25 Tessa

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Deux mois plus tard

J'ouvre les yeux lentement, en mettant quelques minutes à me rappeler où je suis. Chez Ayden. Je roule sur le ventre pour plonger mon nez dans son oreiller. Allez ! Donne moi son odeur ! J'inspire profondément mais je ne la sens plus et pourtant je continue de venir ici trois fois par semaine, depuis trois semaines.

Ça fait deux mois qu'il est parti, deux mois que son absence me tue. Je n'arrive pas reprendre goût à la vie, je ne sens plus moi-même depuis qu'il m'a quittée. J'ai tellement besoin de lui.

Je suis revenue de Somalie il y a trois semaines et j'ai vu l'horreur là-bas : la pauvreté, la famine, la maladie. Pendant une surveillance d'un hôpital, des hommes armés et cagoulés sont venus tirer sur tout le monde, il y a eu beaucoup de mort. Avec mon équipe on a réussi à limiter les dégâts sauf que ce petit est mort. Un tout petit garçon qui tenait à peine debout. Il est mort dans mes bras, j'ai vu la vie s'éteindre dans ses yeux. J'ai hurlé en essayant de comprimer ses blessures, j'aurai tout donner pour qu'il ne meurt pas, mais c'était peine perdue il y avait beaucoup trop de sang.

En formation on nous explique pas assez à quel point c'est difficile psychologiquement.

Le lendemain de mon retour je suis partie chez Ayden, grâce au gardien j'ai pu rentrer. Je lui ai fait croire que j'étais là pour le ménage pendant son absence mais que j'avais oublié les clés et que le temps de refaire la route j'aurai été en retard pour mes autres clients. Il a hésité, mais avec un peu de drague c'est passé. Il m'a ouvert la porte et encore une fois mon cœur s'est brisé. J'ai passé ma première nuit chez lui, son odeur était partout, c'était incroyable, comme si il était toujours là. Je me suis enroulée dans ses draps en pleurant. Puis le lendemain matin je suis repartie en prenant le double des clés avec moi, depuis je reviens souvent. Je dois me taper deux heures de route mais je n'hésite pas. Je n'arrive pas à laisser tomber. Plus les semaines passent et moins j'arrive à l'oublier. 

Je passe ma main sur l'endroit où j'ai fait mon tatouage en pensant encore à lui. Tu me manques Ayden, j'espère que tu vas bien.

Il faut que j'y aille avant que ma tante ne s'inquiète encore, elle sait que je viens ici et ça ne lui plaît absolument pas. Elle m'a harcelé pendant des jours pour savoir où je dormais avant que je lui raconte que je n'allais pas me souler dans les bars, prendre de la drogue, ou mettre ma vie en danger. Je viens juste ici parce que j'aime un fantôme. Un homme qui est à des milliers de kilomètres. Et qui m'a sûrement oublié.

***

Quand je rentre, Aline et Fred sont en train de manger, je les embrasse sur la joue en caressant le ventre rebondi de ma tante. Je vais avoir un petit frère, ils l'ont su la semaine dernière et je suis super contente pour eux, sa grossesse se passe très bien. Quand j'ai su que c'était un garçon je suis partie dévaliser les boutiques, je me suis lâchée et à chaque fois que je rentre de chez Ayden je m'arrête pour lui acheter des trucs, d'ailleurs je pose le sac sur la table.

— Tenez, j'ai trouvé ça pour le bébé, c'est un petit chat trop mignon.

Ma tante ouvre le sac et sort le doudou en riant.

— Merci Tess, encore un chat, tu pourrais changer d'animal quand même. Il n'est même pas encore né et sa chambre est remplie de peluches de chats !

— Ouais je sais, mais je finis toujours par prendre un chat. Il aimera les chats c'est rien.

— Tu viens avec moi à la salle, mon petit chat ? me dit Fred.

Je lui lance un regard assassin, il n'y a pas moyen qu'il m'appelle comme ça, hors de question. Entendre ce petit surnom fait chauffer mon sang. J'étais son petit chat et pourtant il m'a quittée.

— Plus jamais tu ne m'appelles comme ça, lui dis-je un peu trop froidement avant de me reprendre. S'il te plaît ne m'appelle plus comme ça.

Fred fronce les sourcils assez surpris en s'arrêtant de manger et je ne voulais pas être désagréable.

— Désolée, c'est juste qu'Ayden m'appelait comme ça.

— Ok je comprends mieux ton obsession pour les chatons, bon alors tu m'accompagnes ?

— Non merci je vais rester ici, je te verrai ce soir.

— Sers-toi, mange avec nous, j'avais pensé qu'on pouvait se faire un cinéma ou ce que tu veux toutes les deux et même aller faire les magasins ?

Je me serre un verre d'eau en secouant la tête vers ma tante qui m'observe avec beaucoup d'inquiétude.

— Non merci ça ne me tente pas, je vous laisse j'ai pas faim, je vais dans ma chambre.

— Tess, dit Fred en se levant, ça fait trois semaines que tu es rentrée et tu ne veux plus rien faire, tu ne manges presque pas, tu ne viens même plus à la salle. Tu passes ton temps dans ta chambre sauf quand tu vas dans son appartement, c'est pas sain, il faut que tu sortes.

C'est pas possible ! Quand je sors m'amuser ils en font tout un plat et quand je reste ici ça ne leur plaît pas non plus.

— Depuis que tu es rentrée je ne t'ai pas vu sourire une seule fois, la nuit on t'entend pleurer Tessa. Tu ne manges rien, tu ne vois pas que tu as beaucoup trop maigri ? Je vais appeller le gardien de son immeuble pour lui expliquer la raison de ta présence et il ne te laissera plus passer, dit ma tante tristement.

Elle se fout de ma gueule ? D'un coup la colère m'envahit, je claque mon verre sur le plan de travail avec l'envie de tout péter.

— Je viens d'avoir vingt ans putain, si je ne mange pas c'est que je n'ai pas faim. Je ne vais pas me forcer pour vous faire plaisir, ni me mettre à sourire sur commande ! Si je sors et que je m'amuse vraiment ça ne vous plaît pas, quand je reste ici ça ne vous plaît pas. Bordel, je n'ai pas envie de parler, ni de faire le tour des restaurants. J'attends tranquillement d'avoir ma prochaine affectation. Arrêtez de me faire chier ! Je vais dormir chez Ayden parce que j'en ai besoin ! C'est pas votre putain de problème !Vous ne comprenez rien !

— Ah enfin une réaction de ta part, enchaîne Fred en tapant sa main sur la table, tu arrives encore à crier apparemment. Tu es tellement molle qu'on se demandait si à part pleurer tu savais faire quelque chose d'autre ! On veut juste que tu reprennes ta vie, comme avant.

Il est sérieux ? Que je reprenne ma vie ? Parce que ça me plaît de chialer toute la journée ? Je kiffe avoir le cœur brisé ? J'enfonce la main dans la poche de mon cuir pour sortir deux trousseaux de clés. Celle de ma moto et les doubles de l'appartement d'Ayden pour les claquer devant eux.

— Tiens, pas la peine d'appeler voilà ses clés et celle de ma moto, je n'irai plus de toute façon son odeur à disparue. Maintenant vous aurez une bonne raison de dire que je ne sors pas. Alors arrêtez de me faire chier avec ça, je vais bien. Maintenant je vais dans ma chambre, bonne journée.

— Tess ! Reviens ici s'il te plaît, ordonne Aline quand je leur tourne le dos.

Mais lâchez-moi ! Je prends une grande inspiration en me retournant.

— Je vous aime tous les deux, vraiment très fort l'un comme l'autre mais laissez-moi tranquille.

Je tourne les talons en allant m'enfermer dans ma chambre. J'envoie un texto à Lola qui est partie en vacances avec sa famille car c'est la seule que j'aurais voulu voir puis j'enfonce mes écouteurs dans mes oreilles, en prenant la lettre d'Ayden qui reste dans mon lit. Avec moi. Je la connais par cœur mais je ne peux m'empêcher de la lire, la relire. Je m'allonge sur le ventre en serrant une peluche de chaton que j'ai gardé pour moi.

Ouais bon c'est vrai, j'ai légèrement un problème avec les chats, mais c'est à cause de lui.

Ma nouvelle étoileOù les histoires vivent. Découvrez maintenant