Les Chasseurs de l'Ombre - Tome 1 : Nuit

Chapitre 31, Partie 2

Je le suis de près, et des bruits de lutte nous mènent rapidement jusqu'à la salle de réfectoire, où deux Chasseurs sont aux proies avec cinq Vampires. Sans hésitation, nous nous jetons dans la mêlée.

Avec un hurlement de rage, je saute sur le dos de l'un des Vampires, maintenant Eddy, l'un de mes camarades, contre le mur. Je lui plante mon poignard dans la carotide, et il gémit, relâchant Eddy. Tandis que le Vampire plaque sa main sur sa blessure en grognant, Eddy lui assène un coup de pied dans l'estomac, qui le fait reculer. Déséquilibré, je le tire alors en arrière, et il s'écroule sur une table, la brisant au passage. Le Chasseur s'élance sur lui et lui loge son arme pile à l'emplacement du cœur.

Sans attendre une seconde, nous nous retournons pour porter secours à Aaron et Gab qui sont déjà venus à bout d'un Vampire, et luttent contre les trois autres. Je me rue sur l'un d'eux, une immense créature aux cheveux blonds et aux yeux sanglants, qui me projette une chaise dans le torse. Le choc me fait tomber à la renverse, mais je me relève, repartant à la charge. Avisant un débris métallique, je m'en empare et m'en sers pour le déséquilibrer. Il évite mon coup d'un bond agile et m'attrape, m'envoyant valser contre Aaron. Nous nous écroulons tous les deux. Pourtant, Aaron intercepte mon regard, et comprend mon intention. En moins de deux, il me fait un tremplin de se ses mains jointes et me propulse sur le Vampire avec une force extraordinaire. Je fonds sur lui, lui crochète le cou de mes jambes et lui plante mon poignard dans le cœur.

Au même moment, Eddy achève le quatrième Vampire. Plus qu'un. Je m'élance, prête à venir en aide à Gab, le fiancé de Maya, qui lutte contre un jeune Vampire depuis de longues minutes déjà. Ses cheveux bruns sont collés à son front par la sueur, et par le sang, ruisselant d'une plaie sur le côté de son crâne. Il est petit, mais fort, et la créature virevolte autour de lui avec facilité, tentant de l'épuiser. Tandis que j'arme mon pistolet, entrevoyant une ouverture, Gab se jette sur lui tête baissée, poignard en avant. Mais le Vampire esquive, et lui assène un coup dans le thorax. Il s'écroule sur le ventre, et j'accours, me précipitant sur eux. C'est lorsque je me rapproche que je devine ce que le monstre tient dans sa main. Son cœur. Le cœur de Gab.

— Non ! je hurle.

Mon cri alerte mes compagnons, qui font volte-face, comprenant instantanément la situation. Mais je suis déjà lancée. Je prends appui sur une chaise, puis sur une table, saute, mon pied en avant, mais le Vampire l'évite. Je roule sur le sol. Le Vampire traverse la pièce à toute vitesse, son corps semble devenir flou. Mais Aaron vise de son pistolet et tire, à quatre reprises. Trois des quatre balles le touchent. Il tombe, et Eddy lui bondit dessus pour le coincer. Aaron vient en renfort, s'assied sur lui, le toisant de toute sa hauteur, et l'achève de sa lame. Le Vampire qui continuait de se débattre s'immobilise enfin.

Les deux hommes reprennent leurs esprits, puis se relèvent. Nos regards se tournent comme d'un seul bloc vers le corps de Gab, qui gît près de l'entrée.

— Gab, se désole Eddy en s'agenouillant à ses côtés.

— Maya. Leur mariage, je murmure, pensant à mon amie.

J'ai l'impression de pouvoir déjà ressentir la douleur qui étreindra la douce Maya dans quelques heures, et mon ventre se sert. Prise d'un haut-le-cœur, je m'éloigne de quelques pas et m'accroupis pour faire cesser mes vertiges. Une main rassurante se pose sur mon crâne et caresse mes cheveux. Aaron reste là sans un mot. Je repense encore et encore à la souffrance et au tournis qui s'étaient emparés de moi à l'annonce de la mort de mon frère, puis à celle de Jake. C'est toujours ce même sentiment, indéfinissable, mais reconnaissable entre mille. Celui du deuil.

— Am, nous devons continuer, m'enjoins Aaron.

La tête baissée, j'acquiesce. Aaron me prend par les épaules et m'aide à me relever. Je me retrouve sur mes jambes, les muscles engourdis par la fatigue et les chocs à répétition. Eddy n'est déjà plus là. J'inspire un grand coup. Je laisse l'image du visage d'Alyssa, que je n'ai toujours pas retrouvée, m'envahir. J'ai le devoir de la récupérer, saine et sauve.

Nous repartons en direction de l'étage inférieur. Mais en chemin, j'arrête Aaron.

— Attends ! Nous devons retrouver Tyler et Alyssa.

— Comment ? Nous ne pouvons nous permettre de faire le tour du Centre, ça serait trop dangereux.

— J'ai une idée ! Reste ici. J'arrive !

Et sans lui laisser le temps de répondre, je fonce vers la salle de vidéosurveillance. Courant à toute allure, je me stoppe pourtant dans mon élan en percevant les cris de détresse s'échappant d'une pièce adjacente. Des cris de femme, désespérés. Un appel à l'aide. Sans hésitation, je délaisse mon objectif et enfonce la porte, qui résiste. Je force encore de mon épaule, une fois, deux fois, et elle cède. Je pénètre en trombe dans la salle et tombe sur un mur de flammes. La pièce est en feu. Au milieu de cet incendie, je trouve Abbie, et un Vampire, les canines ancrées dans son cou.

À mon entrée, les deux tournent la tête vers moi. J'aperçois le regard désespéré d'Abbie, une larme perlant au coin de l'œil. Sa main repose sur le sol, désarmée. Elle est faible. Le Vampire grogne, comme un lion rugirait pour défendre qui que ce soit de s'approcher de sa proie. Avec un air de défi, il détourne son attention de moi et plonge à nouveau ses crocs dans le cou de mon amie. Elle n'en a plus pour longtemps. Je n'ai pas le choix, je dois traverser l'incendie.

Je prends mon courage à deux mains, les yeux fixés sur mon objectif. Protégeant mon visage, yeux fermés, je m'avance dans le feu.

Les flammes me mordent et déchirent ma peau. Serrant les dents, je progresse, jusqu'à arriver de l'autre côté. J'accours auprès mon amie et du Vampire qui la maintient toujours au sol. Je le tire en arrière avec facilité, ce que je ne m'explique pas au premier abord. Puis lorsque le corps d'Abbie se retrouve à nouveau visible, je comprends que c'est parce que le Vampire en a fini avec elle. Elle ne respire plus.

Mon cœur se décroche une nouvelle fois. Dans un état second, je recule, jusqu'à me retrouver tout près des flammes. Le Vampire se jette sur moi et me plaque face contre terre avec facilité. Mon instinct de survie me conjure de me battre, de ne pas me laisser faire, mais je suis trop las, et écrasée par le poids de mon ennemi. Je ferme les yeux pour échapper à cette vision terrible de son corps au-dessus du mien et de ses canines s'approchant de mon visage.

Soudain je sens le Vampire être comme soulevé dans les airs. Son corps se détache du mien, et j'ouvre les paupières. Devant moi se trouve mon frère, comme tout droit sorti des enfers. Il projette le Vampire à plusieurs mètres de là, avec une force inouïe. La créature tombe dans le brasier.

— Eden, je souffle, les yeux écarquillés.

Celui qui me semble être un rêve me fixe de ses prunelles écarlates, dans lesquelles dansent les flammes. Le visage dur, il me tend la main, ferme. Je m'y accroche et il me hisse sur mes pieds aussi facilement qu'on soulèverait un bébé.

Je m'entends vaguement prononcer un Merci, totalement sonnée. Le sang bat contre mes tempes et ma tête est comme prise dans un étau. Il fait trop chaud. Les sons tout autour de moi sont étouffés. Ma vision se trouble. Je vois indistinctement Eden porter sa main tachée de mon sang à sa bouche, et sa langue lécher ses doigts. Il clôt ses paupières, savoure le goût du liquide.

Brusquement, il bouge, trop rapidementpour moi, me prend dans ses bras et entame sa course à travers le dédale duCentre, en proie aux flammes. Personne ne fait attention à lui. Je protestemollement, balbutie un appel à l'aide quand qu'Eden s'enfuit du Centre. Puis lavitesse, la douleur et la fatigue ont raison de moi, et je m'évanouis, tandisqu'il m'emporte loin du chaos.