Chapitre 9 : Une lumière apaisante

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Le soir de la Saint-Patrick, 1981


Oh, Jésus, Marie, Joseph, je suis tellement soûle que j'arrive à peine à écrire ! Cette nuit, tout Ballynigel a fêté la Saint-Patrick, le saint patron de l'Irlande, et les sorciers comme les humains étaient habillés en vert, Pat O'Hearn avait même teint la bière de cette couleur ! Il en servait dans des pintes, des seaux, des sabots, n'importe quel récipient faisait l'affaire. Le vieux Jowson en a donné à son âne, et l'animal ne s'est jamais montré si docile ! J'ai ri à m'en tenir les côtes.

Les Irish Cowboys ont joué de la musique irlandaise toute la soirée, et tout le monde a dansé avec tout le monde, pendant que les gamins se jetaient des choux et des patates. On s'est bien amusés, à croire que notre période difficile est bel et bien derrière nous.

Là, je suis rentrée à la maison. J'ai allumé trois bougies vertes en hommage à la Déesse, pour nous attirer prospérité et bonheur. Comme ce soir c'est la pleine lune, je dois reprendre mes esprits, m'habiller chaudement et aller ramasser mes luibhs. Les patiences qui poussent près de l'étang sont prêtes à être cueillies, et j'ai aussi vu des violettes, des pissenlits et des quenouilles. Du coup, je ne peux plus boire de bière avant d'y aller, sinon je risque de m'étaler dans le marais et je serais incapable de me relever seule ! Quelle journée !

Bradhadair


Je me suis retrouvée sur la route, à huit heures du soir, sans savoir où aller. Je me voyais mal débouler en larmes dans un salon de thé, ou même chez Janice. J'aurais trop de choses à lui expliquer d'un seul coup. Liam ? J'y ai pensé un instant, mais, entre son père vautré devant la télé avec sa canette de bière et sa mère coincée et hystérique, la perspective n'était pas réjouissante. Bien sûr, aller chez Anna était hors de question. Quand je repensais à ce qu'elle avait dit ce matin, quelle garce !

J'ai fait demi-tour pour me diriger vers mon seul refuge : chez Harry. J'étais terrifiée à l'idée de débarquer sans prévenir, mais le désespoir m'a donné le courage nécessaire.

Une fois arrivée devant chez lui, je me suis sentie idiote. Qu'est-ce que j'étais venue faire ici ? Si ça se trouve, j'allais les déranger, ils recevaient peut-être du monde, ou...

Un bruit de moteur m'a sortie de mes pensées et j'ai vu une grosse voiture familiale se garer derrière moi. La portière s'est ouverte : une grande femme mince en est descendue et s'est approchée de moi. Ses cheveux sombres étaient presque invisibles dans la nuit. L'éclairage extérieur de la maison s'est soudain mis en marche, baignant l'allée d'une lumière jaune chaleureuse.

Quand Selene s'est approchée devant ma voiture, j'ai baissé ma vitre. Je me sentais très bête. Elle m'a dévisagée longuement, comme pour me jauger. Ni l'une ni l'autre n'avons dit le moindre mot.

— Viens donc à l'intérieur, Apolline, m'a-t-elle proposé finalement. Tu dois mourir de froid. Je vais nous préparer du chocolat chaud.

Je suis sortie de Das Boot en claquant la portière et je l'ai suivie sur les larges marches de pierre qui montaient jusqu'à l'imposante porte en bois. Puis elle m'a fait entrer et m'a guidée vers une immense cuisine au style campagnard que je n'avais pas vue lors de ma visite précédente.

— Assieds-toi, m'a-t-elle ordonné en désignant un grand tabouret.

J'ai obéi pendant qu'elle versait du lait dans une casserole. J'espérais que Harry était là. Je n'avais pas vu sa voiture dehors, mais elle était peut-être au garage. Pour en avoir le cœur net, j'ai déployé mes sens. Soudain, Selene Styles s'est tournée vers moi, les sourcils froncés.

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