22 - La bride

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Il donna son accord. Les arguments de Léo étaient solides et Margot ne lui aurait jamais pardonné s'il avait refusé. Gio attendait l'arrivée du train sur le quai de la gare. Cependant le vent qui s'engouffrait entre les voies souffla une brise d'inquiétude dans l'esprit du barman.

Léo exposait dans une galerie londonienne quelques jours plus tard. Le galeriste lui avait donc réservé une chambre d'hôtel et envoyé des billets de trains pour lui ainsi que la personne qui l'accompagnerait. Le peintre avait alors proposé à Margot de profiter du billet pour rendre visite à son frère.

Gio trouva en premier lieu cette attention sympathique mais il se rappela vite de l'épisode du début de l'été.

Jusqu'à aujourd'hui il ne savait toujours pas ce qu'il s'était passé le soir où Ben et Léo avaient frappé à sa porte. Gio n'avait aucune idée de ce qui avait causé l'état de Sy ni de ce qu'elle était devenue depuis. Dans l'ignorance, Gio avait tout de même conscience qu'il devait rester discret sur ce dont il avait été témoin et sur ce que sa femme avait été complice.

D'ailleurs, l'interrogatoire qu'il avait subit quelques jours après la disparition était remplis de trous et de cafouillages :

_Vous dites que vous ne l'avez pas revu depuis le jour de votre mariage ?

_ C'est ça, répondit Gio au policier.

_Comment était-elle ?

_Hm, en pantalon je crois.

Monsieur Lutz qui se tenait dans un coin se leva de son fauteuil en se pinçant le nez :

_On ne parle pas de sa tenue mais de son attitude. Comment se comportait-elle ?

_Bah, comme d'habitude. Elle était belle et discrète. Oh et elle a fait un super discours.

_De quel genre ? intervint à nouveau Louis.

_Genre émouvant.

_Pouvez-vous être plus précis ? Sa vie est peut-être en danger à l'heure qu'il est.

Le barman réagit aux paroles du policier. Peut-être bien que Claire n'avait pas réussi à la sauver. Léo avait disparu au petit matin avec la pauvre fille. Gio camouflait probablement un crime mais il devait avant tout protéger sa femme.

_Je sais plus. Beaucoup de gens on parler ce jour là.

Le policier et Louis se regardèrent du coin de l'oeil. Le juge fit le tour de la pièce pour s'asseoir sur le bureau en face Gio.

_"Belle et discrète". Mademoiselle Valmont est à votre goût ?

_Quoi, dit Gio, un pli entre les yeux.

_Êtes-vous intimes ? précisa Lutz.

_Quoi, non ! Je viens de me marier.

Louis gardait son visage impassible, les pupilles pointées sur son témoin. Le silence s'installa entre les trois hommes et l'atmosphère devint lourde.

_Une fois, s'écria Gio, on a coucher ensemble une fois. Il y a de ça une éternité et puis sur un malentendu en plus.

_Un malentendu ? demanda l'inspecteur, vous voulez dire qu'il n'y avait pas de consentement ?

_Si, bien-sûr que si. C'est même elle qui a pris l'initiative. Mais elle pensait que j'étais quelqu'un d'autre.

_Où était-ce ? Quand exactement ?

_Halloween dernier, dit-il tout bas, chez moi, pour les dix-huit ans de mes cousins.

Le policier et Lutz s'échangèrent encore un regard.

_Avec qui pensait-elle... débuta Lutz clairement irrité.

_Elle ne me l'a pas dit. J'imagine mon cousin.

_Mattéo Solez ? proposa le policier les mains sur son clavier.

Gio acquiesça sous les yeux suspicieux de Louis. Celui-ci regagna lentement son fauteuil.

_À part vous et votre cousin, poursuivit l'inspecteur, savez-vous si la demoiselle faisait l'amour avec d'autres personnes ?

_"L'amour", murmura avec cynisme Lutz.

_Non, pas à ma connaissance.

Gio répondit en lancant un oeil dubitatif au juge.

_Trois jours suivant votre mariage, votre cousin et mademoiselle Valmont avaient leur ultime épreuve d'examen. Sybille semble être partie à la hâte. Savez-vous où est-elle allé ?

_Non.

_Lorsque nous avons fouillé sa chambre il manquait des vêtements et son passeport, déclara le policier, vous aurait-elle mentionné une destination ou un pays en particulier ?

Son passeport manquait. Il était donc possible qu'elle soit toujours en vie. La poitrine de Gio se gonfla d'espoir. Il y avait encore une chance qu'elle ait quitté le pays et que son ami ne soit pas un meurtrier.

_Monsieur Solez ?

_Elle serait juste partie ? Ce ne n'est pas une disparition ?

_Oh oui c'en est une, grinça monsieur Lutz, et comptez sur moi pour trouvez le responsable et tous ses complices.

Le barman quitta le commissariat quelques minutes plus tard. La police piétinait dans son enquête et semblait pencher pour une fugue volontaire. Cependant Gio s'éloigna le coeur encore plus lourd quand il songea au regard déterminé de Louis Lutz.

*

En acceptant que Léo invite sa cousine, le barman savait qu'il jouait avec le feu. Certes il avait arrêté de boire mais lui faisait-il confiance pour autant ?

Quand le train avança en gare, Margot se leva du banc et attrapa son sac en sautillant. Gio tira la manche de son ami et l'emmena à l'écart de sa cousine :

_Je peux te faire confiance ?

_Ouais, t'as pas à t'en faire, répondit Léo.

_Les règles sont les mêmes qu'à la maison. Tu ne la touches pas.

Léo l'interrogea. Il jeta ensuite un œil à Margot qui se plaçait devant la ligne jaune tandis que le train débutait son freinage.

_Il n'y a pas de risques. Quand elle aura retrouvé son frère elle ne le lâchera plus et j'aurais de mon côté plein de trucs à faire à la galerie.

_Écoute, souffla le barman gêné, je suis vraiment content que tu te sentes mieux mais... N'embarque pas ma cousine dans tes galères, c'est tout ce que je te demande.

Les deux hommes regardèrent Margot qui les alertait que le train était arrêté. Léo empoigna la main de son ami et lui promit de se tenir à distance.

Le grand blond regarda sa cousine monter à bord de son wagon. Elle allait retrouvé son frère dans quelques heures et cette pensée fit sourire le barman. Il quitta le quai quand le train se mit en route. Il fallait avancer, ne plus vivre dans le passé. Gio avait encore du mal à mettre ses angoisses derrière lui mais il se persuadait que l'avenir allait être plus serein. En s'éloignant de la gare, il se sentit déjà plus léger, quelqu'un d'autre prendrait soin de sa cousine.

De l'autre côté de la rue, un homme gardait pour lui ses angoisses. Au volant de son 4x4 aux vitres teintées, Louis Lutz observait les allers et venues aux alentours de la gare.

Le Juge se demandait qu'est-ce qui l'avait réduit à espionner les anciennes fréquentations de la fille Valmont. Si ces gens avaient des informations, Louis l'aurait découvert il y a déjà longtemps. Mais il n'avait rien. Louis suivait alors les amis de Sybille en espérant comprendre quelque chose qui lui aurait échappé lors des interrogatoires.

Louis alluma sa voiture puis s'engagea dans la circulation.

L'art de la Nudité - tome III {Terminé}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant