Chapitre 19 - Un rêve

109 7 0
                                    

« Au lieu de faire le ménage avec leurs balais enchantés, les sorcières préfèrent les enfourcher pour voler dans le ciel. »

Sorcières et démons, Jean-Luc Bellefleur, 1817

 

TOUS LES SIGNES SONT LÀ. C’EST UNE SORCIÈRE DE SANG, À L’ÉVIDENCE. SA PEAU SE CRAQUELLE POUR LAISSER FILTRER UNE LUMIÈRE BLANCHE. SON POUVOIR EST MAGNIFIQUE, EFFRAYANT. QUE CE LIVRE DES OMBRES M’EN SOIT TÉMOIN, JE L’AI TROUVÉE. J’AVAIS VU JUSTE. LOUÉE SOIT LA DÉESSE.

 

Ce soir-là, tante Eileen est passée à l’improviste pour le dîner. Après le repas, elle est restée avec moi dans la cuisine pour m’aider à débarrasser.

Au milieu des grincements des assiettes que je rangeais dans le lave-vaisselle, je me suis surprise à lui demander sans détour :

— Comment t’es-tu rendu compte que tu étais lesbienne ?

Mon indiscrétion l’a étonnée autant que moi.

— Désolée, me suis-je hâtée d’ajouter. Oublie ma question. Ça ne me regarde pas.

— Non, il n’y a pas de mal, a-t-elle répondu, pensive. Ton interrogation est légitime.

Elle a réfléchi un instant avant de se lancer :

— En fait, toute petite déjà, je me sentais plus ou moins différente. Je ne me prenais pas pour un garçon ni rien. Je savais que j’étais une fille, et cela ne me posait aucun problème. Par contre, je n’arrivais pas à comprendre à quoi servaient les garçons.

Elle a froncé le nez, et moi j’ai éclaté de rire.

— Si ma mémoire est bonne, j’étais en quatrième lorsque j’ai compris que j’étais gay. Quand je suis tombée amoureuse pour la première fois.

— D’une fille ?

— Oui. Évidemment, elle, elle n’éprouvait rien pour moi… et moi, je me suis bien gardée de lui dévoiler mes sentiments. J’avais l’impression d’être anormale. Comme si quelque chose clochait vraiment chez moi et que je devais me faire soigner.

— Ça devait être très dur.

— Ce n’est qu’à l’université que j’ai accepté la situation. J’ai enfin admis que j’étais gay et je l’ai annoncé à mon entourage. Le psy que je consultais depuis quelque temps m’a aidée à comprendre que je n’étais pas anormale. J’étais comme ça, point.

Tante Eileen a fait une grimace avant de poursuivre :

— Tout n’a pas été facile. Tes grands-parents ont été horrifiés et furieux. Ils n’ont pas pu l’accepter. Je les ai terriblement déçus. C’est dur, tu sais, quand nos propres parents sont abasourdis et embarrassés par une partie de nous alors qu’on n’y peut rien puisqu’on est né comme ça.

WiccaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant