Les gouttes d'eau tapaient encore contre la paroie de douche. Sybille les entendaient à peine, elle se concentrait sur le bruit des voitures en bas de la rue Dorbée.
Allongée dans le lit, elle leva sa main contre la vitre. Des fourmis lui piquaient les doigts. La jeune femme laissa des traces sur le verre lorsqu'elle se redressa.
La mort était de pair avec la légèreté. Sybille ne sentait presque pas son corps se mouvoir quand elle s'assit au bord du lit. Les choses paraissaient plus fluides, minimalistes : l'appartement de Léo n'avait jamais été aussi rangé. Ses toiles dans le fond de la pièce avaient disparue et le bazar constant dans l'entrée n'existait plus. Sy devinait que son paradis n'avait pas besoin de fioriture tant que l'essentiel était là, nu sous la douche.
Sybille tenta de se lever pour rejoindre Léo mais ses genoux s'écrasèrent aussitôt sur le plancher. Elle examina ses jambes et constata avec surprise que les fourmis de sa main étaient descendues jusqu'à ses pieds. Elle se mit debout après une seconde tentative en prenant appuis sur le mur. Sybille dédramatisa en se disant qu'elle avait l'éternité pour se faire à sa nouvelle gravité.
Elle avançait vers la salle de bain quand elle entendit une vibration dans la cuisine. Un téléphone était en charge près de la porte d'entrée. Sy marcha jusqu'à l'appareil mais fut soudainement prise de vertiges. Elle saisit le téléphone alors que sa vision trouble la persuadait d'en voir deux branchés au chargeur. Elle cligna plusieurs fois des yeux avant de pouvoir lire le message :
《Qu'est-ce qui t'as pris ?! Reviens tout de suite !!》
Sy fronça les sourcils devant la luminosité de l'écran. Ses sens s'aiguisaient. Elle retrouvait son corps endolori. Ses doigts reprirent assez de dextérité pour répondre :
《Jamais.》
Elle n'avait pas fait ses adieux. Sybille avait prévu de disparaître, loin de ses parents et encore plus loin de Louis. Mais elle avait prévu de quitter la ville, pas la vie. Le corps de plus en plus vif mais l'esprit encore embrumé, Sy se dit que Louis la suivrait jusqu'au paradis si elle ne lui répondait pas une ultime fois :
《Jamais. Fais une croix sur moi. C'est fini.
《Fini ?!! Arrête tes conneries !! 》Ses doigts autour du téléphone étaient douloureux. Chaque partie de sa main puis son bras tout entier étaient comme un énorme noeud de nerfs tendus à l'extrême.
La mort était-elle finalement aussi éprouvante que la vie ?
《J'arrive. 》
Sy lut cette courte phrase mais ne vit que le point final. C'était la fin de son paradis. Ses sensations ne trompaient pas, elles étaient trop intenses pour croire en la mort. Elle savait déjà ce qu'elle y trouverai, mais Sy monta lentement sa main à son cou pour se prouver qu'elle avait raison : un épais pansement lui serrait la gorge.
La bande de coton lui coupait presque la respiration lorsque Sybille réalisa qu'elle était toujours en vie. Elle croisa son reflet dans la porte du micro-ondes et remarqua les traces sombres qui cernaient ses yeux. La panique et sa respiration agitée la firent tomber au sol. La jeune fille colla son dos à la porte d'entrée tandis que ses yeux cherchaient désespérément quelque chose sur laquelle se fixer et se calmer.
Elle était en vie, chez Léo, et le diable était à sa porte. Sy imagina Louis défoncer la porte et la traîner de force jusqu'à sa voiture, ou pire, il pourrait confronter Léo et mettre ses menaces à exécution. Sy voyait Louis Lutz comme un bourreau, mais Léo était-il une victime pour autant ? Elle cacha son visage dans ses mains quand elle admit que l'homme qu'elle aimait était aussi violent que Lutz.
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L'art de la Nudité - tome III {Terminé}
RomanceUltime tome de l'ADN L'amour est une chose difficile à résumer, tout comme la notion de bien et de mal. Comment différencier une bonne et une mauvaise décision, une bonne et une mauvaise personne ? Le monde dans lequel nous vivons n'est pas binaire...