24 - Ce charmant monsieur Lutz

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Il était l'heure du bain des enfants. Les familles débarassaient les tables, ou sortaient les poubelles dans la rue. Dans certaines maisons on pouvait entendre le film du soir commencer sur les plate-formes à la demande. De rares voitures circulaient encore mais pour tous, l'atmosphère du quartier bourgeois au nord de la ville rimait avec calme et repos.

Cependant, dans une de ces maisons, celle au bout de l'impasse, une toute autre atmosphère régnait à l'intérieur.

Aucune lumière chaleureuse éclairait les nombreuses fenêtres de la grande villa moderne. Les poubelles demeuraient encore dans le garage et aucun rire d'enfant éclatait contre les murs. Seul un léger halo bleu flottait dans le grand bureau du deuxième étage. La lumière bleue vacillait au gré des chargements de pages toujours plus rapides dans la navigation effrénée de l'homme derrière son écran.

Louis Lutz cherchait quelque chose, un indice qui le mènerait à la fille des Valmont. Il s'était maudit d'avoir interdit à Sybille l'utilisation des réseaux sociaux. S'il ne l'avait pas fait, elle aurait sûrement laissé plus de trace. Louis fouillait alors les profils des adolescents qu'elle fréquentait mais aucun message ni tag ne laissait deviner que Sy communiquait encore avec eux.

Son attention quitta l'écran une seconde afin que ses yeux se posent sur la photographie au dessus de son bureau. Il avait encadré celle qu'il préférait parmi les six qu'il possédait depuis le réveillon de Noël. Louis avait acheté chaque centimètres des courbes renversantes du modèle de Mattéo Solez. Il avait enfermé la jolie photo dans un bel écrin fait de verre et barreaux noirs. Sybille était à sa place, immobile et ses lèvres délicieuses pointées sur Louis.

Mais à son grand désespoir il possédait uniquement le papier à grain sans volume ni parfum. Il manquait dans sa prison de verre la vraie Sybille Valmont.

Les yeux encore sur les grains de beauté sous la mâchoire de la jeune fille, Lutz pris son téléphone et composa un numéro qu'il connaissait par coeur. La messagerie de Sy se déclencha instantanément. La voix robotique expliqua que la boite était pleine. Louis claqua son téléphone sur le bureau. Il l'avait appelé trop souvent. Bien qu'il sut pertinemment qu'elle ne répondrait pas, il espérait qu'elle cède, comme toujours.

Louis se rappella alors la dernière occasion où la fille Valmont s'était volatilisé sans laisser de traces. Cela se produisit à la suite de ses vacances à Sainte Lucie. Il connaissait l'intelligence de sa protégée, elle n'était pas aussi bête pour réitérer le même scénario. Dans le doute, monsieur Lutz entra ses codes dans un logiciel de géolocalisation et lança la recherche. Le portable de Sy demeurait introuvable sur le réseau français.

Soudain Louis s'éloigna vivement de son bureau en faisant crisser les roulettes de son fauteuil sur le plancher en chêne. Il se pinça l'arrête du nez et souffla.

_Ton cache-cache a assez duré, bougonna-t-il, il est temps de rentrer à la maison.

Il se leva brutallement et intercepta ses clés de voiture avant de quitter la pièce.

*

Oscar réajustait les parts de cheese-cake dans la vitrine pendant que sa vendeuse servait un café fumant et deux croissants au comptoir. Le grand roux était fier de l'entreprise qu'il avait créé. Le French Coffee était un des incontournables du quartier et sa clientèle recommandait ses cappuccino caramel et croissants au beurre. La reconnaissance des londonniens pour son travail réconfortait le jeune expat tous les matins lorsqu'il ouvrait la porte de son café. C'était donc avec enthousiasme qu'Oscar prépara un thé noir pour aider son employée.

_Black tea? dit-il assez fort pour que le client concerné se manifeste.

Une main se leva dans la salle.

L'art de la Nudité - tome III {Terminé}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant