Chapitre 9.2 - Le Temple de l'Air

445 57 33
                                    

Voilà une semaine que Blacky supporte nos deux poids sur son dos. Malgré ma blessure cicatrisée, M. Steel préfère que j'évite d'utiliser mon bras avant notre arrivée au Temple de l'Air. Le silence pesant durant notre balade m'épuise plus qu'une journée sans dormir. Un jour, je dois tenir encore un jour...

J'occupe mes pensées en observant cette forêt étonnante qui a pris une allure plus modeste depuis quelques jours. Les arbres se parent d'une écorce noir tachetée de blanc et leurs feuilles en forme de triangle sont vertes grisonnant. Un bosquet de Bouleau blanc. Le sol est recouvert de petites fleurs en forme d'étoile. Un tapis blanc comme la neige. Chaque voyage est une découverte.

Soudain, mon corps vacille. Je m'agrippe à la crinière de Blacky. Le sentier pentu menace de me faire tomber. Je me recroqueville sous la carapace froide de Timéo. Il ne bronche pas, trop préoccupé à tenir les rênes et maintenir le cap. Le vent est de plus en plus froid. Il offense mon cou et s'invite sans mon autorisation sous ma tunique. J'essaye de remettre mon châle tant bien que mal pour me maintenir au chaud. Au loin, un immense temple trône au sommet d'un plateau montagneux. Les nuages se mêlent aux murs de pierres, les cachant de temps en temps au gré du vent capricieux. Un long chemin en terre battue mène jusqu'au Temple de l'Air bordé par les fleurs étoilées. Les sabots du cheval martèlent le sol et heurtent à plusieurs reprises de gros cailloux plantés dans la terre ocre. Un grand groupe d'hommes et de femmes en tunique orange nous attende patiemment à l'entrée du domaine. Typiquement la même tenue du directeur. Les hommes ont tous le crâne rasé. Certains d'entre eux portent une longue barbe brune, voire grisonnante, témoignant de la vie qui s'écoule. Quelques volatiles à l'allure élancée s'appuient sur les épaules de leurs maîtres. Leurs silhouettes gracieuses et leurs couleurs blanches immaculées restent particulièrement lumineuses malgré le temps nuageux. L'une d'entre elles s'envole pour venir se poser sur la tête de Blacky. Sa petite tête à bec court s'amuse à trifouiller dans sa crinière noire. Il ne lui faut pas plus de quelques secondes avant qu'il s'agace et secoue frénétiquement sa tête pour faire partir la jolie colombe dans les airs.

Un vieil homme s'avance vers Mme Peacestream. Tous deux se saluent, leurs bustes penchés en avant.

— Namasté Maître Peacestream

— Namasté Maître Yan

Ils se relèvent.

— C'est pour moi un réel plaisir de vous accueillir dans notre modeste monastère.

Le temple des moines fait au moins trois fois la taille de l'institut d'Eden. Le terme modeste n'est pas vraiment approprié pour décrire le domaine. Plus j'observe cet immense endroit, plus j'ai l'impression que je vais séjourner dans un grand palais.

Maître Yan agite sa main en direction de l'entrée.

— Je vais vous conduire dans vos appartements.

Aidée par Timéo, je descends de Blacky. Je pose un dernier baiser sur son encolure avant de le laisser. L'entrée est imposante. Une immense triskèle est peinte en blanc au centre de la porte en bois orangée. Derrière celle-ci apparaît une grande cour. Des arbres centenaires sont alignés sur trois rangs et apportent de l'ombre sur le gazon verdoyant. La cour est entourée de murs rouge orangé. Des pagodes en pierres sont dispersées de chaque côté sur la place. Cet élément architectural se compose d'un empilement de diverses briques et pierres. Une sorte de piano, avec avant-toit simple ou multiple. Un chemin en dalles rondes blanches m'amène jusqu'au premier temple. Plusieurs paillasses sont alignés les unes à côté des autres et recouvrent l'ensemble de la pièce.

— Voici votre logis pour cette nuit, dit lentement le maître Yan. Prenez votre temps pour vous installer et pour découvrir les lieux avant de nous rejoindre autour d'un bon dîner. J'espère que vous n'êtes pas très frileux des végétaux, car notre régime est exclusivement végétarien.

Sang d'ébèneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant