Sang d'ébène

Chapitre 25.1 - Les Mémoires de l'élu

De retour à l'institut, je croise M. Steel, le regard fermé, qui m'ordonne avec Timéo de nous rendre dans le bureau du directeur qui nous attend. Depuis notre départ de la maison de verre, un silence s'était installé. L'expression de Timéo était revenue comme à son point de départ. Terne et froide. Il ne me parle plus.

Le directeur n'a pas l'air très enjoué de me retrouver dans son bureau. Tout comme M. Steel. Rien que son expression faciale me laisse penser que notre punition approche à grands pas. Cependant, les paroles du Prophète Thomas résonne en boucle dans ma tête et me pousse à avoir une discussion sérieuse avec lui. Selon lui, j'aurais dû venir avec ? Mais avec quoi ?

— Vous savez pourquoi vous êtes là, dit le directeur en me fixant droit dans les yeux.

J'acquiesce de la tête. Timéo ne bouge pas.

— Au départ je voulais vous punir pour vous être absenté sans prévenir. Cependant, ce matin j'ai reçu une lettre de la part de mon petit frère.

Il pose une lettre manuscrite sur son bureau.

— Le prophète Thomas me demande de ne pas vous punir, car d'après lui c'était écrit. Encore une vulgaire façon de détourner ses pouvoirs pour venir en aide aux autres. C'est pourquoi pour cette fois-ci je m'abstiendrais de vous réprimander dans la mesure où il s'agit de ta prophétie de Hope. M. Steel, raccompagnez les élèves dans leur dortoir.

— Merci Monsieur, dis-je.

Jamais je n'aurais pensé que le prophète Thomas et le directeur étaient de la même famille. C'est assez surprenant, je ne trouve pas qu'il se ressemble, sauf si on s'arrête sur leur longue barbe blanche commune.

Je sors de la pièce accompagnée de Timéo sous la tutelle de M. Steel qui ne parle pas jusqu'à ce que nous atteignions le hall d'entrée.

— Timéo, je te laisse monter tout seul au dortoir.

Il hoche la tête et part sans un mot.

— Suis-moi Hope. J'ai quelque chose à te donner

Enfin. Je le suis jusqu'à son bureau où il m'invite à rentrer. De taille moyenne, la pièce est plus petite que celle du directeur. Une immense bibliothèque prend tout le mur au fond derrière son bureau et resserre l'espace. Je remarque la photographie de leur groupe identique à celle que j'avais trouvée. Elle était enfermée dans un cadre en bois et posée sur le bord d'une étagère dont je constate une fine couche de poussière en surface. Ils étaient si jeunes.

A présent, je vois le poids des années passées se lire sur leurs visages. M. Steel fait du bruit en ouvrant un tiroir de son bureau. Le plus proche du sol. Il sort un énorme livre noir qu'il pose au-dessus des feuilles éparpillées sur son bureau. Intriguée, je m'approche et d'une main hésitante, je caresse la couverture. En fine lettre dorée est inscrit « Les Mémoires de l'élu ».

— Il est temps que je te présente le livre du premier élu. Il y a plusieurs années, j'ai reçu cet ouvrage avec la lettre de ta mère me demandant de conserver précieusement ce bouquin et de le cacher. Je n'ai jamais réussi à l'ouvrir et je n'ai pas cherché à comprendre davantage jusqu'à ce que j'apprenne le décès de ta mère et la montée en puissance de ton père, devenu le maître des ténèbres.

Je le dévisage un moment, ne sachant pas vraiment quoi faire. Il m'est impossible de croire que ma mère puisse avoir envoyé cet ouvrage alors qu'elle est censée être morte à ma naissance.

— Je ne comprends pas. Comment ma mère a pu vous écrire alors qu'elle est censée être morte en me donnant naissance ? C'est complètement absurde !