Chapitre 23.2 - Un baiser inattendu

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Sur le chemin du départ, je profite du peu de temps qu'il me reste pour admirer la vue sur le balcon avant que Timéo revienne. Un petit sourire se lit sur mes lèvres. Il m'accompagne, et j'en étais ravie, même si je prétendais le contraire. Il est vrai qu'au début de notre rencontre, jamais je n'aurais pensé que je me retrouverais avec lui au beau milieu d'une forêt. Il faut dire que notre départ fut quelque peu chaotique. Il m'a tout de suite énervée à me traiter de plante verte, puis de cactus. Il n'ouvrait la bouche que pour dire des propos cinglants.

Je l'observe discrètement depuis l'extérieur, à travers la fenêtre qui donne sur la pièce principale. Il range dans son sac à dos de la nourriture que la vieille femme nous avait gentiment emballée. Un peu de pain, un saucisson sec et des biscuits secs pour notre voyage. Il s'amuse à redresser ses cheveux en bataille qui lui bloquent sa vue. Ses mèches ne cessent de tomber sur ses yeux. Sa barbe commence à être épaisse. Il ne l'a pas entretenue depuis la troisième épreuve. Elle lui va plutôt bien. Ça accentue son côté viril, voire bestial.

Soudain, nos regards se croisent. Il m'adresse un sourire enjôleur. Je détourne ma tête, gênée. Ma main caresse ma tête jusqu'à ma nuque. Mes dents pincent mes lèvres. Celui-là, il n'en rate pas une. Il est décidément de plus en plus étrange.

Je dérive mon regard sur la vue imprenable sur la forêt d'Eden et feins d'admirer la beauté du paysage lorsqu'il ouvre la porte de l'auberge. Il me rejoint à l'extrémité du balcon. Il prend appui sur la rambarde. Un courant chaud me traverse lorsque nos coudes se rencontrent. Je sens le poids de ses yeux, mais je fais preuve d'indifférence.

Je persiste à admirer la vue et le soleil qui fait scintiller le camaïeu de vert du feuillage de la forêt. J'ai l'impression qu'une rivière dérive dans mon esprit, mon cœur s'emballe de nouveau comme à chaque réveil lorsque je croise son regard. Est-ce qu'un jour je me réveillerais en ressentant plus de chose ?

Je n'arrive pas à mettre de mot sur ce que je ressens. Mon cœur n'arrête pas de battre vite. Timéo sort de mes pensées s'il te plaît.

- Je ne croyais pas que la forêt d'Eden était si immense. Je n'arrive même pas à voir ses limites, le territoire du feu me semble loin vu, d'ici dit-il.

- Ça ne te manque pas parfois ?

- Me manque ? Qu'est-ce qui me manque ?

- Ton enfance, ta famille, ta vie là-bas ?

Il marque un silence. Ses mains agrippent la rambarde en bois. Son regard se perd au loin.

- Je n'ai pas de famille, dit-il

Son attitude calme me bouleverse.

- Oh... euh... je suis désolée, balbutié-je.

- Tu n'as pas à t'excuser, ce n'est rien. Je ne suis pas vraiment triste, car je ne sais même pas à quoi ils ressemblent. J'ai grandi en leur absence. Avoir eu des parents n'est qu'une illusion pour moi.

Je reste muette face à sa révélation. Une part de moi aurait voulu le prendre dans mes bras pour le consoler, mais je ne sais pas si c'est la bonne solution. Je n'ose rien dire, de toute façon je n'aurais pas les mots pour le réconforter. À vrai dire, je suis dans la même situation que lui, sauf que maintenant j'ai un père bien vivant. Même si ce n'est pas celui que j'aurais voulu avoir.

Il se racle la gorge pour détendre l'atmosphère puis s'écarte de la balustrade et attrape son sac à dos.

- Tu es prête ? Je pense qu'une bonne journée de marche nous attend avant d'arriver chez ton mystérieux prophète.

- Ah... euh... oui.

- Arrête de me dévisager comme ça.

- Ah... euh... oui.

Sang d'ébèneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant