Chapitre 26, Partie 3

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Ce dernier bat d'ailleurs à tout rompre, tandis que les marches défilent sous mes pas quatre par quatre. Je me retourne sans cesse, certaine qu'Eden me suit.

C'est ce qui m'empêche d'anticiper le Vampire qui me saute dessus, alors que je sors tout juste du bâtiment menant sur la rue. La créature me projette au sol, et je pousse un cri de surprise. Nous roulons sur le bitume. L'adrénaline me fait pourtant réagir au quart de tour : je dégage mon bras de l'étreinte de mon assaillant et lui entaille le flanc de mon poignard. Ce dernier gémit de douleur. Luttant à même le sol, je discerne enfin son visage. Mon cerveau fait directement le lien avec la photo de Derek Smith, l'un des Vampires que Karl nous avait montrés durant la réunion. Il est jeune, et ressemble à mon frère, en plus hargneux. Sa bouche est tordue par la soif et ses yeux chargés de férocité.

Toujours coincée dans l'étau de ses bras, je le cogne de mes coudes, de mes pieds, tentant de le blesser avec mon poignard. Je réussis à l'atteindre et il me lâche finalement. J'en profite pour me dégager. Je me relève et fais face à mon agresseur, déjà debout.

Débute alors un duel où se mêlent lame tranchante, canines aiguisées et coups ardents. Je parviens à le toucher, mais jamais mortellement, et il m'accapare assez pour que je ne puisse pas dégainer mon arme à feu. Nous sommes comme engagés dans une sorte de danse, nous attirant et nous repoussant encore et encore. J'évite ses dents, me baisse et tente d'atteindre son cœur de mon arme. Il recule et balaye mon bras d'un coup de pied. Mon poignet se brise sous le choc et je laisse échapper mon poignard.

Je tombe à genoux. La douleur irradie dans toute la partie droite de mon corps et mon souffle se coupe. Mais je dois réagir. Si je reste au sol, je suis morte ; le Vampire revient déjà à la charge. Je roule sur le dos et recule pour me dégager, mon bras blessé collé contre moi. Guidée par mon instinct, je sais ce que je dois faire. Je dégaine mon arme, vise, et tire.

La balle l'atteint en plein cœur, et il s'écroule. L'effet de l'argent est immédiat. Le temps que je m'approche, il est déjà mort.

J'examine son visage quelques instants, ses yeux rouges, dont la couleur s'atténue de seconde en seconde. Je viens de tuer mon premier Vampire depuis des années. Je l'ai fait. Et je n'ai pas flanché.

Je reprends mes esprits, et analyse l'état de mon poignet. Ça pourrait être pire. Je me fabrique une écharpe de fortune avec ma veste avant de repartir. Cela fait presque une heure que je n'ai pas donné de nouvelles à mon équipe ; je dois rejoindre le reste des Chasseurs. Je me dirige à pas rapides en direction du point de rendez-vous. Je reconnecte enfin mon oreillette, et cette dernière émet instantanément un signal. Le contact s'établit avec Aaron.

— Amber ? Où es-tu ? s'alarme-t-il avant que je n'aie le temps de dire le moindre mot. Cela fait une heure que je n'arrive pas à te joindre. Nous étions censés rester ensemble, est-ce que tout va bien ?

L'inquiétude dans sa voix, plus que la colère, est parfaitement discernable.

— Je vais bien, Aaron, je soupire. Je... J'ai traqué Derek Smith pendant un long moment. Nous nous sommes battus, et j'ai réussi...

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase. Un Vampire sorti de nulle part me saute dessus et plante ses canines dans mon cou.

Je hurle de douleur, paniquée. Je me débats tant bien que mal pour tenter de m'extraire de la prise de ce suceur de sang. Désorientée, mon instinct me pousse à m'envoyer contre le mur pour essayer de le coincer. Mais mes jambes flanchent sous son poids et je m'écroule.

Dans mon oreillette, toujours allumée, Aaron s'époumone.

Pourtant, j'ai du mal à discerner ses paroles. Les crocs du Vampire sont ancrés dans ma chair et je peux presque sentir mon sang quitter mon corps. La morsure me brûle. La créature me maintient maintenant au sol sur le ventre de sa poigne de fer. Son poids m'écrase, et je manque d'air. Il est trop lourd, trop puissant, et je suis bloquée.

Je suis renvoyée des années en arrière, dans ma chambre d'enfant à San Francisco. Rien n'a changé. Je suis toujours en train de mourir.

Non. Hors de question qu'un tel malheur se reproduise. Rassemblant mes esprits, je calme ma respiration et me concentre sur les options qui s'offrent à moi. Je cesse de crier. Au même instant, je perçois enfin la voix d'Aaron.

— Accroche-toi, Amber, j'arrive !

C'est ce qui me donne le courage d'agir. Je soulève mon bassin avec toutes les forces qu'il me reste, et décolle son corps du mien. Cela le déstabilise une seconde, le temps suffisant pour dégager un de mes bras et lui administrer un coup de coude. Rien de douloureux pour lui, mais ses canines quittent mon cou, et m'offrent l'opportunité de bouger. Je roule sur le dos, l'entraînant avec moi.

Alors je peux me libérer. J'utilise mes jambes, et l'envoie valser deux mètres plus loin. Je me relève, et tandis qu'il revient à la charge, je me protège en faisant glisser une grosse poubelle jaune devant moi. Le Vampire tente de s'en servir comme tremplin, mais au moment où il prend appui dessus, je la fais basculer et il tombe à la renverse. Je me jette sur lui, poignard en avant, mais il bloque mon coup. Il pare mes assauts, et alors que je commençais à reprendre l'avantage, me saisit par les cheveux et me frappe à la tête.

Il me plaque contre une voiture, m'assomme à moitié d'un coup de poing, puis plante une fois de plus ses canines en moi.

Il s'attaque à mon épaule, se délectant de mon sang. La douleur est si vive que je perds pied. Pourtant, après quelques instants, il se détourne, mais c'est pour s'emparer de mon poignet cassé. Il mord à nouveau, enivré par le goût de ma chair. À bout de forces, je me débats du mieux que je peux tandis qu'il vient se rassasier d'une nouvelle plaie dans mon cou.

Cette torture continue pendant d'interminables secondes. Une de ses mains me maintient la tête, l'autre les bras, et je n'ai pas le choix que de me laisser faire. Je crie, j'appelle à l'aide, tente de le repousser, mais c'est peine perdue. Le Vampire est hors de contrôle, rendu fou par la profusion de sang chaud qui coule de chacune de mes plaies. Il déchire encore et encore ma peau.

Soudain le monstre se raidit, alors qu'une ombre passe contre lui. Mon assaillant gémit, blessé au dos. Stoppé dans son élan, le Vampire tourne la tête, cherchant l'origine de l'attaque. Mais j'ai eu le temps de reconnaître la silhouette de mon sauveur. Celle de mon frère.

Ranimée par la présence de mon frère, un regain de lucidité et d'énergie me gagne. Nous scrutons tous les deux les toits des bâtiments alentour. Mais Eden reste invisible.

Alors le Vampire se retourne vers moi, et mord à nouveau dans mon bras. Je gémis encore.

— Stop ! tonne tout à coup Eden. Arrête !

Cette fois-ci, mon assaillant reconnaît la voix de mon frère, et, prenant au pied de la lettre son ordre, me relâche. Craintif, ses yeux scrutent une fois de plus les hauteurs, sans trouver Eden, puis il tourne les talons et s'en va en courant.

Je pense à le laisser filer, trop las, mais j'ai un dernier effort à faire. Ma dernière chance. L'occasion est trop belle.

Je récupère par terre mon arme, prends une grande inspiration, et le vise de ma main gauche, la moins endommagée. Je vois le poignard partir comme une fusée. La lame fend l'air et vient se ficher dans son dos, en plein entre ses côtes, et s'enfonce jusqu'à son cœur, à l'instant précis où Aaron surgit face à lui. Touché. Le Vampire s'effondre sous ses yeux.

Aaron accourt, tandis que je titube, mais ma tête heurte le sol et je m'évanouis avant qu'il n'ait le temps de me rattraper.

Les Chasseurs de l'Ombre - Tome 1 : NuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant