Chapitre 2 : Différente

109 11 0
                                    

14 décembre 1976

Hier soir, on a formé un cercle sur les falaises, à l’ouest, près du currachdag. On était quinze, dont moi, Angus, Mannannan, les autres membres de Belwicket et deux novices, Tara et Cliff. Il faisait froid, et une jolie pluie tombait. Debout en rond autour du gros tas de tourbe, nous avons concentré notre magye pour soigner la vieille Mme Paxham. J’ai senti le cumhachd – le pouvoir – crépiter dans mes doigts et mes bras ; j’étais tellement heureuse que j’ai dansé pendant des heures.

Bradhadair

 

J’ai cru que ma mère allait avoir une attaque. Mon père, lui, est resté bouche bée, tandis que Julie me dévisageait les yeux écarquillés.

Les lèvres de ma mère remuaient comme si elle tentait de parler sans arriver à former des mots. Elle était si pâle que j’aurais voulu lui dire de s’asseoir, de ne pas s’inquiéter. Mais je me suis retenue. Je savais que nous étions à un tournant, et que je ne pouvais pas faire machine arrière.

— Qu’as-tu dit ? a finalement murmuré ma mère.

— Que j’étais une sorcière, ai-je répondu calmement, bien qu’ayant les nerfs à fleur de peau. Une sorcière de sang. C’est génétique, alors, ça veut dire que toi et papa êtes aussi des sorciers de sang.

— Mais qu’est-ce que tu racontes ? a crié Julie. Les sorciers, ça n’existe pas ! Si ça continue, tu vas nous dire que tu crois aussi aux vampires et aux loups-garous !

Elle m’observait, incrédule. Dans son pyjama à carreaux, elle paraissait toute jeune et innocente. Je me suis soudain sentie coupable, comme si je venais de faire entrer le diable dans notre maison. Mais c’était faux, non ? Il ne s’agissait que de moi. D’une partie de moi.

J’ai levé la main et je l’ai laissée retomber, ne sachant que dire.

— Je ne te comprends pas, Apolline, qu’est-ce que tu cherches, exactement ? a demandé Julie en faisant un geste vers nos parents.

Sans lui prêter attention, ma mère a chuchoté :

— Tu n’es pas une sorcière.

J’ai failli pouffer.

— Maman, je t’en prie. Autant prétendre que je ne suis pas une fille, ni même un être humain. Bien sûr que si, je suis une sorcière, et tu le sais. Tu l’as toujours su.

— Apolline, arrête ça ! a imploré ma sœur. Tu me fous la trouille. Tu veux lire des livres sur les sorcières ? D’accord, lis tout ce que tu veux, allume des bougies si ça t’amuse. Mais arrête de dire que tu es vraiment une sorcière. Quelle connerie !

Indignée, ma mère a soudain braqué son regard vers elle.

WiccaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant