Chapitre 11.1 - Cendrillon 2.0

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Une heure avant le bal je suis toujours dans ma chambre, allongée sur mon lit, mon regard fixé sur le plafond végétal. Le bal approche à grands pas. C'est ma première soirée en tant qu'élève à l'institut. J'appréhende beaucoup. Tandis que Luna est euphorique.

- Hope, je suis super excitée à l'idée de danser, de faire la fête ce soir ! Tu n'es pas de mon avis ?

Je soupire en la regardant sautiller dans la chambre.

- Euh... Pas vraiment. Je crois que je vais rester dans ma chambre ce soir.

- Hein ?!

Elle monte sur mon lit en un éclair de seconde et me secoue brutalement.

- Réveille-toi et viens ! C'est notre premier bal ici, tu ne dois pas rater ça ! Et en plus je n'ai pas envie de m'amuser sans mon amie.

Elle continue de me secouer en me faisant un regard larmoyant. On dirait un pauvre chien abandonné sur le bord d'un chemin.

Je n'ai pas envie de lui dire que je n'ai rien à me mettre. Elle va tout de suite me catégoriser de petite fille pauvre vêtue de haillons. Comme Cendrillon. L'un de mes contes préférés. Une fille qui est transformée en une jolie princesse par sa marraine la bonne fée. J'adorais lire cette histoire quand j'étais petite.
Je m'imaginais me rendre au bal du prince et le faire tomber fou amoureux de moi. Malheureusement, je ne suis pas une princesse. Je ne possède pas de baguette magique et encore moins de marraine fée. Cette pensée me déprime et me ramène à la dure réalité. Je n'ai pas de robe, donc aucune possibilité de me rendre au bal. Je ne vais pas y aller dans ma tunique verte quand même. La honte.

Luna continue de me regarder avec insistance et espère que je succombe à la tentation et accepte de venir.

- Luna, je suis désolée, mais tu vas devoir y aller toute seule

- Mais pourquoi ? Ça va être super. Il y aura de la musique, de beaux garçons en smoking, de la nourriture à foison... dit-elle en me souriant.

- C'est juste que...

Son sourire rassurant, son ton calme et chaleureux me donne envie de lui avouer.

- Tu vas te moquer de moi si je te dis pourquoi je ne peux pas venir... chuchoté-je lentement.

Elle me regarde toujours le sourire aux lèvres.

- Dis-moi. Je ne me moquerais pas de toi. Tu es mon amie.

J'ai juste peur qu'elle me rejette. Je ne sais pas ce que c'est d'avoir un ami sur qui compter. En regardant Luna, je ressens une profonde sympathie. Elle me témoigne son affection, son amitié et cela me réjouit vraiment de bonheur. C'est quelqu'un qui sera là pour moi. Sa bienveillance m'aidera à vivre au sein de l'école sans crainte.

- En vérité, je... Je n'aie pas de robe pour aller au bal. Je n'aie que mes modestes habits que je porte tous les jours. Je ne suis pas riche. Juste une simple fille de campagne, dis-je, calmement.

- C'est juste pour ça que tu ne veux pas venir ?

- Oui.

- Mais il fallait me le dire plus tôt au lieu de te morfondre dans ton coin. J'ai une robe qui est trop petite pour moi. Je suis sûre qu'elle t'ira à merveille. Tu seras la bombe de la soirée ! Tous les regards se porteront sur toi quand tu entreras dans le réfectoire !

Elle descend du lit et ouvre sa malle pour sortir la fameuse robe. Son excitation commence à me faire peur. Une bombe, moi ?!

Je ne suis pas le genre de fille à adorer qu'on la remarque. Ça me donne juste envie de m'enfuir en courant. Un flot de sentiments différents m'envahit. Je suis heureuse, terrifiée, peureuse à l'idée d'aller au bal. Je n'ai jamais porté de robe. J'ai toujours été un garçon manqué. La féminité n'est pas naturelle pour moi.

Luna sort de sa malle une longue robe. La couleur est très vive et d'un rouge flamboyant. Je dois dire qu'elle est plutôt jolie. Cependant, n'est-ce pas trop provocant ? Cette couleur sensuelle va faire ressortir toutes mes courbes féminines et mettre ma petite poitrine en avant que je le veuille ou non. Bordel ! Je flippe à l'idée de devoir porter cette tenue trop moulante. Je me lève du lit pour m'approcher plus près. Elle me la donne pour l'essayer. Avec un peu d'appréhension, je me déshabille pour l'enfiler. Elle me va parfaitement et n'est pas trop grande. Elle descend jusqu'aux chevilles et épouse magnifiquement mon corps. Peut-être un peu trop. Le tissu est doux comme de la soie. Son style est marqué par un corsage serré et ajusté jusqu'au buste, me donnant l'apparence d'une taille haute. La robe a une longue jupe lâche et froncée. Celle-ci effleure mon corps au lieu d'être soutenue par des jupons volumineux. Cette robe permet d'allonger mon apparence. Elle n'a pas de manches. Le tissu fin épouse parfaitement mes épaules sans camoufler ma peau nacrée. Sa légèreté me donne l'impression de ne rien porter. Je n'aie pas l'habitude de dévoiler mon corps dénudé sauf bien sûr dans l'intimité quand je prends mon bain. Mes cheveux ondulés noirs tombent le long de mon buste. Luna décide de me faire un chignon élégant pour mettre en valeur mon doux visage. Face au miroir je me dévisage surprise par ma métamorphose. Ma coiffure me donne un air plus strict, mais mon sourire d'ange prouve le contraire. Je ressemble à une poupée. Je me découvre sous un nouveau jour. Mon petit Oiseau de feu est également mis en valeur. Il sublime ma tenue.

- Tu es magnifique, dit Luna, les yeux brillants.

- Tu trouves ? J'ai l'impression qu'on voit tout à travers.

Je me tortille sur place, et ne cesse de remonter mon corsage ayant l'intime conviction qu'on va voir ma poitrine. Pour la première fois, je ressemble à une fille ou plutôt une femme.

- Mais non, tu es parfaite ! C'est juste que tu n'as pas l'habitude de porter de robe. Ne t'inquiète pas, je serais là durant toute la soirée pour te mettre à l'aise. Et puis, moi aussi je vais me mettre en bombe ce soir pour faire chavirer le cœur d'Elios !

- Tu l'appelles par son nom maintenant ?

- En quelque sorte... dit-elle en rigolant.

Tandis que je me parfume devant le miroir, Luna s'habille. Elle porte une sublime robe courte avec un bustier qui épouse sa poitrine. Son jupon recouvert de dentelle est en forme de trapèze. Elle sort des chaussures à talon aiguille noir laquées qu'elle me tend.

- Tiens, je pense qu'on fait la même taille.

- Euh... Merci, mais tu n'en as pas besoin ? De toute façon, je ne suis pas sûre de réussir à marcher avec ses instruments de torture.

- Les chaussures vont avec la tenue. Et j'ai déjà une autre paire de talons donc ce n'est pas un problème. Vas-y, essaye-les !

Je saisis les chaussures du bout des doigts. Je vais finir par me tordre la cheville avec ça. Je rentre mes pieds un par un. Elles sont bien à ma taille. Je me relève en prenant appui sur le lavabo. Les escarpins me donnent une allure élancée. Fébrile, je fais quelques pas dans la pièce pour me familiariser avec. Au départ je suis raide, comme si j'avais un balai planté dans le derrière, puis au fur et à mesure je prends confiance. J'arrive à marcher correctement sans trébucher. Luna me gratifie d'un sourire d'approbation.

Une fois habillées, coiffées et maquillées, nous sortons de notre chambre en direction du réfectoire. C'est l'heure du bal des débutants. Et je suis mentalement loin d'être prête.

Sang d'ébèneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant