Chapitre 32.1 - Mon devoir

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Le voyage est long et silencieux. Elios d'ordinaire chaleureux arbore un visage froid surtout en présence de Timéo. Je sais qu'il a entendu ma conversation avec M. Steel à son sujet. Son attitude distante en est la preuve. Je peux le comprendre. Ils étaient amis, comme moi avec Luna. Malgré son statut d'enseignant, ils étaient proches et Elios le défendait toujours.

Je soupire tout en l'épiant de dos. J'aurais dû dire non, car m'attacher à un homme comme lui, c'est de la démence. Timéo est un homme dont je dois me méfier de ce que sa présence émane dans chaque lieu qu'il parcourt. Mais je sais que je me voile la face, car quand sa main frôle la mienne. Je sombre. Je sais bien, qu'à la seconde où je l'ai vu, ses yeux ont complétés quelque chose en moi que je ne pensais même pas manquer. Et rien que cette pensée me terrifie.

Les cimes des arbres émettent un doux bruit au contact de la brise rafraichissante. Le chant des oiseaux nous accompagnent effaçant toute trace du silence pesant. La mousse verte se tasse sous notre passage. A l'horizon, la forêt s'ouvre sur une clairière. Survient un bruit, plus intense qu'un craquement de branche sous le poids d'un sabot. Elios s'arrête et nous fais signe de nous taire. Une voix grave masculine résonne à l'autre bout. Des cris d'enfants disproportionnés me glace le sang. Au loin, une masse d'oiseaux s'envolent dans le ciel gris.

— Nous sommes proches de leur campement. Il serait préférable de continuer à pieds. Les chevaux vont nous faire repérer.

Nous descendons tous de notre monture puis l'accrochons chacun notre tour au tronc d'un arbre.

— Et maintenant ? demandé-je.

— Je pourrais aller leur parler. Ils me connaissent, dit Timéo.

— Ah oui ? dit Elios sur un ton désobligeant. Tu veux leur demander de gentiment nous rendre les enfants ou bien tu vas nous dénoncer ?

— Calme-toi.

— Comment je pourrais me calmer alors que celui que je considérais comme mon meilleur ami est du côté de ses fumiers ! dit Elios en pointant du doigt le campement de l'armée rouge.

Timéo s'approche dangereusement de son ami.

— Allez Elios ! Vas-y frappe moi ! Tu en meurs d'envie depuis notre départ !

Elios saisie le tee-shirt noir de Timéo. Son poing en l'air prêt à le frapper.

— ça suffit !

Luna et moi avons crié en même temps. Les deux adversaires collés l'un contre l'autre nous dévisagent.

— Vos rancœurs vous les laissez de côté ! cri Luna. Ce n'est pas le moment de se battre. Nous avons des enfants à sauver et même si cela ne m'enchante pas de t'avoir dans notre équipe, je pense que tu as raison. Tu es le seul qui puisse aller leur parler sans qu'ils ne soupçonnent quelque chose.

— Enfin quelqu'un de raisonnable, dit Timéo sur un ton cynique.

— Luna...soupire Elios. C'est un putain de traitre !

— Il ne peut rien faire contre nous pour le moment, dis-je en m'approchant de Timéo.

Je soulève la manche de son manteau et dévoile ma malédiction.

— Je lui ai mis le bracelet de Lilith. Il est de mon côté tant qu'il le portera.

Elios se calme et lâche prise.

— Comment tu ?

— C'est une longue histoire, soupiré-je. Je n'aie pas le temps de vous expliquer, nous devons sauver les enfants.

Il hoche la tête en signe d'approbation. Je fixe droit dans les yeux Timéo. Son regard intense a le don de me rendre folle mais ce n'est pas le moment pour sombrer dans la démence.

— Tu as intérêt de ne pas faire le con.

— A vos ordres chef, dit-il sur un ton enjôleur.

Il m'énerve quand il se la joue don juan.

— De toute façon nous ne serons pas très loin pour te surveiller, dit Elios.

— J'avais compris, souffle Timéo.

Nous avançons lentement en direction de la clairière en laissant derrière nous nos montures brouter tranquillement. Le tapis de mousse nous empêche d'émettre le moindre bruit. Accroupies derrière un énorme buisson pourvus d'un feuillage opaque, nous observons Timéo atteindre le campement. Deux tentes et un feu actif avec cinq hommes autour. Mais, aucune trace des enfants. A son approche, deux hommes faisant le guet le menace, puis baissent leurs épées l'instant d'après.

Timéo

Elios me déteste, Luna, Hope, tout le monde. Et je ne peux pas leurs en vouloir. Je suis du côté des méchants, comme ils aiment me le rappeler. J'avance de pieds ferme dans les herbes hautes dont les pointes chatouillent mes chevilles. Deux hommes se ruent et me menace avec leurs épées. Je reconnais l'un d'entre eux. Un petit jeune aux cheveux courts, bruns avec des sourcils marqués et une cicatrice sur la joue droite. C'est bien lui.

— Timéo ?! dit-il.

— Marcos, ça fait longtemps.

Putain, il fallait que je tombe sur lui. Le mec à qui j'ai infligé cette balafre. Ils baissent leurs armes.

— Que fais-tu par ici ? dit-il sur un ton cinglant.

— Je pourrais vous dire la même chose.

Je compte dix hommes avec eux. Mais, aucune trace des enfants. Est-ce vraiment ses hommes qui ont massacrés le village ?

— Ne joue pas à ce petit jeu avec moi. Ce n'est pas parce-que tu es le petit protégé du maitre des ténèbres que tu as tous les droits. Alors, réponds-moi. Que fais-tu ici ?

— Ah Marcos, soupiré-je. Ne sois pas si mesquin. Je dois me rendre au Royaume des Glaces, j'ai une grande nouvelle à annoncer à mon père.

— Je pensais que tu pouvais communiquer avec lui grâce au carnet.

— Ma nouvelle est trop importante pour être écrite.

— Je vois. Eh bien bonne route alors !

Un cri étouffé d'enfant fait vibrer mes tympans. Ils sont là. Surement caché dans la tente.

— C'était quoi ce bruit ?

— Rien d'important. Une demande du maitre.

N'attendant pas leur autorisation, j'avance vers la tente. Marcos manque de m'attraper le bras. Je soulève la toile et découvre leurs visages apeurés. Les dix enfants sont bâillonnés comme du vulgaire bétail. Leurs peaux sont tuméfiées et recouvertes de bleu virant au violet. Je ne sais pas si c'est l'œuvre du bracelet mais cette vision me donne envie de vomir et de massacrer tous les soldats sur place. Putain, des enfants ! Merde, on ne frappe pas des enfants !

— Ne prend pas cet air choqué ! dit Marcos. Tu sais très bien qu'on a besoin d'eux jeunes pour les formater pour qu'ils deviennent de bons petits soldats.

— Vous n'aviez pas besoin de les frapper ! Putain !

— Eh calme-toi ! Va te plaindre auprès du maitre des ténèbres quand tu iras le voir !

Marcos me pousse vers l'extérieur, ce qui me met en rage. J'en oublie mon plan de départ et mes compagnons cachés. D'une main ferme, j'arrache son épée des mains et la brandit devant lui. Puis, je l'enflamme.

— Mais t'es taré ma parole !

— Ouais je suis taré ! Et j'ai envie de brûler ta sale face de con !

— T'oublie une chose Timéo...Tu ne peux rien contre la maitrise du sang.

Quelques secondes plus tard, le reste de la cavalerie m'encerclent. Tous ses hommes habillés en rouge me menacent avec leurs épées. Marcos utilise sa magie obscure pour me mettre à terre. Je résiste tant bien que mal, mais mes deux jambes se plient et touche l'herbe. J'ai à peine le temps de former une barrière de feu pour me protéger que je perds le contrôle de mon corps.

Des cris puissants résonnent dans la clairière. Elios, Luna et Hope sont lancés à l'assaut.

Sang d'ébèneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant