Chapitre 24.1 - La Prophétie

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Hope

Ses lèvres ont touché les miennes, ses lèvres ont touché les miennes...

Je ne cesse de rembobiner la scène dans ma tête sans arriver à assimiler ce qui venait de se passer une heure plus tôt. Oui. Timéo m'avait embrassé ou plutôt je me suis laissé embrasser comme une idiote. En même temps, si cela revenait à se reproduire, je pense que j'agirais de la même façon. Son baiser était à la fois doux, langoureux, chaud, intense et j'en passe. Mais bon, quand même, il s'agissait de mon tout premier baiser et je me suis offert au plus arrogant, hautain et asocial des hommes. Le désir de mon cœur avait pris le dessus sur mon esprit, à mon plus grand désarroi.

Maintenant, je ne sais même plus comment agir avec lui. Nous sommes comme deux idiots qui se regardent du coin de l'œil, gênés par la situation embarrassante.

Suite à notre échange langoureux, je m'étais enfui de l'eau, trop perturbée, avec pour unique prétexte d'avoir une envie pressante. Rien de glamour, je me l'accorde. En même temps, que faire dans cette situation ? Ce n'est pas comme si nous étions en couple ou bien que ce baiser voulait dire quelque chose, non ?

Mon cerveau bouillonne de questions sans réponse et ça me donne l'effet d'une bonne migraine dont j'aurais très bien pu me passer.

Plus verte que jamais, la forêt d'Eden nous entoure avec son manteau vert feuillu, qui ondule sous l'effet de la brise matinale. Quelques clochettes blanches apparaissent au creux des rochers recouvert presque entièrement de mousses vertes. Des papillons aux ailes bleutées virevoltent dans les airs.

Je le regarde qui marche devant, sans prononcer un mot. Et c'est comme ça depuis notre départ. Je n'avais jamais pris le temps de l'admirer de dos, car j'ouvrais à chaque fois la marche. Cette fois-ci, je suis en retrait, à quelques pas de lui. Je peux voir à travers son tee-shirt noir son dos bien musclé. Il s'arrête et me regarde. Ses yeux sombres me font soudainement craquer.

— Je pense que nous sommes arrivés, dit-il.

Il n'a pas l'air gêné contrairement à moi. J'arrive à sa hauteur et suis son index désignant l'horizon. La maison en verre est là, fidèle à celle de mon rêve. Encore plus imposante vue de jour, elle ressemble à un gigantesque néon qui éclaire les alentours de la forêt verte. Un léger frisson me parcourt en repensant à mon rêve. Je scrute chaque masse buissonnante qui m'entoure en espérant ne pas croiser le regard ensanglanté d'une ombre maléfique. Un buisson bouge. Je me cache derrière Timéo, le visage à moitié découvert et mes deux mains posées sur son dos. Comme je me l'imaginais, il est très musclé.

Surpris, il se racle la gorge.

— Qu'est-ce qu'il y a ?!

— Ah... euh... non rien, dis-je en comprenant le malaise de mon geste. J'ai cru entendre du bruit, murmurais-je gênée. Tu viens ?

Je m'éloigne de lui pour reprendre le chemin vers la maison de verre espérant que le prophète Thomas y soit. Je n'avais pas fait tout ce chemin pour me retrouver sans réponse face à un mur de verre. Je sursaute à chaque fois, lorsque des brindilles craquent sous mon poids. L'air est de plus en plus lourd. Je n'entends plus rien. Les oiseaux ne chantent plus. J'ai l'impression qu'on nous observe. Je le sens, c'est plus fort que moi. Lorsque je me retourne, je ne vois plus Timéo. Des frissons me submergent. N'osant plus bouger, je hausse fébrilement le ton.

— Timéo ?

Rien. Aucun signe de vie.

— Timéo, arrête, ce n'est pas drôle. Sors de ta cachette !

Je jure que si c'est une farce, je le tue sur place cet idiot. Je fais quelques pas en arrière tout en scrutant l'horizon. La masse arbustive est trop dense pour entrevoir quelque chose. J'ai un mauvais pressentiment. Un sentiment de déjà-vu. Un sifflement attire mon attention. Des frissons me parcourent le corps de haut en bas. J'aperçois une ombre noire derrière un buisson. De forme humaine, elle n'a pas de visage distinct. Son regard est effrayant avec ses yeux rouge sang. Je suis tétanisée de peur. C'est l'ombre maléfique de mon rêve – une Black-Mantra.

Sans avoir le temps de réagir, je me sens propulsée en arrière par une force venue de nulle part. Mes jambes bougent toutes seules. Mes yeux se posent sur mon kidnappeur Timéo. Mon corps se laisse porter par son contact. J'entends l'ombre maléfique nous poursuivre sans que j'aie besoin de me retourner. La maison de verre est plus proche que jamais.

La grande porte en bois massive est entrouverte. Timéo l'écarte et laisse entrer la lumière produite par une multitude de bougies puis la referme violemment. Mon rythme cardiaque peine à redescendre.

— Mais où étais-tu ?! Crié-je, énervée.

Celui-ci me dévisage amusé. Je déteste quand il se moque de moi, alors que je me suis inquiété pour lui.

— Tu devrais plutôt me remercier de t'avoir sauvé la vie.

— Te remercier ? Non, mais sans blague ! Tu m'as laissée toute seule. J'ai... j'ai eu peur qu'il ne te soit arrivé quelque chose de grave. Idiot !

Sa bouche s'entrouvre puis se referme sans qu'aucun son n'en sorte. Comme si de rien n'était, il s'avance calmement dans le séjour en évitant tout contact visuel. Je reprends mes esprits et décide de laisser couler pour cette fois.

Le séjour est chaleureux et accueillant. Au centre, la grande table en Chêne massif est couverte de plats tous aussi alléchants les uns que les autres. Comme dans mon rêve. Mon ventre gargouille. Nous n'avions pas pris le temps de manger ce que nous avait offert la vieille dame. Le gâteau aux fruits confits me donne l'eau à la bouche.

Le prophète Thomas n'est pas là.

— Est-ce qu'il y a...

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase que j'entends un gros boum au fond de la pièce. Je suis Timéo qui se précipite en direction du bruit et découvre le prophète Thomas. Il grogne en ramassant une pile de parchemins éparpillés en désordre par terre. Il pousse un énième cri de colère lorsque ses pieds accrochent sa longue barbe. Il s'étale par terre déchirant par mégarde l'un des parchemins. Je me précipite pour l'aider à se relever en maintenant son bouc blanc dans mes mains au-dessus du parquet. Il me sourit, appréciant mon geste.

— Merci Hope. J'attendais ta visite et je me suis précipité pour ramener mes écrits pour t'aider dans ta quête. Il faut faire vite, le temps presse. La dague d'Athamée doit être récupérée par sa propriétaire.

Je fronce les sourcils, ne comprenant pas un traître mot ce qu'il vient de me dire. C'est quoi cette histoire de quête et encore moins c'est quoi cette dague ?

— À ta tête je suppose que tu n'es pas au courant ? dit-il. Oh. Et toi tu dois être le jeune Timéo ?

Je regarde Timéo qui dévisage le prophète Thomas tout en lui redonnant la pile de parchemins qu'il vient de rassembler.

— Oui c'est bien ça. Je suis surpris que vous connaissiez mon prénom, car nous ne nous sommes jamais rencontrés.

— C'est l'un de mes plus grands talents de prophète. Je suis un visionnaire de l'avenir, enfin quand le ciel me l'accorde, dit-il en récupérant ses affaires.

Il se retourne vers moi.

— Puisque tu es là, reprenons depuis le début. Tu dois avoir plein de questions depuis que tu as appris pour ton père, dit-il plus sérieusement.

— Comment savez-vous... Ah oui, un aspect de votre talent, je suppose...

— Exacte, ma petite. Asseyez-vous, et mangez. J'ai encore cuisiné pour tout un village.

Je m'assois en face de Timéo et du prophète. Par simple politesse, j'attends que l'un d'entre eux se serve avant de me jeter sur le cake aux fruits. Il me donne faim depuis que mes yeux se sont posés dessus. Je ne suis pas étonnée de voir Timéo saisir une cuisse de poulet rôti qu'il enfourne directement dans sa bouche. J'attrape une tranche de gâteau et regarde attentivement le prophète dérouler un parchemin sur l'espace libre de la table. Il lit à haute voix les quelques lignes manuscrites sur ce vieux bout de papier brun.

« Nul ne pourra l'atteindre, une lueur sombre coule dans ses veines. Infaillible au maître de la nuit, elle sera notre seul espoir. L'élue né le soir de la lune rouge devra se méfier de l'éclipse noire qui annulera tous ses pouvoirs ».

Sang d'ébèneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant