L'art de la Nudité - tome III {Terminé}

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Nda :
En ces temps de confinement j'imagine que pas mal d'entre vous voient leur rythme de vie bouleversé. Qu'en est-il de votre sommeil ? En tout cas plusieurs personnes de l'ADN ne passent pas leurs nuits à dormir...
Autre point : Charlotte Cardin est une de mes artistes préféré. Connaissez-vous sa musique ?

L'éclairage orange de la ville dessinait un pochoir sur le mur du salon. L'ombre de la porte-fenêtre qui découpait cette lumière rendait l'ambiance chaleureuse dans cette pièce plongée dans le noir. Assis sur le parquet stratifié, Léo appréciait le calme que la nuit offrait. Il se concentrait sur le silence extérieur pour ne pas entendre son cerveau en ébullition. Car ses pensées se dirigeaient toutes vers la porte d'entrée et les cinquante façons de forcer la serrure. Il visualisait très clairement les trois bières sur la seconde étagère de son frigo, il connaissait aussi l'emplacement exact de la bouteille carrée qui trônait dans sa cuisine. Elles n'attendaient que lui. Les choses étaient à leur place à la rue Dorbée. Il ne manquait que lui.

_As-tu toujours mal au ventre ?

Cette voix sortie de nulle part surprit Léo. Le bip du micro-ondes retentit la seconde suivante. À plusieurs mètres de lui, Léo vit pour la première fois son fantôme lui parler. Sy sortit un bol du micro-ondes et marcher jusqu'à lui. La nuit effaçait beaucoup de détails de son visage mais c'était bien elle qui s'asseyait sur la table basse du salon, à deux pas de Léo.

_Tu devrais manger, ça te ferait du bien.

Léo restait choqué. Sybille arqua un demi sourire devant la mine sidérée de Léo. Elle retira les deux baguettes qui nouaient ses cheveux. Léo baissa les yeux sur les épaisses boucles qui tombèrent sur son épaule. La lumière orange leur donnait une drôle teinte rousse. La jeune fille détacha la pellicule qui couvrait le bol.

_Qu'est-ce que tu fais ? réussit-il à chuchoter.

_Tu ne te souviens vraiment pas alors ?

Elle plongea ses baguettes dans le bol. Un bol de nouilles façon thaï.

_L'année dernière non plus tu n'avais pas très faim, sourit-elle, pas faim de nouilles en tout cas.

Une larme échappa au professeur quand son ancienne élève glissa les baguettes dans sa bouche. C'était aujourd'hui. Il n'avait jamais été bon pour mémoriser les dates mais il aurait dû se rappeler de celle-ci.

_Joyeux anniversaire, professeur.

Sybille posa le bol encore fumant sur la table et se pencha en avant. Léo était toujours stupéfait que le fantôme lui parle avec autant d'aisance. Il le fut encore plus quand, alors qu'elle ne se trouvait qu'à quelques centimètres de son visage, il put sentir son parfum. Sa mémoire avait gardé sa fragrance à l'abri. Il ferma les yeux pour respirer toute sa complexité. Sybille s'approcha encore.

_Si on portait un toast ? chuchota-t-elle à son oreille.

Une deuxième larme coula entre les cils de Léo lorsqu'il rouvrit les yeux. Le fantôme s'en était allé. Cependant il laissa un souvenir avant de se volatiliser, un cadeau : son boulet maintenant enchainé aux chevilles de Léo. Un boulet aussi lourd que l'envie de boire.

Il essuyait ses larmes quand la jeune Solez sortit du couloir. Immobile, le prof d'art regarda l'adolescente se déplacer dans le noir jusqu'à la porte du réfrigérateur. L'ampoule jaune éclaira son tee-shirt trop grand le temps qu'elle saisisse un yaourt. La pénombre envahit à nouveau la pièce lorsque la jeune fille piocha une cuillère dans le tiroir à couverts.