Cela faisait vingt minutes que Léo cherchait son bleu de Colbat mais il demeurait introuvable. Le peintre était pourtant sûr d'avoir reçu sa dernière commande de fourniture la semaine précédente. Il se frotta l'arrière du crâne et fouilla une dernière fois son studio. Il leva les yeux sur la mezzanine où il entreposait ses toiles achevées. Il n'y avait vraiment aucune raison que son tube soit là-haut.
Léo murmura un juron avant de sortir de son espace personnel. Il marcha quelques pas dans le couloir et poussa la porte de sa collègue. Il pénétra dans une pièce poussiéreuse et extrêmement bruyante. Josée-anne, une jeune québécoise de vingt-cinq ans, partageait l'immense studio avec Léo et quatre autres artistes. Ils occupaient un ancien entrepôt à grains dans un bâtiment industriel. La jeune femme était perchée au sommet d'un escabeau et meulait le crâne d'un colosse d'acier. Léo cria plusieurs fois le nom de la sculptrice sans résultat. Josée-anne avait des bouchons d'oreilles et un masque de protection. Léo eut l'idée d'éteindre et allumer la lumière à plusieurs reprises. La jeune-femme regarda enfin vers le peintre et coupa le courant de sa machine.
_Oh Léo, sourit-elle une fois son masque et ses bouchons retirés, tu m'aurais-tu appelé ?
_Je cherche mon bleu de Cobalt. Tu ne l'aurais pas vu ?
_Bleu de Cobalt ? Songea-t-elle. C'est plutôt bleu ciel ou bleu marine ?
_Euh, c'est Cobalt, rigola le peintre sans se moquer.
_Non, excuses. Je ne l'ai pas vu. As-tu demandé à John ?
Léo se cambra pour voir dans le couloir mais le hublot de la porte de John n'affichait aucune lumière :
_Son box est éteint. Je ne crois pas qu'il soit venu aujourd'hui.
Josée-anne lui lança un sourire compatissant. Léo haussa les épaules en découvrant l'heure que la pendule accrochée au mur de la sculptrice indiquait :
_Ça ne fait rien, il est tard. Je vais rentrer.
Josée-anne acquiesca et s'apprêtait à remettre son masque lorsqu'elle se rappela une chose. Elle interpella Léo déjà dans le couloir et descendit de son escabeau. Elle prit une enveloppe posée sur sa table et la confia à son collègue.
_Ton agent est passé lorsque tu es parti manger. Il a laissé ça pour toi.
Intrigué, Léo décacheta l'enveloppe et lut la lettre à l'intérieur. Son coeur s'emballa lorsqu'il comprit.
_Manchester Hood Gallery accepte d'exposer ma collection cet été, murmura-t-il en relisant chaque mot trois fois pour être sûr.
_C'est génial ! Se réjouit son amie. Elle est dans le top dix des galeries londoniennes.
_Je sais, toussa Léo le souffle coupé.
_Félicitations ! Allons boire un verre pour fêter ça.
Léo était sur le point d'accepter. Mais bien que Josée-anne soit l'une de ses plus proches amies, Léo réalisa qu'il voulait fêter cette nouvelle avec quelqu'un d'autre.
_Merci mais...
_Je comprend, sourit la jeune-femme. Embrasse-la de ma part.
_J'y manquerai pas. À demain.
Léo retourna à son box et éteignit la lumière. Il passa sa veste et remonta le couloir qui menait à l'ascenseur.
Dans la rue, Léo sortit une cigarette de son paquet et l'alluma. La flamme de son briquet éclairait ses doigts tachés de peinture. La bouche de métro n'était qu'à quelques intersections. Léo se mit en route et retroussa le col de sa veste sur son cou pour se protéger de la fine pluie qui commençait à tomber.
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L'art de la Nudité - tome III {Terminé}
RomanceUltime tome de l'ADN L'amour est une chose difficile à résumer, tout comme la notion de bien et de mal. Comment différencier une bonne et une mauvaise décision, une bonne et une mauvaise personne ? Le monde dans lequel nous vivons n'est pas binaire...