Chapitre 15 : La vérité, enfin

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1er septembre 1982


 Aujourd'hui, nous déménageons enfin loin de cet endroit sordide. Nous avons déniché une petite maison à Meshomah Falls, un village à environ trois heures de voiture d'ici. Je crois que Meshomah est un mot indien. Là-bas, il y a des mots indiens partout. C'est un endroit très joli, qui me rappelle un peu l'Irlande.

Nous avons déjà trouvé du travail : moi comme serveuse au café du centre, et Angus comme assistant du charpentier local. Quelques habitants portent d'étranges habits anciens. Un villageois m'a dit qu'il s'agissait d'amish.

La semaine dernière, Angus est revenu d'Irlande. Je ne voulais pas qu'il y retourne, mais il ne m'a pas écoutée. De Ballynigel, il ne reste rien. Toutes les maisons qui abritaient des sorciers et des sorcières ont été réduites en cendres et, depuis, on les a rasées pour y reconstruire des immeubles. Il m'a dit qu'aucun des nôtres n'avait survécu ou que, du moins, il n'avait rencontré personne. Dans le village voisin, à Much Bencham, on lui a raconté que tout le monde parlait d'une vague noire colossale qui aurait balayé la ville, une vague qui n'était pas faite d'eau. Qu'est-ce qui pourrait créer une chose aussi puissante ? Une alliance entre plusieurs covens ?

J'étais terrifiée à l'idée qu'Angus s'en aille, que je ne le reverrais peut-être jamais. Il voulait qu'on se marie avant son départ, mais j'ai refusé. Je ne peux épouser personne. Rien n'est éternel, et je ne veux pas me voiler la face.

Enfin, maintenant, il est de retour, et j'espère que nous pourrons démarrer une nouvelle vie.

M.H.


En fin d'après-midi, j'ai décidé de récupérer mes livres sur la Wicca. Allongée sur mon lit, j'ai déployé mes sens, essayant d'explorer tous les recoins de la maison. Au début, je n'ai rien décelé, puis j'ai fini par les sentir : dans l'armoire de ma mère, au fond d'une valise. Après vérification, ils étaient bel et bien là ! Je les ai rapportés dans ma chambre et les ai posés sur mon bureau. Tant pis pour mes parents.

Ils sont venus frapper à ma porte un peu plus tard, pendant que je faisais mes exercices de maths.

— Entrez.

Ils se sont assis sur mon lit, mais n'ont rien dit. Seule la musique que Julie écoutait dans sa chambre meublait le silence. J'attendais qu'ils parlent tout en évitant de regarder mes livres.

Mon père s'est éclairci la gorge et ma mère lui a pris la main.

— Nous venons tous de vivre une semaine... difficile, a-t-elle commencé. Si tu n'avais pas découvert ça toute seule, je n'aurais probablement jamais envisagé de te parler de ton adoption. Je sais qu'il vaut mieux être honnête avec ses enfants et ne rien leur cacher. Mais, à l'époque, il nous a semblé préférable d'agir ainsi.

Elle a fait une pause pour scruter mon père, qui a hoché la tête.

— Maintenant que tu es au courant, a-t-elle repris, il vaut peut-être mieux que tu en saches autant que nous. Et puis, tu ne nous laisses pas vraiment le choix.

— Mais j'ai le droit de savoir ! C'est ma vie et j'y pense tout le temps, toute la journée !

— Oui, je m'en doute... Bon, tu sais que quand on s'est mariés, ton père et moi, j'avais vingt-deux ans et lui, vingt-quatre. On a tout de suite essayé de fonder une famille, mais, au bout de huit ans, on n'avait toujours pas réussi à avoir d'enfant. Les docteurs m'ont diagnostiqué des tas de problèmes : dérèglement hormonal, endométriose... Au point que, tous les mois, lorsque mes règles arrivaient, je pleurais pendant trois jours.

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