Chapitre 21.1 - Ma descente aux enfers

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M. Steel entre dans la crypte souterraine et m'adresse un sourire lorsqu'il me voit. Mon cœur se serre. Je ne peux plus attendre. Il ne se tient plus qu'à un mètre de distance. Ma main projette la photographie face à lui.

— Je pense que vous me devez des explications. Qui est l'homme avec ma mère ?

Son visage s'assombrit. Il se racle la gorge.

— Hope, calme-toi, je vais tout t'expliquer.

— Dites-moi qui est cet homme. Et surtout, ne me mentez pas !

Son visage blême me dévisage.

— C'est ton père.

J'ai l'impression de perdre le contrôle de mon corps, toute mon énergie s'évapore en un instant.

— Pourquoi m'avez-vous menti en disant ne pas le connaitre ? Est-il vivant ?

Il s'approche de moi et pose ses deux mains sur mes épaules.

— Oui, je t'ai caché la vérité. Tôt ou tard, je savais que tu allais découvrir son identité, mais je voulais te soulager d'une triste vérité trop lourde à porter.

— Comment ça ?

— L'homme que tu dois combattre...

Il prend une grande inspiration avant de poursuivre.

— N'est autre que ton père biologique.

— Comment ? Dites-moi que j'ai mal entendu, vous venez de me dire que mon père est le maître... Non impossible. Vous mentez !

— Ton père est le maître des ténèbres Hope. Je suis navré. J'aurais aimé qu'il en soit autrement.

J'ai l'impression que le ciel me tombe sur la tête. Suis-je en plein cauchemar ?

Je dévisage cet homme, mon père sur la photographie. Je pensais qu'en découvrant mes origines j'allais sauter de joie. Mais non, c'est plutôt l'effet inverse qui se produit. Je me sens vide, trahie, nauséeuse et bouleversée. Une partie de moi espérait intimement que M. Steel soit mon père. Maintenant je me retrouve face à un dilemme de taille. En plus de devoir accomplir ma mission, en tant qu'élue de la prophétie ; il se trouve que mon pire ennemi n'est autre que mon père. Cette situation est complètement absurde.

— Je... Je... bredouillé-je.

— Je comprends que toute cette histoire te perturbe. Mais c'est la vérité. Il y a plusieurs années, lorsque nous étions étudiants à l'institut d'Eden. Moi, Mme Peacystream, Mme Andrew ainsi que deux autres amis, hélas, aujourd'hui décédés ; nous formions un groupe d'amis soudés.

Cette crypte était notre sanctuaire. Notre refuge, lorsque notre journée était terminée. Ta mère et moi faisions partie de la faction de l'eau, ton père avec un autre couple d'amis faisait partie de la faction du feu et pour le reste des professeurs tu connais déjà la réponse.

Nous avions pour habitude de venir nous entraîner ici. Ton père était le fondateur de notre cercle avant de devenir le maître des ténèbres. C'était un homme bien. Tes parents se sont très vite rapprochés et sont tombés amoureux l'un de l'autre, comme une évidence.

Puis les années ont passé, nous avons quitté l'école, mais nous gardions toujours contact entre nous malgré la distance qui nous séparait entre les différents royaumes. De temps en temps, je rendais visite à ta mère au royaume du Feu, car nous étions de très bons amis.

Tout a basculé, lorsqu'une nuit j'ai reçu une lettre de ta mère me disant qu'elle était en danger et que ton père était obsédé par les forces obscures. Jamais elle ne m'a mentionné le fait qu'elle était enceinte de toi. Alors, je suis parti au royaume du Feu pour venir la chercher et comprendre ce qui se passait réellement. Je savais que ton père était ambitieux et qu'il voulait être puissant, mais jamais je n'aurais cru qu'il se tournerait vers les forces démoniaques pour accroitre sa puissance.

— Que s'est-il passé ? Qu'est-il arrivé à ma mère ?

— Lorsque je suis arrivé au village du Feu Sacré, j'ai appris que deux de notre cercle sont décédés dans un terrible incendie. Concernant ta mère, elle avait disparu tout comme ton père. Personne ne savait me dire où ils s'étaient enfuis. Je n'ai trouvé que cette photo avec une autre où elle portait fièrement le collier en forme de phénix que tu possèdes.

Depuis ce jour, j'avais l'intime espoir que ta mère soit encore en vie. Malgré tout, lorsque ton père a accompli le rituel du sang et c'est proclamé le maître des ténèbres, j'ai appris la triste nouvelle que ta mère s'était ôté la vie le soir même.

Il se racle la gorge.

— Maintenant, je comprends qu'elle est morte en te donnant naissance.

Je reste muette, mon cerveau bouillonne. J'ai besoin d'être seule. Je m'écarte de lui. Ses mains tombent le long de son corps. Lui aussi semble désemparé.

— J'ai... J'ai besoin d'être seule pour le moment.

— Hope...

Sa voix frêle me donne la nausée. Sans attendre, je m'enfuis vers la sortie sans me retourner avec la photographie. Je cours dans le couloir, remonte les escaliers en vitesse comme si l'on me poursuivait.

Mon cœur tambourine, se serre de douleurs. Je me retiens de pleurer, de vomir et cours vers mon refuge. Ma vie est une affluence d'évènements incontrôlés. Est-ce qu'un jour je pourrais vivre une journée tout à fait normale, sans problème ?

Une brise fraîche me réveille lorsque je passe la porte d'entrée. La température de la bibliothèque n'avoisine pas les quinze degrés. Un frisson me parcourt.

Instinctivement, je glisse mon châle blanc sur mes épaules. Mais rien. Je ne l'avais pas sur moi. Mais oui, je me souviens. Je l'avais utilisé pour éponger la sueur de Timéo dans l'espoir de faire tomber sa fièvre. J'irai voir l'infirmière plus tard pour le récupérer. Je n'ai pas la force d'avoir une discussion pour le moment. Je dois remettre de l'ordre dans mon esprit qui part en vrille depuis mon échange avec M. Steel. Je déambule dans les allées, et m'assois au fond, dans un coin éclairé, par la lueur tamisée de plusieurs bougies.

Enfin isolée, je lâche prise et fonds en larmes. L'ensemble de mon visage se noie. Mes yeux deviennent bouffis et rouges. Pendant plusieurs minutes, ma tête reste enfouie entre mes genoux repliés. Je pensais qu'en découvrant mes origines, j'allais enfin pouvoir être heureuse et remplir ce vide en moi. Cependant, tout le contraire se produit. Je me sens toujours aussi seule et triste.

Une main se pose sur mon épaule. Je sursaute immédiatement, prise au dépourvu. Timéo accroupi me fixe, interloqué.

— Ça ne va pas ? dit-il.

Son ton calme me surprend. Je sèche rapidement mes larmes, et renifle deux fois en détournant mon regard.

Sang d'ébèneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant