L'art de la Nudité - tome III {Terminé}

17 - Deux mondes

Peut-être que c'était une erreur. L'idée de faire de l'animation n'avait jamais fait partie de ses ambitions lorsque Margot s'était inscrite en option Cinéma. Pourtant elle sacrifiait pour la troisième fois son vendredi soir afin de passer quelques instants avec le prof d'art qu'elle admirait de loin.

La distance entre elle et monsieur Tourvel réduit cependant lorsque son cousin suggéra une colocation. La jeune blonde crut alors vivre dans un des romans qu'elle dévorait sous la couette. Oui, Margot rêvait littéralement quand elle imaginait qu'habiter sous le même toit que son crush de lycée la mènerait à la fin heureuse qui clôturaient toutes ses new-romance préférées. La réalité était bien plus compliquée.

Margot n'était pas une fausse timide qui se révélait effrontée et courageuse dès le deuxième chapitre. Léo Tourvel n'avait rien non plus du bad boy tatoué et rempli de passion sur la couverture glacée des livres. Certes le prof d'art transpirait la sensualité et son côté artiste torturé le rendait inaccessible, mais ces traits n'étaient pas des genres juste pour se rendre intéressant. Léo était réellement malheureux.

La lycéenne comprit vite la triste situation après son aménagement chez Gio et Claire. Monsieur Tourvel ne se remettait pas de sa rupture avec Sarah, l'ancienne collègue de son cousin. Il avait sombré dans l'alcool durant l'été et ses amis essayaient comme ils le pouvaient de lui tenir la tête hors de l'eau ou dans ce cas ci, hors du whiskey. Les épaules frêles de Margot témoignaient à elles seules l'incapacité de la jeune fille à assumer ce genre de détresse. Son jeune âge et son manque d'expérience n'aidaient personne et surtout ne donnaient pas envie aux hommes comme Léo Tourvel de la trouver intéressante.

Et de toute façon, aucune alchimie n'existait entre eux.

Assise au premier rang dans la salle d'art Margot Solez se demandait donc pourquoi elle perdait son temps et son énergie ici. Léo était encore en retard. La blonde avait tenté de se lier d'amitié avec ses deux acolytes de l'atelier mais l'alchimie n'avait pas non plus opéré auprès de Camille et Jérémie.

_Bon ça va être encore long, là ?

Margot leva les yeux vers Camille qui appuyait son dos contre le tableau noir.

_Il avait dit que la ponctualité n'était pas son fort, nuança Jérémie le nez dans son téléphone.

_ C'est pas une raison, enchérit Camille, je reste encore cinq minutes et ensuite je me casse.

L'agacement de Camille lui froissait le visage. Margot observait sa camarade et trouva un contraste intéressant entre l'ardoise noire du tableau et le rose pétillant de ses cheveux. Les trois étudiants tournèrent la tête vers la porte ouverte lorsqu'ils entendirent des pas dans le corridor. Camille bouda davantage quand elle vit son prof de mathématiques :

_Eh bien les jeunes, qu'est ce que vous attendez ? demanda Ben en pénétrant dans la salle.

_Monsieur Tourvel.

_Encore en retard, précisa Camille.

Ben observa un à un les étudiants en terminant par Margot. Il semblait l'interroger en silence. La jeune fille devait-elle connaitre une quelconque réponse ? le prof sourit après avoir légèrement pincé ses lèvres. Il marcha entre les tables :

_Alors vous apprenez quoi de beau dans cet atelier ? 

_ Pas grand chose, il faudrait déjà que le prof soit là.

_C'est bon Camille, il va arriver, s'agaça Jérémie.

Ben avança dans le fond de la salle. Il regarda discrètement sous la porte de la réserve si jamais de la lumière filait dessous. La pièce était sombre et barrée, Léo avait posé un verrou quelques temps auparavant. Il toqua trois coups avec nonchalance devant le regard intrigué des lycéens.