Chapitre 20 - Vive les Mariées

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Timéo

Je me réveille la tête en vrac. Ma gorge est sèche. J'ai l'impression que toute mon énergie s'est subitement évaporée de mon corps. Je touche mon front. Je sens un épais tissu encore humide, mais tiède. J'ouvre les yeux, et ressens un poids étrange sur mon ventre. Je baisse les yeux et découvre une masse de cheveux noirs bouclés. Hope est endormie sur moi. Un frisson me parcourt l'échine. Sa tête repose sur un carnet ouvert. Ne me dis pas que...

Je retire ma main de la sienne et pousse délicatement sa tête sans la réveiller sur le coin du matelas. Ma pression redescend. C'est mon carnet de dessin et non l'autre. De toute façon je ne l'avais pas emporté avec moi pour la dernière épreuve, c'était bien trop risqué.

Soudain, je me fige, Hope gémit, bouge sa tête, mais n'ouvre pas les yeux. Toujours inconsciente, elle me surprend à reposer sa main sur la mienne. Puis, plus rien. Elle ne bouge plus. Son souffle chaud effleure l'extrémité de mes doigts. Elle doit être épuisée pour s'être endormie ici. D'ailleurs comment suis-je arrivé ici ? Je ne me souviens de rien. J'ai l'impression d'avoir vécu un rêve éveillé depuis qu'elle m'a aspiré mon sang dans l'espoir d'enlever le venin.

En y repensant, son geste m'avait impressionné. Elle avait fait preuve d'un véritable sang-froid. J'aurais préféré qu'une autre personne me sauve la vie, car je commence à culpabiliser. C'est la première fois que quelqu'un m'aide, agi pour mon bien-être sans me demander quelque chose en retour. Reprends-toi Timéo, pense à ton objectif. Rien ne doit compromettre ta mission.

La porte grince et s'ouvre. Une femme en blouse blanche, entre dans la pièce, un plateau à la main, et, s'approche de mon lit, un sourire sur son visage.

Hope

Une voix féminine me réveille. J'entrouvre les yeux petit à petit, le temps de m'habituer à la lumière du jour.

— Bonjour jeune homme, tu as bien meilleure mine qu'hier soir, dit l'infirmière.

Je m'étire la nuque, bâille deux fois avant de comprendre que Timéo a les yeux grands ouverts.

— Tu es vivant ! crié-je en le prenant dans mes bras.

— Quel enthousiasme ! glousse l'infirmière à côté, avec un plateau à la main.

Réalisant ce que je viens de faire, je me retire, gênée par ma réaction quelque peu excessive. Timéo reste figé et cligne plusieurs fois des paupières déroutées par mon étreinte. Je m'écarte du lit et laisse l'infirmière prendre le relais. Elle dépose un plateau rempli de tartines de pain recouvert de confiture de myrtilles.

— Voici ton petit-déjeuner. Tu dois avoir faim.

— Merci, souffle Timéo.

En fixant son repas, mon ventre gargouille. Je n'ai pas mangé depuis hier. Une journée de jeune ça me fait beaucoup.

— Hope, merci pour ton aide. Tu peux descendre au réfectoire. Le petit-déjeuner est servi.

— Pas de soucis.

Je croise le regard de Timéo.

— Euh... à plus tard, dis-je.

Je sors de la pièce sans me retourner. Avant de me rendre au réfectoire, je décide de prendre un bain en vitesse. Ses deux journées consécutives sans se laver deviennent difficiles à supporter.

***

La nuit vient de tomber. M. Steel m'a demandé de le rejoindre pour poursuivre mon entraînement. Je longe le couloir à la lueur des torches accrochées au mur et entre dans la crypte. Pour une fois, je viens d'arriver en premier. Je m'occupe l'esprit, et observe les différentes armes suspendues contre la paroi rocheuse. D'immenses lances, des épées, des dagues, des boucliers. Je divague, m'appuie contre le bureau.

Par mégarde, je fais tomber un petit coffre en bois qui s'ouvre violemment sur le sol. Mince, je suis maladroite. Je m'agenouille et récupère les affaires étalées avant qu'il arrive. Je ne pense pas qu'il apprécierait que je fouille dans ses affaires. Mais peut-être trouverais-je des notes écrites de ses mains pour la comparer avec ma lettre ?

Une photographie attire mon attention. D'instinct, j'identifie M. Steel à côté de deux jeunes mariés. La femme m'interpelle. Je suis choquée. Elle me ressemble comme deux gouttes d'eau. De longs cheveux noirs bouclés, un visage fin et ovale. Mais surtout, elle porte mon petit Oiseau de feu autour de son cou. Aucun doute possible, c'est ma mère. Mon oncle m'a toujours affirmé que j'étais son portrait craché. Son collier en est la preuve. Alors l'homme l'enlaçant est mon père biologique. Il est grand, bien proportionné, avec des cheveux noirs courts. Il dégage un charisme intimidant.

Mon cœur se serre, une vague d'émotions m'envahit. Je peux enfin mettre un visage sur mes parents. Un seul petit détail me perturbe. La photographie mentionne la lettre « A ». La signature est identique à celle de mon mystérieux auteur anonyme. L'un des deux hommes est soit l'auteur, soit mon père ou bien les deux en même temps. Je me racle la gorge, mon esprit se trouble. Pourquoi M. Steel m'a-t-il menti ? De toute évidence, il doit connaitre l'identité de mon père. Cette image en est la preuve.

Un bruit de pas me fait sursauter.

Je me dépêche de ranger le reste des affaires et de reposer le petit coffre sur le bureau. Je garde précieusement la photo, la glisse derrière mon dos et attends. M. Steel doit me dire la vérité. C'est ce soir ou jamais.

Sang d'ébèneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant