous en faire la surprise... Tu me coupes l'herbe sous le pied.

— Crois-tu que tes amis pourraient se passer de ton incroyable imagination et trouver quelque chose à faire par eux-mêmes ?

Nous tournons toujours sur le rythme de la musique, enchaînant les pas de danse. Maintenant, le tempo est plus soutenu, mais mes pieds connaissent parfaitement la succession des mouvements.

— Que veux-tu dire ?

Jake me colle à lui, puis s'écarte pour me faire valser, avant de me presser à nouveau contre son torse. Il en profite pour murmurer à mon oreille.

— Nous passons le Nouvel An tous les deux. Il semblerait que quelqu'un excelle autant que toi dans l'élaboration des surprises.

J'écarquille les yeux puis l'embrasse passionnément.

— Ou m'emmènes-tu ?

— C'est bien là tout le concept d'une surprise, ma chère Amberly. Tu ne le sauras qu'une fois arrivée.

Il éclate de rire et je ris à mon tour.

— Je t'aime.

J'ai beau l'avoir entendu à maintes reprises prononcer ces mots, ils font une nouvelle fois sursauter mon cœur.

— Tu en es sûr ? je demande pour le taquiner.

— Évidemment. Comment pourrait-il en être autrement ?

—  Amber ?

Sa voix me ramène au présent. J'émerge de mes souvenirs comme d'un long sommeil.

— Oui ?

— Je suis désolé de te sortir de tes pensées, tu avais l'air tellement concentrée que je n'ai pas osé te déranger.

— Ça va, je murmure, perdue.

En entendant mes paroles étranglées, Aaron me détaille quelques secondes et son visage devient soucieux. Alors que nous sommes sur l'autoroute, il vire à droite soudainement et prend la première sortie. Après un court instant, il se gare sur le parking d'un diner et coupe le moteur.

— Je te jure que je ne me serais pas arrêté si tu n'étais pas aussi verte. On dirait que tu viens de voir un mort. Qu'est-ce qui ne va pas ?

J'ouvre des yeux grands comme des soucoupes en entendant sa phrase. La situation est si cocasse que je pars dans un fou rire. C'est à son tour d'être perdu.

Impossible de me contrôler. Je suis pliée en deux et rapidement prise de crampes au ventre. Aaron me laisse rire jusqu'à ce que je me calme un peu, sans quitter son air d'incompréhension.

— Une explication ?

— C'est tellement risible. J'ai sans cesse le sentiment que ma vie entière n'est qu'une énorme farce.

Cette constatation me procure un ricanement. Je dois vraiment avoir l'air folle à lier.

— À quoi pensais-tu pendant le trajet ?

— À Jake, je réponds, sans aucun filtre.

La bouche d'Aaron forme un O parfait, tandis que je cache la mienne de ma main. Je n'ai plus envie de rire, soudainement.

— C'est à mon tour de m'excuser. C'était maladroit.

Il fixe le diner dont les leds clignotent à plein régime pendant ce qui me semble être une éternité, et je me sens toute penaude. Au moment où je m'apprête à lui dire que ce à quoi je pensais n'était pas très important et qu'il vaut mieux passer à autre chose, il me regarde et propose :

— Et si tu m'expliquais tout ça devant un bon repas ? Tu as faim ?

Les Chasseurs de l'Ombre - Tome 1 : NuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant