Chapitre 9 : La soif

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« Chacune des Sept Maisons possède un nom et un art qui lui sont propres. Un homme ordinaire n’a aucune chance contre ces sorciers : mieux vaut s’en remettre à Dieu plutôt que de chercher querelle aux Sept Clans. »

Les Sept Grands Clans, Thomas Mack, 1845

 

Est-ce que je deviens folle ? Je suis en train de changer, au plus profond de moi. Mon esprit se déploie. Comme si je voyais à présent en couleurs après avoir connu un monde en noir et blanc. Mon univers s’étend à la vitesse de la lumière. J’ai peur.

 

Le lendemain, je me suis réveillée de bonne heure après une nuit passée à me retourner dans tous les sens tant j’étais malheureuse. J’avais fait des rêves horriblement réalistes, des rêves avec Harry… et Anna. J’avais rejeté mes couvertures à coups de pied, si bien que j’avais froid. Je les ai tirées pour m’enfouir de nouveau dessous malgré ma peur de me rendormir.

Immobile dans mon lit, j’ai observé à travers les rideaux le ciel qui s’éclaircissait peu à peu. Je n’avais pour ainsi dire jamais vu le soleil se lever. Mes parents avaient raison : c’était un spectacle magique. À six heures et demie, ils ont quitté leur chambre. Les entendre marcher dans la cuisine, faire le café, verser des céréales dans un bol avait quelque chose de réconfortant. À sept heures, Julie a pris sa douche.

Allongée sur le côté, j’ai repensé à toute cette histoire. Mon bon sens me disait que Anna avait nettement plus de chances que moi auprès de Harry. Moi, je n’en avais pas une seule. Harry était trop bien pour moi, et parfait pour Anna. Est-ce que je voulais le bonheur de Anna ? Est-ce que je serais moi aussi heureuse, par procuration, s’ils sortaient ensemble ?

Cette perspective m’a arraché un grognement. Tu parles d’une idée tordue !

Si Anna et Harry se mettaient ensemble, est-ce que je serais contente pour eux ? Non. Plutôt bouffer des rats. Mais, si je m’y opposais et qu’ils sortaient tout de même ensemble (et il n’y avait aucune raison pour que cela n’arrive pas), alors je perdrais aussi l’amitié de Anna. Et j’aurais l’air très bête.

Le temps que mon réveil sonne, j’avais opté pour le sacrifice suprême : quoi qu’il arrive, je ne révélerais jamais à Anna mes sentiments pour Harry.

 

— J’ai invité du monde à venir chez moi samedi soir, a déclaré Harry. On pourrait former un autre cercle. Il n’y a pas de sabbat à célébrer, mais nous réunir de nouveau pourrait être sympa.

Il s’était accroupi devant moi ; son genou bronzé pointait à travers la déchirure de son jean délavé. Moi, assise sur les marches en béton du lycée, j’attendais que la classe ouvre pour la réunion du club de maths et j’avais les fesses gelées. Comme en hommage à Mabon, l’équinoxe d’automne de la semaine passée, le froid avait décidé de se manifester.

Je me suis abîmée dans son regard.

— Oh ! ai-je murmuré, émerveillée par les minuscules striures dorées et fauves qui entouraient ses pupilles.

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