Chapitre 15 : L'abbaye de Killburn

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« Les plantes nées de la terre, les animaux, tout organisme vivant, le ciel même, le temps et le mouvement, tout recèle un certain pouvoir. Si vous êtes en harmonie avec l’Univers, vous pouvez puiser dans ce pouvoir.

Être une sorcière, Sarah Morningstar, 1982

 

SAMHAIN APPROCHE. HIER SOIR, LE CERCLE ÉTAIT FAIBLE ET PÂLE SANS ELLE. J’AI BESOIN D’ELLE. JE PENSE QU’ELLE EST LA BONNE.

 

— Tu sais que certaines nanas tombent carrément enceintes à seize ans, ai-je marmonné à Julie le dimanche après-midi.

Je n’arrivais pas à croire que ma vie s’était réduite à cela : je me retrouvais assise à l’arrière d’un car plein de catholiques joyeux et dévoués en virée à l’abbaye de Killburn.

— D’autres se droguent ou bousillent la voiture de leurs parents. Elles sont expulsées du lycée… Et moi, tout ce que j’ai fait, c’est de rapporter des livres à la maison. Des livres !

La tête appuyée contre la vitre du car, j’ai soupiré. Je me torturais l’esprit en essayant d’imaginer le cercle de la veille.

Si vous n’avez jamais passé une heure dans un car rempli d’adultes fréquentant la même église que vous, vous ne pouvez pas savoir à quel point ça peut être long, une heure. Mes parents étaient assis un peu plus loin, heureux comme des larrons en foire. Ils bavardaient et riaient avec leurs amis. Melinda Johnson, cinq ans, a commencé à avoir mal au cœur. On a dû s’arrêter toutes les cinq minutes pour qu’elle puisse vomir.

— Ça y est, nous y sommes ! s’est écriée Mlle Hotchkiss en se levant au premier rang.

Mlle Hotchkiss est la sœur du père Hotchkiss et aussi son intendante. Le car venait de s’arrêter poussivement devant un bâtiment aussi avenant qu’un pénitencier.

Julie a jeté un regard sceptique par la vitre.

— C’est une prison ? a-t-elle murmuré. Ils cherchent à nous effrayer pour qu’on reste dans le droit chemin, ou quoi ?

Sans cesser de grommeler, j’ai suivi le groupe qui descendait du car avec la discrétion d’un troupeau d’éléphants. Dehors, l’air était froid, humide, et de lourds nuages grisâtres filaient dans le ciel. Une odeur de pluie imprégnait déjà l’atmosphère. Un détail m’a frappée : on n’entendait aucun pépiement d’oiseau.

Devant nous se dressaient de grands murs de béton d’au moins trois mètres de haut, salis par des années d’intempéries et de poussière, dissimulés sous un enchevêtrement de lierre. Une énorme double porte noire en bois, pourvue de lourds rivets et de gonds massifs, en complétait le tableau.

— Tout le monde vient par ici ! a appelé le père Hotchkiss d’un ton guilleret.

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