Chapitre 22 : Ce que je suis

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« Craignez le nouvel an des sorcières, nuit de rites profanes. Il tombe la veille de la Toussaint. Ce jour-là, la frontière entre ce monde et le suivant s’affine, se brise facilement. »

Sorcières, sorciers et mages, Altus Polydarmus, 1618

 

Ce soir, je vais assister au cercle, et rien ne m’en empêchera. Je vais m’engager à devenir une apprentie officielle du coven de Harry. Je sais que, cette nuit, ma vie va changer. Je le perçois dans tout ce que je vois, tout ce que j’entends.

 

— Où est Anna ? m’a demandé ma mère tandis que Julie et moi enfilions nos déguisements.

Puisqu’on avait enfin admis qu’on était trop vieilles pour aller réclamer des bonbons chez les voisins, on avait décidé de participer à la fête d’Halloween du lycée. Il était à peine sept heures et la maison avait déjà été assiégée par des modèles réduits de pirates, de princesses, de mariées, de monstres et, évidemment, de sorcières.

— C’est vrai, a renchéri Julie, qui traçait une fausse cicatrice de Frankenstein sur sa joue. Je ne l’ai pas vue de la semaine.

— Elle est très prise, ai-je répondu l’air de rien, en me brossant les cheveux. Elle a un nouveau copain.

Cette nouvelle a fait glousser ma mère.

— Cette Anna, quel cœur d’artichaut !

On peut dire ça comme ça, oui, ai-je pensé, sarcastique.

Julie a jaugé ma tenue d’un œil désapprobateur.

— C’est tout ?

— Je n’ai pas réussi à me décider, ai-je avoué.

J’étais déguisée en Apolline. Version tout de noir vêtue, mais Apolline quand même.

— Grand Dieu, laisse-moi au moins te maquiller, a soupiré ma mère.

Elles m’ont dessiné une pâquerette sur le visage. Avec mon jean et mon haut noirs, j’avais l’air d’une fleur sur une tige fanée. Peu importait. Pendant la soirée, Julie et moi avons bougé au rythme d’un groupe local très mauvais, les Ruffians. Quelqu’un avait versé de l’alcool dans le punch mais, évidemment, les professeurs s’en sont rendu compte aussitôt et l’ont vidé sur le parking. Aucun autre membre du cercle n’était présent. En revanche, j’ai retrouvé Tamara et Janice, puis j’ai dansé avec ma sœur, Bakker et deux ou trois autres mecs qui étaient avec moi en maths ou en physique. C’était marrant. Pas grandiose, mais marrant.

À onze heures et quart, nous étions de retour à la maison. Pendant que ma mère, mon père et Julie allaient se coucher, j’ai arrangé des oreillers dans mon lit pour leur donner la forme oblongue adéquate. Puis je me suis lavé la figure avant de retrouver en douce la fraîcheur de la nuit.

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