Chapitre 5, Partie 1

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Nous nous préparons à atterrir.

Par le hublot, j'aperçois l'incroyable ville de New York s'étendre sous l'aile de l'avion. Cela fait deux ans que je n'ai pas foulé le sol de l'État de New York. C'est pourtant un lieu qui m'est cher. La partie la plus trépidante de ma vie s'y est jouée.

Avant ma naissance, ma mère, Kate Clifton, travaillait dans le San Francisco Police Department. Elle s'occupait d'enquêtes sordides de cadavres cachés dans une cave au fin fond d'immeubles délabrés. Ça l'avait toujours passionné.

Un jour, elle rencontra un homme dans une petite brasserie chaleureuse du centre-ville. À coup de répliques séductrices, d'un café offert avec désinvolture et de promesses de richesse sous-entendues, ma mère se laissa convaincre et tomba follement amoureuse. Classique. Cet homme, Ted Johnson, était un habitant de Portland de passage pour le travail. C'est aussi, à mon grand regret, mon père.

La raison pour laquelle mon père me détestait, et réciproquement, est simple : il avait toujours voulu avoir deux fils. Son souhait fut pourtant à demi réalisé avec Eden, garçon si intelligent, brillant et désireux de faire la fierté de son paternel. Mais ses espérances furent anéanties à mon arrivée. Mon père me haïssait. En revanche, il chérissait mon frère. Ce dernier s'en sentit éternellement coupable. L'attention de Ted ne l'intéressait pas. Mais devant sa stature imposante, il se tut. Ma mère non plus n'eut jamais son mot à dire. Au bout de quelques années de vie commune, la passion fut remplacée par le doute, puis par la crainte. Elle n'osa pas le quitter. Son côté aventurière s'amenuisa et elle démissionna finalement de la SFPD. Heureusement, mon père travaillait beaucoup et était souvent absent, toujours à quelques milliers de kilomètres, une dizaine d'heures de décalage horaire et à des années-lumière de se préoccuper de nous.

C'est pour cette raison que le Centre des Chasseurs fut un refuge pour moi. Plus que cela même. Une famille. Comme chaque agent, avec l'aide de Kristina, je fus contrainte de me faire passer pour morte, aux yeux de tout mon entourage. Disparition complète, et retour en arrière impossible.

Mon frère et ma mère me manquèrent, chacun à leur façon. Je gardai, durant un temps, de la culpabilité d'avoir abandonné cette dernière. Elle avait du jour au lendemain perdu ses deux enfants. La mort présumée d'Eden, bien entendu, me brisa tout autant leur cœur. Mais, peu à peu, alors que mes souvenirs à San Francisco devenaient de plus en plus flous et lointains, j'appris à vivre sans eux.

Cependant, il n'en fut pas de même pour Alyssa, et encore moins pour Tyler.

Alyssa eut beaucoup de mal à quitter sa vie familiale parfaite que j'enviais tant, la richesse et le confort de son quotidien. Sa grande sœur Tania, ses parents, son petit chiot Dally, sa popularité à l'école, ses amis... Tout cela fut très dur à abandonner, mais la peur qu'elle ressentit le jour de notre départ l'empêcha d'éprouver sur le moment la perte de sa famille. Elle l'évoqua toutefois souvent, pendant quelques années, mais plutôt comme un souvenir trop lointain pour vouloir le retrouver. Tyler en revanche, vécut très mal la séparation avec ses proches. Au même âge que nous, il vivait avec ses grands-parents, ses véritables parents étant morts trois ans auparavant dans un accident de voiture. Dans la maison où il habitait, chacun s'occupait de l'autre. Il était une aide essentielle au quotidien de sa grand-mère en particulier, dont l'état de santé s'aggravait lentement. Il évoqua ses grands-parents comme des personnes fortes, refusant de s'abandonner à leur souffrance, donnant tout ce qu'ils possédaient pour rendre la vie de leur unique petit-fils plus belle que la leur. Tyler eut beaucoup de mal à se remettre de sa séparation avec eux, culpabilisant tellement à nos côtés qu'il nous arrivait parfois à Alyssa et moi de pleurer ces personnes que nous n'avions pourtant jamais connues, mais qui nous apparaissaient si importantes pour Tyler. Il avait été emmené au Centre moins d'un mois après nous, à la suite d'un attentat dans son école. Des Vampires bien entendu.

Les Vampires. Ces créatures sont le diable incarné, et elles existent depuis la nuit des temps. Au fil des millénaires et des cultures, les hommes leur ont donné de nombreux noms, et attribué différentes aptitudes. Pourtant, ce sont bien les monstres de nos légendes : êtres immortels, aux facultés physiques surhumaines, yeux rouges, longues canines aiguisées. Ils ne dorment jamais, et ne vieillissent pas. Mis à part ces quelques particularités, les Vampires ressemblent à n'importe quel humain sur cette Terre. Ajoutez à cela une paire de lentilles colorées, et l'illusion est parfaite. Cependant, il est toujours possible de les identifier. Au contact des plus forts rayons du soleil, les jours de beau temps, leurs yeux rougeoient. Leur reflet dans un miroir déjoue également les subterfuges dont ils usent pour camoufler la couleur de leurs prunelles.

Les Vampires se nourrissent de sang humain, et possèdent un intense pouvoir de séduction leur permettant de les attirer à eux. Ils ont aussi la capacité d'envoûter leurs proies grâce à une enzyme contenue dans leur salive ; celle-ci provoque un fort sentiment d'apaisement et de félicité, ce qui leur donne la possibilité de se délecter du sang de leurs victimes sans aucune résistance.

Quoi d'autre ? Ils sont également en mesure de transformer en l'un des leurs des humains, au moyen d'une morsure, en les vidant de leur sang. Ensuite, ils leur injectent leur venin à la place.

Seul l'argent planté dans le cœur d'un Vampire parvient à les tuer. C'est la raison pour laquelle les Chasseurs possèdent des poignards à la lame faite d'argent, ainsi que des balles. Ces démons survivent à toute autre blessure et la guérison ne prend que quelques secondes. L'unique autre moyen de les anéantir est de les décapiter. Un jeu d'enfant.

Les Chasseurs de l'Ombre - Tome 1 : NuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant