Le son crispant résonne sous le haut plafond festonné. Le détecteur de métaux. Meyer l'identifie dès le premier écho.
De loin le plus grand de l'assistance, il n'a qu'à tourner la tête pour dénombrer les intrus qui pénètrent dans le commissariat en balayant les lieux du canon de leurs armes. Il pose la main sur l'épaule d'Émilie. Un réflexe à force d'opérations en groupe d'intervention: connaître en tout temps la position de l'équipier. Tandis qu'il analyse la situation les yeux détournés d'elle, sa paume est le meilleur moyen de la garder sous sa vigilance. Si elle bouge, il bouge; si elle fige, il fige; si elle amorce une bifurcation, il doit le savoir instantanément; s'il doit lui communiquer un mouvement, elle le percevra.
Les derniers braqueurs ferment et bardent les lourdes portes du poste. Les cris et les tirs de dissuasion ne le font pas même tressaillir, mais il doit prendre une décision.
Treize assaillants. Cagoulés. Des emblèmes monothéistes bien en vue sur leur tenue de camouflage. Et des armes d'assaut. Des Vektor, encombrants, difficiles à manier en full auto; des bullpup de l'ancien bloc de l'Est, plus compacts, remontés à partir de pièces de kalachnikov; quelques AK-74, de plus petits calibres, qui pourraient rivaliser avec les M16 américains s'il ne s'agissait pas d'antiquités récupérées pour leur facilité d'utilisation des novices. À leur ceinture, des Glock (sans doute achetés au prix de gros!), sécurisants par leur tir accidentel quasi impossible.
Aucun pistolet mitrailleur, qui leur offrirait la puissance d'une seconde arme automatique et de calibres perforants. Que des armes aisées à trouver ou dociles pour les débutants. Mais des gilets par balles, des tenues tactiques, et assez de munitions pour ouvrir un mur en sortie de secours.
Et de son côté? Comme pour ses pièces d'identités, il a enfermé son arme principale dans son véhicule en prévision de sa venue au poste. Il ne porte que deux lames en céramique glissées, l'une, contre ses reins sous la ceinture de pantalon, l'autre, dans un étui de cheville. Tout le reste de son équipement l'attend sagement dans le coffre de la voiture ou celui de son bureau. Il n'a donc pas vraiment de leçon à donner sur le matériel que les preneurs d'otages se trimballent!
Ça le fait tiquer, mais après cet inventaire éclair, il se résout à devoir se retrancher dans un rôle d'appoint. Il considère la jeune femme qui lève le regard à la rencontre du sien. Elle est alarmée, mais pas affolée comme d'autres qui gémissent et pleurent déjà. Son torse en brise-vue, il lui présente les anses de la sacoche usée qu'il a récupérée en chemin mais ne lui sera d'aucun secours – au contraire. « Garde moi ça, trésor. » lui demande-t-il paisiblement. Elle s'en empare, et opine à sa recommandation d'obtempérer avec les braqueurs. Son calme semble se communiquer à elle plus que l'hystérie qui menace tout autour.
Ils doivent se séparer: dans des acclamations agressives, les hommes armés les repoussent en masse le long du comptoir. À coups de poings et de crosse, ils rabattent également les agents clairsemés à travers l'open space.
Ils ordonnent et les gens s'exécutent. Phil le premier. Il prend sa posture la plus inoffensive, adopte l'expression la plus apeurée, fait trembler ses jambes, lève les mains sans décoller les bras du corps, comme déchiré entre le désir de se recroqueviller et celui de se montrer désarmé. Il garde les yeux baissés – les plus susceptibles de le trahir. Il n'est pas certain de sa crédibilité. La peur n'est pas une figure à laquelle il s'est beaucoup exercé.
Abelone suit le mouvement qui réduit hommes, femmes, et flics, à chiens battus ramassés au sol en l'attente que les coups pleuvent. Les jumeaux ne font pas partie du lot. Où peuvent-ils être?
Elle est séparée d'un mètre cinquante de Meyer, assise à côté d'une femme qui se pelotonne si près d'elle que les puissants tremblements qui la parcourent se communiquent à elle.
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Black Bag [Terminé]
RomanceIl a suffi d'une fraction de la campagne électorale attisée par la peur. Deux semaines de matraquage médiatique durant les quatre mois de campagne, une énorme opération de médisance, et un seul slogan: "Votez contre Mercier". À l'heure de la victoir...