Chapitre 26.2 - Sentiments contraires

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Tout à coup, il me surprend à le dévisager au loin. Ses yeux me transpercent en plein cœur si bien que je détourne rapidement la tête pour écouter la conversation entre Édouard et ses amis de la faction Thivis. Depuis notre retour, je n'avais pas pris le temps d'aborder le sujet épineux de notre baiser. D'ailleurs, j'avais hormis de mentionner ce détail à Luna.

— Hope ? dit Edouard.

— Hum ? dis-je, désorientée. Mon esprit encore ailleurs.

— Je t'ai demandé ce que tu comptais faire dans toute cette histoire ? D'ailleurs pourquoi es-tu partie sans explication ? Luna n'a pas voulu m'en dire plus.

— Ah ça... c'est que...

Par quoi commencer, je ne sais pas comment aborder ce sujet ni quoi raconter tellement il s'est passé beaucoup de choses. Tous les yeux de ses camarades sont rivés sur moi, leurs oreilles attentives prêtes à entendre le moindre mot qui sortira de ma bouche.

— À vrai dire, je ne sais pas quoi vous dire. Je suis bien l'élue de la prophétie, mais il me reste encore plein de zones d'ombre dans toute cette histoire. Heureusement pour moi, M. Steel est présent pour me soutenir et m'aide à développer mes pouvoirs. Comme vous le savez déjà, le maître des ténèbres progresse sur notre territoire. Personne ne sait quand il arrivera à nos portes c'est pourquoi je dois me tenir prête. D'ailleurs je pense que nous sommes tous concernés ; après tout vous aussi vous avez un don. Je ne suis pas la seule à être une sauveuse, vous aussi.

Je croque dans une tartine à la confiture de myrtilles pour clore cette discussion. Je n'avais pas la moindre envie d'approfondir le sujet avec eux. Pour une fois j'aimerais manger en paix sans sentir le poids de toute la contrée sur mes épaules. Le regard de Timéo se mêle au mien. Une partie de mon cœur se dirige instinctivement vers lui. J'aimerais lui parler de ma découverte du livre de l'élue, mais aurait-il envie que je me confie à lui ?

Après tout, même si nous nous sommes rapprochés durant notre voyage, rien ne me dit qu'il ne continuera pas à me taquiner et me dire des méchancetés. Il ne m'a pas parlé du baiser, bien au contraire, nous nous sommes éloignés l'un de l'autre sur le chemin du retour. J'en déduis donc que ce baiser ne voulait rien dire pour lui, c'est ni plus ni moins qu'un jeu.

Les yeux attirés vers lui, il se lève de table. Il longe l'allée principale en saluant vite fait ses quelques amis que je soupçonne, être de sa classe. Je les vois souvent ensemble dans le jardin à l'arrière du Château. Mon cœur palpite de plus en plus fort lorsqu'il détourne de trajectoire pour remonter mon allée le long de la grande table où je suis assise. Timéo n'est plus qu'à deux mètres de moi. Il vient à ma rencontre, c'est sûr. Après tout ce que nous avons vécu tous les deux, je trouverai sa normale qu'il vienne prendre de mes nouvelles, non ?

Il s'arrête, me regarde puis sourit à quelqu'un d'autre. Je reste sans voix face à la scène qui se produit sous mes yeux grands ouverts. Une chevelure soyeuse blonde émerge parmi les élèves, c'est Ondine. À ce moment précis, mon cœur se resserre. Si Luna était à côté de moi, elle aurait pu lire sur mon visage un mélange de mélancolie et de colère. Mais qu'est-ce qu'il peut bien faire avec cette mégère ?! Non, mais sérieusement, je ne pensais pas qu'ils étaient si proches. Je suis choquée.

Ne voulant pas en voir plus, je me lève sans un mot, passe devant l'ombre de Timéo sans regarder leurs visages tous deux enchantés et traverse rapidement l'allée pour sortir en vitesse de ce cauchemar. Dans ma tourmente, j'arrive dans l'écurie. Le hennissement de Blacky me ramène à la réalité. Ma réaction était un peu excessive, mais je n'y peux rien. Mon cœur a pris le dessus sur mon esprit.

J'attrape la brosse dans le seau et caresse l'encolure et la chevelure de mon ami équin pour faire briller sa robe noire et ses écrins. Une nouvelle fois, je veux m'enfuir, partir loin d'ici pour ne pas le croiser. C'est inimaginable comme mon esprit projette instinctivement son image dans mon cerveau. Même en brossant Blacky j'arrive à penser constamment à lui. La robe noire de l'étalon me ramène à ses cheveux, ses habits et son tempérament. Et sans parler de ses yeux. Ce regard profond et intense qui ne vous laisse pas indifférent.

Sang d'ébèneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant