Chapitre 17, Partie 2

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Après une journée calamiteuse, remplie de ruminations et de maux d'estomac, il est enfin l'heure de me préparer pour mon rendez-vous avec Aaron, que j'ai décidé d'accepter. Alors que je boutonne mon pantalon en cuir, Aly débarque en furie dans ma chambre, sans toquer. La porte claque, je sursaute.

— Tyler n'est vraiment qu'un idiot, tu ne devineras...

Elle s'arrête brusquement, et me détaille de haut en bas.

— Ou vas-tu comme ça ? m'interroge-t-elle, suspicieuse, en me pointant du doigt.

Impossible de reculer encore. Et mentir? Pour dire quoi?

— Je sors.

— Tu sors ? Mais Am, Kristina nous a demandé d'être prudents. De ne pas sortir, et...

Elle reste bouche bée.

— Nooon... Tu sors avec Aaron, c'est ça ? C'est de ça que vous parliez tout à l'heure. Il t'invitait à un rendez-vous !

— Aly, il faut que tu me fasses confiance, je la supplie, en lui attrapant le bras.

— Mais tu ne sais même pas qui il est, il pourrait être dangereux !

Je joue ma dernière carte. Je reprends mon sérieux, et la fixe droit dans les yeux, nos mains enlacées.

— J'ai conscience que tu t'inquiètes pour moi. Et je t'en remercie. Mais s'il te plait, écoute-moi. Je n'ai jamais eu un tel pressentiment. Quelque chose me lie à lui. Je ne sais pas encore ce que c'est, mais je vais le découvrir.

— Mais, et si...

— Dès le premier jour, Aly. Le jour où nous sommes arrivés à l'aéroport, j'ai su qu'il était important pour moi. Il peut m'aider à trouver Eden. J'en suis sûre.

Elle ne répond pas. Aly lit dans mes yeux. Elle attrape une mèche de mes cheveux et l'entortille autour de ses doigts.

— Tu devrais te les attacher, elle me conseille, pensive.

Je la dévisage avec surprise.

— Ça signifie que tu m'approuves ?

— Tout ce que je veux, c'est ton bonheur, et que tu trouves du sens à ce que tu fais. Toute ta vie tu as oscillé entre être parfaitement à ta place et chercher une explication à ce que tu endurais. Si tu me dis qu'aller à ce rendez-vous est ce que tu dois faire, ce qui te semble juste, alors vas-y.

Les larmes aux yeux, je la prends dans mes bras, la serrant très fort contre moi.

— Merci Aly.

Elle se dégage avec douceur.

— Allez viens, on va finir de te préparer, elle me lance avec un clin d'œil.

Nous passons la demi-heure qui suit à m'apprêter. Aly s'occupe de mes cheveux, puis de mon visage, appliquant un magnifique fard irisé sur mes paupières, et un gloss rouge sur mes lèvres. Elle termine par un coup de blush qui rehausse mes pommettes et me donne bonne mine.

À dix-neuf heures quarante-cinq, j'enfile une paire de bottines à talons et un perfecto en cuir. Tandis que mon amie arrange une dernière fois ma coiffure, je prends mon courage à deux mains.

— N'en parle pas à Tyler, s'il te plait.

Elle hoche la tête et m'en fait la promesse.

— Au fait, qu'étais-tu venue me dire à propos de Ty, tout à l'heure ? Tu avais l'air vraiment énervée.

— Rien d'important. Cet idiot manque de tact. Nous étions tous les deux au gymnase, et Isabel est arrivée. Ils ont discuté un peu, mais c'était comme si je n'étais pas là. Tyler n'a pas fait dans la dentelle. Il m'a laissé en plan pour partir avec elle.

Compatissante, je lui adresse une moue désolée.

— Enfin bref. Ce n'est qu'un détail, fait-elle en se reprenant. Je te couvre. Mais fais attention à toi. Ne tente rien de dangereux.

Je vais chercher mon poignard qui se trouve dans mon petit coffre-fort, et le glisse dans la doublure de ma bottine. J'inspire un bon coup.

— Tu es superbe, me complimente mon amie.

— Merci encore, Aly.



Ce sont ses pas que j'entends en premier, tandis que je patiente dans le hall.

— Une partie de moi se demandait si tu viendrais, lance-t-il dans mon dos.

Il s'approche et je me retourne. Je crois bien qu'un Wow m'échappe. Il me décroche un petit sourire mi-narquois, mi-satisfait.

— Je n'aurais pas dit mieux, me fait-il avec un signe de tête.

Aaron s'arrête à moins d'un mètre de moi, me laissant tout le loisir de le détailler du regard. Lui aussi s'est habillé tout en noir. Il porte des chaussures noires, un jean, un tee-shirt et un blouson du même coloris. Au bout de sa main se balance un casque de moto. Il me vient à l'esprit qu'il est encore plus attirant vêtu de cette façon qu'avec sa tenue d'entraînement.

— Nous allons faire de la moto ? je percute enfin.

— Exactement.

— Pour aller où ?

— À vrai dire, je veux t'en faire la surprise, alors mieux vaut te laisser guider pour le moment.

Il perçoit mon embarras.

— Allez, Johnson. J'ai bien compris que ce n'était pas ton fort, le lâcher-prise. Mais tu vas devoir me faire confiance.

Un rire ironique m'échappe. Alors que j'ouvre la bouche pour lui répliquer que la confiance n'est pas non plus mon fort, il enfonce le casque sur ma tête et baisse la visière.

— Eh ! fait ma petite voix étouffée, en remontant cette dernière.

— Je préférais ne pas entendre ta réponse. Tu viens ?

Il attrape ma main et m'entraîne dans le parking.

— Kristina est au courant que nous sortons. Elle n'était pas spécialement emballée par cette idée, mais disons que mon statut offre des privilèges. Tu as bien pris ton arme ?

Je lui désigne ma chaussure.

— Très bien. J'ai aussi la mienne.

Je suis en pleine réflexion sur l'étrangeté de la situation : nous deux, main dans la main, lorsque nous arrivons à la moto. Un superbe modèle racé, bleu nuit, aux formes effilées. Je ne m'y connais pas, mais il est évident que c'est un petit bijou. Aaron attrape le second casque suspendu au guidon et l'enfile. Il grimpe sur sa bécane, et tapote le siège derrière lui.

— En route, belle amazone.

Je monte derrière lui.

— Tu es très séduisante, comme ça, me complimente-t-il, l'air de rien.

Il ne me voit pas sourire derrière mon casque. Je m'accroche fermement à sa taille, passant mes bras autour de lui. Le coup de la moto. Imparable. Je peux sentir son torse se soulever au rythme de ses respirations. Il démarre le moteur, l'engin vrombit d'un bruit d'enfer qui résonne dans le souterrain.

— Tu as peur ? crie-t-il pour couvrir le vacarme.

— Non.

— Ça m'aurait étonné, fait-il avant de faire accélérer la machine.

Les Chasseurs de l'Ombre - Tome 1 : NuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant