30 - Collier de fleurs et d'épines

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L'air climatisé du train était à peine supportable un fois arrivé dans le tunnel sous la Manche. Le froid entre deux passagers du wagon D glaçait suffisamment l'atmosphère, la brise fraiche qui se propageait semblait alors inutile.

Bien qu'assis l'un à côté de l'autre, Margot et Léo n'échangeaient aucun mot. L'un passait en revue les contrats de vente qu'il avait conclus avec le galeriste londonien pour sept de ses tableaux. Les affaires se présentaient encourageantes et durables. L'autre cramponnait des lunettes noires sur ses yeux afin de dissimuler une forte gueule de bois. Margot avait beau encourager Léo dans sa sobriété, les circonstances de la veille l'avaient emmené à faire la tournée des bars jusqu'à des heures indues.

La jeune femme de maintenant dix-neuf ans était rentrée au petit matin seulement pour faire sa valise puis se rendre à la gare en compagnie de son ami.

D'ailleurs, elle ne savait plus vraiment si elle pouvait encore l'appeler ainsi. La ligne avait été clairement franchi avec son baiser irréfléchi et les regards fuyants de Léo résultaient de cette erreur fâcheuse. Margot ne s'accablait pas pour autant car même si elle savait qu'ils allaient devoir en parler, elle n'y était pas contrainte pour l'instant. Elle pouvait guérir de son mal de crâne en silence.

Cependant sa convalescence pâteuse se mélangeait aux conversations qu'elle avait entretenue avec son frère et les amies d'Oscar. Ils s'étaient tous retrouvé dans un établissement queer et Margot se rappelait s'être écroulé sur une table, morte de honte et essayant de justifier son geste auprès d'une fille qui ne comprenait même pas sa langue.

Amicale, la fille en question lui apporta réconfort avec un sourire et lui caressa les cheveux :

_A kiss is just a kiss.

Quand le train entra en gare, Margot revoyait les yeux pétiller de cette amie d'un soir grâce aux néons rouge et bleu du dance floor.

Léo sortit la tête de ses papiers quand il sentit le train ralentir. Il s'appuyait sur la paperasse comme une protection à la discussion. Mais maintenant qu'ils étaient de retour à Nantes, il était forcé de ranger ses affaires. Les quais se profilaient à travers la vitre et Léo reconnut le visage de Gio parmi les voyageurs.

_Ton cousin est là.

Margot regarda par dessus Léo et fit un signe de main mou à Gio. Elle replaça ses lunettes puis se leva pour attraper sa valise.

_Margot, murmura Léo, est-ce que tu vas lui dire ?

La jeune femme monta la poignée télescopique de son bagage et réfléchit. Elle ne savait pas vraiment à quoi il faisait allusion, le baiser ou l'alcool ?

_Je sais garder un secret.

Elle s'éloigna dans l'allée centrale et fit la queue pour descendre.

L'air fut à nouveau respirable une fois sorti du train. Margot ferma son manteau jusqu'en haut puis rejoignit son cousin qui l'accueillit les bras ouverts :

_Comment s'est passé le voyage ?

_Bien, bien, expédia-t-elle.

_Comment va ton frère ?

_Très bien. On a passé du temps ensemble.

_Super, tu vas me raconter ça dans la voiture, se réjouit Gio en empoignant la valise de sa cousine.

Le grand blond leva le menton vers le train :

_Et ton vernissage, s'est-il bien passé ?

L'art de la Nudité - tome III {Terminé}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant