Chapitre 36.2 - La Dague d'Athamée

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Une bonne dizaine de minutes s'écoulent avant que mes mains touchent un liquide glacé. Le son des gouttes d'eau qui s'écrasent au sol ne tarde pas à faire son apparition et résonne dans tout le passage souterrain. Prise dans mon élan, ma tête heurte son dos recroquevillé qui vient de subitement s'arrêter.

— Nous sommes arrivés, dit-il. La pièce royale se trouve au-dessus de nos têtes.

Je l'entends bouger. Ma main liée au châle se tend dans sa direction.

— Ne fais aucun bruit, je vais ouvrir lentement la trappe. Avant de sortir, je dois surveiller, qu'il n'y a personne dans la pièce.

— D'accord murmuré-je.

Un cliquetis métallique se produit. S'ensuit un grincement strident. La trappe semi-ouverte libère un faible halo de lumière dans notre repaire. Mon châle n'est plus aussi blanc comme la neige. Je l'observe sans un mot, épier les alentours.

— C'est bon. La voie est libre.

Il ouvre entièrement la trappe puis se libère de mon écharpe autour de sa taille avant d'entrer dans la pièce. Ensuite, il tend sa main que j'attrape puis me soulève avec sa force naturelle. Une fois à l'intérieur, je souris d'extase face à ce tableau féerique.

Le dôme de verre porte bien son nom. Les murs, le plafond et le sol sont entièrement recouverts d'une couche de glace épaisse bleutée avec un effet miroir. D'immenses colonnes sculptées supportent le plafond et donnent un effet magistral au lieu. À côté de ça, je me sens minuscule. C'est déconcertant de penser qu'un endroit aussi beau et magique puisse être dans les mains d'un être malfaisant.

Je fais quelques pas en avant et m'arrête face à lui. Comme dans les mémoires d'Eden Blood, l'arbre aux esprits est en effet d'une beauté irréelle à vous couper le souffle. Une sorte d'esprit intemporel emprisonné dans un cœur de glace. Ses longs rameaux souples et recouverts de givre pailleté pendent dans le vide. Ses milliers de cristaux brillent d'éclats au contact de la lumière de la lune qui traverse le dôme de verre. Jamais je n'ai vu de spectacle aussi époustouflant. Je m'approche de l'arbre, à moitié gêné, comme si je ne faisais pas le poids face à cet être vivant.

Lorsque je touche l'une de ses branches du bout de mon index, il se produit un effet à la fois étrange et familier en moi. L'arbre, autrefois paralysé ; ondule, bouge son corps, ses branches comme si une brise légère vient de le traverser. Surprise, je regarde Timéo, lui-même sidéré.

Lorsqu'il s'approche de l'arbre puis le touche, celui-ci s'arrête subitement. Intrigué, il finit par s'éloigner. L'arbre se met de nouveau à bouger. Sa réaction de vie face à mon contact me bouleverse.

Malheureusement, je n'ai pas le temps de m'attarder sur le sujet. Mon seul but étant de récupérer au plus vite la dague d'Athamée pour la mettre en sécurité.

C'est quand même ironique de savoir que tout ce temps elle était cachée sous les yeux du maître des ténèbres.

Je repense à la manière dont le chef Snow l'avait emprisonnée. Je m'approche de l'arbre puis pose délicatement ma main au milieu du tronc. Un léger frisson me parcourt jusqu'à l'échine puis se transforme progressivement en une vague de chaleur qui inonde mon corps.

C'est alors qu'une lueur aveuglante survient. Ma main devient blanche comme la lueur de la lune. Je ressens une puissante énergie au centre de mon cœur que je laisse s'évacuer. 

Mon esprit rentre en communion avec celui de l'arbre qui me laisse entrer. Une lumière intense se dégage plongeant l'ensemble de la pièce dans un bain lumineux. Le portail magique s'ouvre et c'est à ce moment précis que je l'aperçois, plus brillante que jamais.

Le couteau au manche noir incrusté de milliers de petites pierres précieuses endormi au cœur du tronc. Sa lame à double tranchant toujours aussi affûtée pourrait trancher n'importe quoi. Le temps passé ne l'a aucunement altérée. La dague d'Athamée est comme neuve.

Je n'ai pas le temps de l'admirer plus en détail qu'une porte claque violemment contre le mur, libérant une énergie démoniaque dans la pièce. Je me retourne vers la cause du vacarme. Un homme d'âge mature habillé tout en noir est entouré d'une troupe de l'armée rouge. Je reconnais d'emblée leur chef.

Même si sur la photographie de mariage il était plus jeune, mon cœur lui semble le reconnaître. Il s'agit bel et bien de mon père et cela me terrifie. Je me trouve nez à nez avec le maître des ténèbres avec dans ma main l'objet qu'il convoite depuis toujours.

Je m'étais imaginé toute sorte de scénarios concernant notre rencontre histoire d'être fin prête pour le grand jour, mais à présent rien ne se passe comme prévu. Le maître des ténèbres s'avance vers nous. Un rictus convulsé se lit sur son visage. Il est grand, mince avec des cheveux courts brun foncé. Ma longue chevelure ondulée couleur ébène est donc un héritage maternel. Habillé en noir, sa longue tunique dépasse presque ses genoux.

— Tiens, tiens, que me vaut l'honneur de votre visite. Timéo dit-il en hochant la tête.

— Père, dit Timéo en exécutant une révérence.

Le chef de l'armée rouge surgit derrière l'ombre de son grand chef, son regard rempli de mépris me dévisage.

— Maître, c'est la petite garce du village de la Terre.

— Je vois. Petite, je pense que cet objet m'appartient. Tes parents ne t'ont pas dit que c'était mal de voler...

Sang d'ébèneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant