Chapitre 14, Partie 2

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Je reçois un énième coup de pied dans l'épaule et m'effondre. Cela fait une heure et demie que j'affronte Aaron. Il est vraiment doué. Après nous être échauffés, il a voulu commencer par travailler mes faiblesses. Selon lui j'en ai beaucoup. Pour le moment, nous ne faisons que nous entraîner à nous battre, et il n'a pas montré un seul semblant de réelle agressivité. Mais je reste sur le qui-vive. Aaron enchaîne les coups de pied et de poing dans l'épaule, le ventre, les jambes, et le visage. J'ai flanché au bout d'une heure. Et depuis je ne fais que parer ses attaques.

Je suis quand même assez fière de moi. Pas une fois je n'ai protesté, ou demandé à ralentir. J'ai accepté la cadence effrénée en serrant les dents. Moi qui ne faisais pas dix pompes il y a tout juste un mois...

Le combat au corps à corps me met mal à l'aise. Nos peaux s'effleurent ou s'entrechoquent sans cesse, et sa présence si près de moi ne m'est pas indifférente. Il est à la fois terrifiant et intrigant.

Tout en enchaînant des attaques du poing, il s'adresse à moi pour la première fois depuis le début de l'exercice.

— Pourquoi as-tu peur de moi ?

— Je n'ai pas peur, je protège juste mon visage. J'ai un rendez-vous demain soir.

— Tu sais très bien de quoi je parle, me reproche-t-il en frappant plus fort.

— Je n'ai peur de personne.

— Bien sûr, fais-le croire à qui tu voudras ici, mais pas à moi.

— Je n'ai peur que des Vampires.

J'ai le souffle de plus en plus court.

— Alors pourquoi m'évites-tu ?

— Je viens de te le dire : j'ai peur des Vampires.

Il s'arrête subitement, me regarde. J'ai lancé ma tirade sans réfléchir. Je suis stupéfaite de ma propre audace. Qu'est-ce qu'il m'a pris de dire ça ? Son air déconcerté me fait soudainement douter, et je me vois alors telle que je dois paraître aux yeux d'Aaron. Pathétique, sombrant dans la paranoïa. Comme si chaque homme, aussi terriblement mystérieux, glacial, et entouré de ténèbres soit-il, était forcément un immortel. Il m'a semblé dissimuler de lourds secrets, c'est vrai. Et il parlait à l'un d'entre eux, l'autre soir. Mais bon Dieu, nous sommes au Centre ici. Qui peut se targuer d'être vierge de tout rapport aux Vampires ?

Et pourtant, pourquoi ai-je l'impression que dans ses yeux se cache l'ombre d'une prunelle rouge comme le sang ?

Son visage se ferme alors. Comme il ne répond toujours rien, je suis surprise à mon tour. Pourquoi n'éclate-t-il pas de rire, pourquoi ne me réprimande-t-il pas pour mon accusation lancée envers l'un des directeurs du Centre ?

Incroyable. Je l'ai démasqué, et son étonnement vient de le trahir. J'avais donc raison, mon instinct ne m'avait pas trompé. Un frisson me parcourt le dos et je replace ma garde, prête à me défendre.

Je me remémore soudain mes réflexions de la semaine ; du fait que, s'il est un Vampire, il a forcément déjà rencontré Eden. Il peut me donner des informations sur lui.

Aaron se rapproche de moi, et penche la tête sur le côté. Je recule de quelques pas, sans le lâcher du regard.

— Tu es tellement assaillie par ta peur qu'elle te fait imaginer des choses que tu ne souhaites même pas croire.

— Et toi, tu es le dernier des idiots, et en plus de ça, un inconscient, je réplique.

Sur ce, je lui balance un coup de pied près de son épaule. Malheureusement, il l'évite en se baissant soudainement puis se replace comme si de rien n'était et continue la conversation.

Les Chasseurs de l'Ombre - Tome 1 : NuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant